S'abonner
Distribution

Saab en reconquête…

Publié le 23 mars 2007

Par David Paques
8 min de lecture
Après quelques années difficiles, Saab souhaite aujourd'hui retrouver la confiance de ses clients et de son réseau. Sur un marché Premium en déclin l'an dernier de 4,2 %, la marque suédoise a clôturé l'année 2006 en progression de 12,4 %. Une évolution que Saab n'avait plus...

...connu depuis 2001. "Sans grande nouveauté, c'est une belle performance", se félicite Philippe Van Der Meulen, directeur des ventes et du marketing de Saab France. La fierté relative affichée par la direction commerciale française n'est pas ici malvenue. A Argenteuil, au siège de la filiale, on mesure en effet combien cette tendance est positive. Ces dernières années, la morosité et le doute prévalaient au sein de la filiale de General Motors. Les faibles investissements consentis par GM dans Saab depuis son acquisition faisaient craindre une cession rapide.

GM pointé du doigt

Pourtant en 1989, lorsque GM s'impose devant Fiat pour acquérir Saab, l'euphorie gagne le réseau. Les ventes françaises décollent et franchissent la barre des 3 000 unités annuelles à la fin des années 90. En 2001, Saab enregistre même 3 700 immatriculations. Devant tant de succès, le réseau doit suivre et les investissements commencent. Notamment avec le lancement du concept "Saab Unlimited", en 2002. Un label de site "Premium" qui coûtera entre 300 000 et 600 000 euros d'investissements selon la concession. "Je suis Unlimited depuis 2003. A l'époque, j'avais investi en tablant sur un certain volume. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, je suis loin du compte", témoigne Monsieur Tadek, président-directeur général de Seda-Tadek Automobiles à Salon de Provence. Comme lui, d'autres membres du réseau investissent dans le concept. Mais les volumes tardent à venir. Plutôt ennuyeux, lorsque le système de rémunération des concessionnaires incite fortement les sites à stocker pour obtenir les primes. "L'investissement dans le concept Unlimited se veut rentable à partir d'une centaine de véhicules écoulés par an. Il est par nature réservé à quelques distributeurs situés dans de grandes agglomérations", précise Philippe Van Der Meulen. Si Saab n'affiche qu'une trentaine de concessionnaires Unlimited, c'est pourtant l'ensemble du réseau qui investit. Dans un contexte où Saab souffre d'un manque de rentabilité, l'atmosphère devient pesante pour les distributeurs. "Cela devenait impossible de travailler avec General Motors. J'ai préféré jeter l'éponge", nous confie un distributeur. A l'époque, nombreux sont les acteurs à montrer du doigt l'attitude du groupe US et son manque d'implication dans la marque de Trollhättan. Vis-à-vis du réseau Saab mais aussi des produits Saab. Et si les distributeurs mettent en avant la gestion humaine, le soutien et la proximité de la direction française de Saab, les concessions connaissent alors de vrais problèmes de rentabilité.

2005 : année Zéro

Empêtrés dans la baisse des volumes, la hausse des investissements et le lent déclin du marché, les concessionnaires Saab voient peu à peu leurs marges se réduire. La situation atteint son paroxysme voilà moins de 18 mois. En 2005, le réseau Saab flirte en effet avec les 0 % de rentabilité. Même si la situation a évolué à la hausse, la rentabilité moyenne du réseau français est actuellement de 0,8 %, les difficultés restent réelles. "Aujourd'hui, le secteur est hyperconcurrentiel. Nous devons nous battre à coup de remises pour obtenir une vente", explique Nathalie Achille, responsable Saab de Beaulieu Sud Automobiles à Nantes. "Le vrai souci vient des remises. On ne va pas chez Fauchon avec des bons d'achat ! Or, les remises se multiplient. Et sur les quelques véhicules que nous vendons, nous ne parvenons plus à faire de marges", témoigne lui aussi M. Tadek. Si le réseau semble avoir repris un peu de couleur l'an dernier, l'équilibre reste donc fragile. D'autant plus, que ce genre de pratique commerciale perdure. Le constructeur prévoit notamment d'introduire prochainement une série spéciale de 9.3 affichée à 24 000 euros, au lieu de 28 000. Une offre que GM financera aux deux tiers.
En réalité, ce qui semble donc maintenir la tête du réseau hors de l'eau, ce sont les autres panneaux. "Mon taux d'absorption des frais fixes est largement couvert par les autres marques que je distribue", témoigne en effet Jean-Louis Vernier, directeur général d'Auto 2000, à Nîmes. "Personnellement, je m'en sors parce que j'ai joué avec le showroom Opel. Mais il est clair qu'aujourd'hui, il est impossible d'investir uniquement pour Saab. Globalement, c'est le multimarquisme qui nous sauve", explique à son tour Gérard Hamon, distributeur à Saint-Brieuc. Comme dans cette affaire, les distributeurs Saab sont aujourd'hui nombreux à penser de la sorte. Actuellement, sur 60 points de vente, près de 25 peuvent en effet compter sur le panneau Opel ou Chevrolet pour amortir les frais de fonctionnement liés à la distribution de Saab. "Beaucoup de concessionnaires GM préfèrent distribuer Chevrolet parce qu'il y a plus de volume", reconnaît volontiers Philippe Van Der Meulen. Même la modification du système de rémunération réalisée durant l'année 2005 ne semble pas avoir soulagé le réseau. "Cela n'a rien changé", confirme Jérôme Reyes-Rivet, P-dg de City Automobiles, qui possède trois concessions Unlimited à Chambéry, Grenoble et Annecy. Rien n'a changé, ou presque… Les variables ont en effet été simplifiées, puis calquées sur le modèle GM. Soit une marge brute de 8 % en moyenne, qui peut aller jusqu'à 12 % en fonction des volumes. "Si vous n'obtenez pas vos volumes, vous êtes mort. On se sent plus dépendant du constructeur, plus fragile. Malgré cela, la politique VD s'est assainie et la pression a diminué", commente Gérard Hamon. Pour 2007, Saab semble toutefois optimiste quant à la rentabilité de son réseau. "Si nous atteignons les 1,5 %, nous pourrons nous féliciter", estime ainsi Philippe Van Der Meulen. Peut-être l'actualité produit aidera en ce sens. Ce qui n'a pas été le cas ces dernières années.

