Automobile : ce qui a vraiment fait grimper les prix des voitures neuves
Entre 2020 et 2024, le prix catalogue moyen des voitures neuves vendues en France a bondi de 6 800 euros, soit +24 %, selon une étude conjointe de l’Institut des mobilités en transition (IMT) et du cabinet d’analyse C-Ways.
Cette flambée des tarifs a entraîné une contraction des ventes de 22 % en France, en faisant chuter le marché automobile français autour de 1,7 million d'immatriculations, contre 2,2 millions avant la pandémie de Covid-19.
Évolution des prix catalogue des VP neufs entre 2020 et 2024 (source C-Ways pour IMT)
Mais contrairement aux plaidoyers lancés conjointement par Luca de Meo, patron du groupe Renault, et John Elkann, président du groupe Stellantis, la réglementation environnementale n’est pas la principale responsable de cette hausse.
"Notre objectif au travers de cette étude est d'apporter de la donnée afin d'amener un débat sur les causes profondes de la hausse des prix. Il s'agit également d'aider les décideurs publics pour les éclairer sur la fiscalité automobile, mais aussi d'alimenter le débat à venir sur la clause de revoyure en 2026", fait observer Jean-Philippe Hermine, directeur de l'IMT.
Des causes partagées : subies, choisies… et hybrides
L’étude distingue trois grands types de leviers ayant contribué à la hausse des prix. 6 % relèvent de facteurs subis, comme l'inflation des matières premières, la hausse du coût de l’énergie ou du travail. 12 % résultent de choix stratégiques des constructeurs comme la montée en gamme, la baisse des volumes de citadines, ou encore la politique de pricing agressive. Enfin, 6 % sont liés à des choix hybrides, notamment l’électrification de l’offre pour répondre aux objectifs climatiques européens.
Autrement dit, plus de la moitié de la hausse des prix est le fruit de décisions volontaires des marques visant à maintenir leurs marges malgré la baisse des volumes.
Décomposition des causes de la hausse des prix des voitures neuves (source C-Ways pour l'IMT)
"C'est bien la montée en gamme, stratégie assumée par les constructeurs automobiles qui est à l'origine de la moitié de la hausse des prix. On ne peut pas leur reprocher. Mais on atteint aujourd'hui un plafond et la baisse des ventes est préoccupante", poursuit Jean-Philippe Hermine.
Les données financières confirment la rentabilité de la stratégie des constructeurs. Alors que les coûts de production ont culminé en 2022 avant de refluer, les prix catalogues ont continué d’augmenter. Résultat : les groupes automobiles européens ont dégagé 145 milliards d’euros de résultats d’exploitation par an entre 2021 et 2024, soit près du double de la période 2015–2019.
Une montée en gamme assumée
La disparition progressive des véhicules de petit segment (Renault Twingo, Peugeot 108…) au profit des SUV et des véhicules plus équipés a fortement tiré les prix vers le haut. Ce mouvement a fait passer le poids moyen des véhicules vendus en France de 1 365 kg à 1 490 kg entre 2020 et 2024.
Revenir à une structure de marché semblable à celle de 2010 permettrait, selon les auteurs, de réduire de 2 000 euros le prix moyen des voitures neuves.
L’électrification : une cause surestimée
Contrairement aux discours des industriels, l’électrification du parc n’a contribué qu’à hauteur de 6 % à la hausse globale des prix. La substitution du diesel par des hybrides non rechargeables, notamment chez Renault et Toyota, a permis une transition énergétique à coût maîtrisé.
En revanche, les véhicules 100 % électriques, surtout concentrés dans les segments supérieurs, ont accentué la pression sur les prix… Une stratégie que les constructeurs semblent commencer à réviser avec l’arrivée de modèles plus abordables (Citroën ë-C3, Renault R5, Twingo électrique).
Les hausses de prix varient fortement selon les constructeurs. Fiat (+53 %), Mercedes (+44 %), Renault (+32 %) et Ford (+24 %) ont privilégié la montée en gamme et l’électrification. Dacia (+44 %) a opéré un repositionnement de low cost à value-for-money. Tesla, à l’inverse, a abaissé ses prix de 15 % en moyenne, bouleversant le haut de gamme.
Quelles pistes pour retrouver un marché accessible ?
L’étude appelle à un sursaut politique coordonné pour stopper la spirale de la hausse des prix et surtout pour façonner un marché de l'occasion plus en adéquation avec les capacités budgétaires des ménages plus modestes. Elle recommande notamment des aides ciblées sur les véhicules compacts, légers et sobres, via bonus-malus, leasing social ou fiscalité incitative. Cette stratégie, liée à une politique qui favorise le contenu local des véhicules, aiderait également les équipementiers qui souffrent en cette période de baisse des volumes.
Enfin, les auteurs appuient la création d'un nouveau segment réglementaire de petits véhicules, à l’image des kei cars japonaises, permettant de commercialiser des modèles sous la barre des 15 000 euros.
"Mais cela reste une idée essentiellement soutenue par les industriels français. Et je ne suis pas certain que le sujet soit au centre des débats en Europe", affirme Jean-Philippe Hermine. En revanche, créer un segment différent régi par des réglementations liées à la sécurité des véhicules distinctes serait non seulement favorable à l'environnement, mais cela permettrait aussi de renouveler plus facilement le parc automobile français, qui atteint désormais douze ans. Enfin, cela permettrait une électrification plus rapide sur les segments A et B des offres des constructeurs.
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