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Distribution

Un fauteuil pour deux

Publié le 8 octobre 2004

Par Tanguy Merrien
4 min de lecture
Toyota s'est vu contraint par la cour d'appel d'Orléans de maintenir ses relations commerciales avec un concessionnaire résilié alors qu'un autre a été nommé entre-temps dans la même rue. Une situation ubuesque qui ne satisfait aucune des parties. Aujourd'hui, deux distributeurs, un ex-résilié...

...et son successeur, se livrent une guerre commerciale dans une seule et même rue, à 300 mètres l'un de l'autre. Ubuesque, non ?
En imposant à Toyota de maintenir ses relations commerciales avec un distributeur résilié alors que son secteur a déjà été confié à un autre distributeur, la justice vient de supprimer avant l'heure la clause de localisation.
En février 2002, le contrat de distributeur de Claude Lemoine, concession AD 45 à Orléans, est résilié avec préavis de deux ans courant jusqu'au 4 mars 2004. Cette résiliation est alors prononcée sous le règlement 1475/95 encore en vigueur pour quelques mois. Dans le même temps, le constructeur nomme en lieu et place un successeur à Claude Lemoine, le groupe Bernier qui entreprend les travaux d'un nouveau site, Carsud, à quelques pas de AD 45…

Le passage au règlement 1400/2002 va tout changer

Cependant, l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen 1400/2002, le 1er octobre 2002, et le passage à une distribution sélective vont changer la donne. Claude Lemoine, qui entend rester au sein du réseau Toyota, investit dans les standards de la marque. Un audit réalisé par une société extérieure va confirmer qu'il respecte bien les critères de la marque. Contestant ainsi sa résiliation, le distributeur et son avocat, Maître Renaud Bertin, saisissent en référé le tribunal de commerce d'Orléans. Celui-ci demande, en attendant le jugement de fond, le maintien des relations contractuelles avec le constructeur. Une décision confirmée le 15 juillet dernier par la cour d'appel d'Orléans, imposant à Toyota le maintien des relations commerciales avec Claude Lemoine. "Dans le cadre de la distribution sélective, un membre ne peut être exclu d'un réseau que pour faute grave ou non-respect des critères", rapporte le cabinet de Maître Bertin pour expliquer la décision de la cour d'appel.
Désormais, les deux distributeurs doivent cohabiter en attendant la décision du juge de fond. Si celle-ci intervient après octobre 2005, la clause de localisation aura disparu et les deux distributeurs pourraient être conservés. Ce qui fait dire au cabinet Bertin que "d'une part, le numerus clausus du constructeur pourrait exploser. D'autre part, ce cas pourrait créer un précédent et il ne serait pas impossible que d'autres situations de ce genre se répètent, au regard du nombre de concessionnaires résiliés entre les deux périodes", rapporte le cabinet de Maître Bertin. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui la situation risque de mener à leur perte les deux distributeurs. "Je ne me satisfais pas de cette situation, explique Claude Lemoine, être à deux sur le même territoire est ingérable. Même si, après dix ans de présence à Orléans, je conserve ma clientèle et si cette année mon service après-vente n'a jamais aussi bien tourné." Le groupe Bernier a quant à lui investi de l'argent dans un secteur où il aurait dû être, en théorie, libéré de toute présence physique d'un autre distributeur de la marque.

L'entrée en vigueur du 1400/2002 est sans influence sur la résiliation

Les envolées lyriques du cabinet Bertin ne doivent pas faire oublier que cette décision n'est qu'un référé. Cet arrêt du 15 juillet s'appuie en effet sur l'article 873 du nouveau code de procédure civil qui autorise les juges de référés à "ordonner le maintien des relations commerciales entre les parties, malgré la résiliation, s'il résulte de celle-ci un dommage imminent…". Or, une décision plus récente, du 22 septembre dernier, remet en cause cette analyse. Pour le tribunal de commerce de Versailles, en effet, l'entrée en vigueur du nouveau règlement est sans influence sur la résiliation. Résilié avec préavis de deux, le contrat d'une concession Nissan a pris régulièrement fin le 24 septembre 2004, constate le tribunal. Elle précise que "la concession résiliée ne dispose pas d'un droit absolu à être intégrée dans le réseau à la fin de son préavis" et que "l'imminence du prétendu dommage invoqué ne résulte pas d'une quelconque faute de la part de Nissan France mais du fait de la concession qui a attendu la fin du préavis de deux ans pour agir, de sorte qu'elle s'est elle-même créée artificiellement une situation d'urgence".


Tanguy Merrien

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