Une gamme riche… dans trois ans

"Le réseau a réalisé de lourds investissements et la gamme n'a pas été au rendez-vous. Nous avons essayé de tenir en attendant les nouveaux produits, raconte Jérôme Reyes-Rivet. Le problème est que cela fait quelques années que le constructeur nous promet des produits alléchants et que nous ne voyons rien venir", ajoute un de ses confrères. Ainsi, les concessionnaires sont aujourd'hui bien peu nombreux à se satisfaire de l'offre actuelle. "Les produits Saab sont extraordinaires, mais il y a un vrai manque au niveau de la gamme", stigmatise Jean-Louis Vernier. Certains iront même jusqu'à parler de pauvreté, voire, avec le récent imbroglio 9.7X, de frilosité commerciale, quand Christian Joigny, distributeur à Nanterre, a décidé d'importer le SUV suédois alors que la filiale française y avait renoncé. "Nous aimerions avoir des véhicules plus petits, plus compétitifs et en phase avec les demandes du marché", confie un autre distributeur. Concrètement, les concessionnaires réclament unanimement un petit véhicule pour concurrencer Audi A3, BMW Série 1 et autre Volvo C30. On se souvient de l'épisode de la 9.2, souvent annoncée mais finalement jamais commercialisée en Europe. Un vœu pieu, prochainement exaucé, si l'on en croit l'optimisme des distributeurs. Aujourd'hui, Saab France tente, en tout état de cause, de rassurer tout son monde. En janvier dernier, la direction commerciale réunissait en effet son réseau. L'occasion d'évoquer les échéances à venir. Et notamment cette actualité produit qui devrait se montrer riche dans les trois années à venir. Où l'on parle de compacte, de 4X4, d'hybride et de bioéthanol… Malheureusement, à ce titre, les concessionnaires devront attendre. Pour 2007, ces derniers se "contenteront" en effet de quelques Séries spéciales (Anniversaire, Ice Black) et, fait non négligeable toutefois, l'arrivée de la nouvelle 9.3, en septembre prochain. Une échéance particulièrement importante pour la marque puisque, rappelons-le, ce modèle réalise 70 % des volumes. Mais c'est assurément avec ses véhicules flex-fuel que le constructeur entend se démarquer cette année. Pionnier du genre, il entend en effet jouer à plein de son statut pour rafler la mise sur ce marché. En 2007, trois motorisations (1.8T sur 9.3, puis 2.0T et 2.3T sur 9.5) seront en effet disponibles dans la gamme. C'est d'ailleurs l'un des sujets phares de la campagne de communication que mène Saab actuellement.

Renforcer la notoriété

Afin de préparer le terrain aux ambitions produits de la marque, le groupe GM semble en effet fournir les efforts nécessaires à l'expansion de la marque. Chacun reconnaîtra volontiers que Saab souffre d'un certain manque de notoriété. Pour parer à ce constat, Saab a doublé son budget de communication. Résultat : 4 campagnes TV et deux d'affichage au premier semestre. Du jamais vu, qui devrait porter le taux de notoriété spontanée de la marque à 15 % d'ici la fin de l'année. Des ambitions, donc, également symbolisées par ce plan de développement réseau entamé lors du dernier trimestre 2006, durant lequel la marque avait fait signer cinq nouveaux opérateurs. Pour la fin de l'année, la direction française entend faire signer une dizaine d'autres distributeurs, afin d'atteindre les 70 points de vente.
Longtemps, le réseau Saab, s'est posé des questions sur les réelles ambitions de General Motors pour le constructeur suédois. Les nouvelles garanties affichées par GM au sujet de Saab apparaissent ainsi comme autant de raisons d'espérer. "Il faut simplement être patient pour passer ce cap difficile qui a duré déjà trop longtemps et qui devrait encore durer quelques mois", juge ainsi Gérard Hamon. Chacun semble donc beaucoup attendre du plan triennal du constructeur. "Saab est une marque ancienne en devenir", estime même Jean-Louis Vernier. A moins que l'année de son soixantième anniversaire, la mariée Saab ne plaise plus à son tuteur américain…


 David Paques


 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle