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Industrie

"Depuis 2009, les pouvoirs publics et les industriels sont au diapason"

Publié le 28 mars 2012

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
François Tanguy, en charge de l'électro-mobilité au sein du Conseil Général de Moselle - Grand spécialiste de l'automobile et expert reconnu au sein des collectivités pour les projets liés à l'électro-mobilité, découvrez François Tanguy en 8 questions.
François Tanguy, en charge de l'électro-mobilité au sein du Conseil Général de Moselle - Grand spécialiste de l'automobile et expert reconnu au sein des collectivités pour les projets liés à l'électro-mobilité, découvrez François Tanguy en 8 questions.

Pouvez-vous nous rappeler votre itinéraire et nous dire à quel moment la problématique des énergies alternatives en général, et du véhicule électrique en particulier, a croisé votre chemin ?

J'ai obtenu mon  diplôme à l'Estaca en 1985 et j'ai d'abord rejoint le groupe ABB, au sein duquel je suis resté quatre ans. Même si on parlait peu des énergies alternatives et du véhicule électrique à cette période, cette expérience m'a permis d'acquérir des connaissances en électrotechnique qui se sont par la suite révélées utiles ! Ensuite, durant 17 ans, j'ai travaillé pour les grands équipementiers Delphi, Valeo, Faurecia ou AVL, principalement à des fonctions de direction de grands comptes et de grands projets internationaux. En mai 2008, j'ai rejoint l'univers des collectivités et le Conseil Général de Poitou-Charentes, où j'étais en charge du projet de VE régional. Un projet qui a été fortement médiatisé par l'épisode Heuliez, aujourd'hui connu sous Mia Electric, mais qui comprend aussi le constructeur Eco&Mobilité, basé à Chauvigny. C'est à cette période que tout commence vraiment pour le véhicule électrique, même si j'avais davantage été recruté pour ma connaissance du monde automobile. Ensuite, mi-2009, j'ai intégré le Conseil Général des Yvelines, pour travailler sur le projet "Véhicule urbain du futur" et sur l’expérimentation SAVE. Enfin, j'ai rejoint le Conseil Général de la Moselle début 2011.

Comment expliquez-vous l'incroyable accélération autour de l'enjeu du VE ces dernières années, alors que le VE en tant que tel n'a rien de fondamentalement nouveau si on considère qu'il existait déjà au début du 20e siècle ?

Sans remonter jusqu'au début du 20e siècle, on peut aussi évoquer les années 90 et la démarche de PSA avec Heuliez pour produire des AX, 106 et Saxo électriques. 10 000 VE ont tout de même été produits à cette époque dans le groupe PSA. Mais cela n'a pas suffi, car seule la sphère industrielle manifestait de l'intérêt pour cette solution. Le marché et les pouvoirs publics n'étaient pas encore mûrs pour envisager de quitter le "tout pétrole". En outre, la technologie des batteries n'était pas encore mûre non plus. Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé ! Pour des raisons environnementales ou économiques, les pouvoirs publics et l'opinion évoquent la nécessité de s'affranchir du "tout pétrole", d'autant qu'on sait que les ressources sont limitées. La question environnementale a dans son ensemble fait un grand bond en avant et parmi d'autres choses, on se préoccupe vraiment du contrôle des émissions, surtout qu'il s'agit aussi de la santé publique, j'insiste sur ce dernier point. Ajoutez à cela le changement de statut de la voiture dans l'esprit des gens, changement accentué par la crise et l'émergence de nouvelles propositions de mobilité, ainsi que le saut technologique des batteries avec le lithium-ion et vous comprenez que la situation a vraiment évolué. D'ailleurs, depuis 2009, les pouvoirs publics et les industriels sont au diapason. De surcroît, en France, nous produisons de l'électricité qui émet peu de CO2 car elle provient à plus de 80 %, du nucléaire et de l'hydraulique.

Est-ce à dire que le nucléaire est un allié du VE ?

Pas nécessairement et pas en ces termes. En effet, si vous prenez l'exemple allemand, vous constatez que l'Allemagne adopte la même approche que la France, alors que l'argument du nucléaire est moindre. Le VE apporte beaucoup d'autres avantages, la santé publique et le confort urbain n'étant pas les moins négligeables. Par ailleurs, c'est un mouvement plus global, nous le voyons aux Etats-Unis, au Japon ou en Chine par exemple.

Dès lors, diriez-vous, comme Jean-Michel Cavret (Group BMW France), qu'il y a peu de risques qu'il y ait un nouveau rendez-vous manqué avec le VE ?

Je pense effectivement avec Jean-Michel Cavret qu'il sera très difficile de manquer ce nouveau rendez-vous. Et attention, il ne s'agit pas de passer brutalement au "tout électrique", les prévisions de ventes de VE font état de 3 à 10 % du total d'ici 2020. De plus, à l'avenir, de nouvelles solutions technologiques vont permettre de lever le frein de l'autonomie et l'augmentation de la production engendrera une baisse des tarifs de commercialisation.

Pensez-vous aussi que les collectivités et les entreprises représentent la rampe de lancement du VE ?

Oui, et je pense même que les collectivités sont au premier plan, car les entreprises ont des modèles économiques qui leur sont propres. En outre, les collectivités doivent être un exemple pour les particuliers car en fait, elles les représentent. Les collectivités ont donc un rôle moteur à jouer, d'autant que quand les gens verront vraiment les véhicules et les infrastructures dans leur environnement, ils franchiront le pas plus facilement. Enfin, les agents des collectivités qui utiliseront les véhicules électriques au quotidien en parleront à leur tour dans leur sphère privée, car essayer le véhicule électrique c’est l’adopter.

A ce propos, on peut dire que le Conseil Général de Moselle joue pleinement ce rôle de moteur. Sans prétendre à l'exhaustivité, pouvez-vous nous présenter ses projets-phares ?

Tout d'abord, il convient d'évoquer la démarche Moselle Electromobile. L'usine smart d'Hambach produit des smart électriques depuis 2010 et elle a notamment bénéficié d'une subvention de 450 000 euros du Conseil Général. Par ailleurs, à l'issue du Conseil des Ministres franco-allemands de février 2010, le projet CROME (CROss-border Mobility for Electric vehicles) a été mis en place, afin de démontrer notamment que les frontières ne constituent pas un problème insurmontable à la circulation des véhicules électriques dans une région transfrontalière comme la nôtre. Au-delà des collectivités concernées (le Département de la Moselle, la Région Alsace et la Communauté Urbaine de Strasbourg), ce projet réunit aussi PSA, Renault, EDF, Schneider Electric, EnBW, Daimler, Porsche, Bosch et Siemens. Dans ce cadre, le Conseil Général de la Moselle a mis en place en 2011 une expérimentation de 30 smart électriques et cette année, il prévoit aussi le déploiement d'infrastructures de recharge interopérables entre la France et l'Allemagne. Enfin, dans un autre registre, nous avons mis en place une incitation financière pour les collectivités et les entreprises (entre 40% et 60% du coût) afin de favoriser l'installation de bornes de recharge accessibles au public.

On sait aussi que le Conseil Général de Moselle a de nombreux projets en cours, pouvez-vous nous en dire plus ?

Un abondement de 2 000 euros du bonus de l'Etat de 5 000 euros pour les TPE, les commerçants et les artisans qui achètent un VUL électrique vient par exemple d'être voté. C'est une aide significative. Par ailleurs, nous avons aussi un projet ambitieux, en phase de préparation, pour fluidifier l'axe Metz-Thionville-Luxembourg. Un axe aujourd'hui totalement saturé. Pour le fluidifier, nous envisageons de recourir aux nouvelles mobilités intelligentes et au véhicule électrique, en utilisant notamment les leviers des parcs relais à haut niveau de services, des navettes électriques en autopartage ou du covoiturage dynamique. A terme, 3 000 VE pourraient faire la navette sur cet axe et le projet devrait pouvoir débuter en 2013. Les choses vont d'ailleurs dans le bon sens, car nous venons de lancer un appel public pour le recrutement d'un Assistant à Maîtrise d'Ouvrage. Enfin, nous menons aussi de nombreuses actions de sensibilisation et de communication sur le VE et dès 2013, nous prévoyons de lancer un rallye électromobile international transfrontalier avec l'Allemagne et le Luxembourg.

Pour conclure, à l'aune du développement durable, quelles sont vos convictions sur l'électro-mobilité ?

Le développement durable repose sur trois piliers : l’environnement, l’économique et le social. Pour l'environnement, l'électro-mobilité est une bonne réponse. Reste à démontrer que c'est aussi valable au niveau économique. Cela prendra un peu de temps, mais il n'y a pas de blocage insurmontable. Ensuite, le volet social suivra comme nous l'avons déjà évoqué avec la problématique de la santé publique. Mais étant de nature optimiste, je ne pense pas que nous allons devoir attendre très longtemps. En effet, pour les collectivités, les choses se précisent et le Conseil Général de la Moselle en est une parfaite illustration. Pour les particuliers, la première avancée se fera sans doute avec les véhicules hybrides et hybrides rechargeables, mais ces derniers sont bel et bien des véhicules électriques ! Et quand les prix seront plus abordables, le VE sera vite adopté par le grand public, d'autant que le confort de conduite qu'il procure est supérieur à celui des véhicules thermiques.

Article écrit pour la Newsletter du véhicule électrique - Collaboration Avere-France - Journal de l’Automobile

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