“Revenir en métropole ? Pourquoi pas…”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Que représente aujourd’hui le groupe Loret ?
BERTRAND TILLIET LE DENTU. Le groupe Loret s’est recentré récemment sur ses métiers historiques et opère sur trois activités, la distribution de véhicules, la location et la vente de pièces détachées. En 2014, le groupe a réalisé, sur les différents DOM, un chiffre d’affaires de 260 millions d’euros.
JA. Comment s’articule l’activité distribution automobile dans les DOM et principalement en Guadeloupe ?
BTLD. Après la crise de 2009, nous avons été amenés à reconsidérer notre activité globale, et cela s’est traduit par une rationalisation de notre distribution. Nous avons, ainsi, réalisé un gros travail de restructuration au niveau des sites, pour n’en conserver que deux sur les huit que nous possédions, l’un à Pointe-à-Pitre, l’autre à Baillif, ce dernier couvrant le sud de Basse-Terre et représentant entre 20 et 25 % du marché. Toutes les marques y sont donc présentes. En 2007, le marché, poussé par les constructeurs, était monté à 18 000 unités, alors qu’il se stabilise autour de 14 000 véhicules. Nous sommes tous passés, en 2009, au-dessous du point mort et nous nous sommes tous restructurés. Le groupe s’est donc redimensionné pour faire face à un marché de 14 000 unités en Guadeloupe.
JA. Quelles marques représentez-vous en Guadeloupe et pour quel chiffre d’affaires ?
BTLD. Le chiffre d’affaires s’élève à environ 100 millions d’euros pour 208 salariés, alors que nous en comptions 350 en 2008 ! Sans sacrifier les marges et le résultat, notre objectif en Guadeloupe consiste à reprendre des parts de marché puisque nous sommes légèrement inférieurs à la moyenne des quatre DOM. Il faut remonter progressivement à 19 % pour Peugeot (contre 16 % actuellement), repasser au-dessus de 10 % avec Citroën (contre 8,6 % en 2014) et accompagner Kia dans son développement, qui est inéluctable compte tenu de l’attractivité des produits et du positionnement prix (3,4 % de pénétration avec 499 VN).
JA. Quel est votre poids en Guyane où vous êtes également présents ?
BTLD. En Guyane, notre société s’appelle Somasco. Nous l’avons également restructurée et elle comprend trois sites (Peugeot, 1 015 VN ; Citroën, 549 VN ; Iveco avec 10 VN). La pénétration totale du groupe atteint 28,9 %, supérieure donc à celle de la Guadeloupe sans Kia. J’ajouterais que trois sites sont nécessaires (Saint-Laurent-du-Maroni, Kourou et Cayenne) pour couvrir le département. Au total, nous y réalisons un chiffre d’affaires de 42,1 millions d’euros avec 108 salariés, ce qui nous confère un statut de leader avec la marque Peugeot. Nous sommes face à un vrai paradoxe en Guyane, où le marché pesait 5 000 véhicules il y a vingt ans.
JA. Pourquoi n’avez-vous pas de site en Martinique ?
BTLD. Le marché est bien couvert par des groupes martiniquais. En revanche, nous sommes également présents à Saint-Martin à travers la société Soremar (Kia), avec laquelle nous réalisons un chiffre d’affaires de 7,3 millions d’euros, avec 570 VN et 14 salariés. Nous atteignons une part de marché de 21,8 % sur ce DOM, qui présente un marché différent des autres car non européen, mais “general market”, les deux premières marques locales étant Hyundai et Kia, directement importées de Corée.
JA. Quel est votre statut sur les DOM, distributeurs ou importateurs ?
BTLD. Nous sommes importateurs auprès de PSA et ne dépendons pas des directions France des marques, mais de la nouvelle direction qui a été créée et qui est dirigée par Jean-Christophe Quémard, une direction comprenant l’Afrique, les DOM et le Moyen-Orient. L’Afrique allant devenir pour PSA une région prioritaire de développement, selon le dernier discours de Carlos Tavares.
JA. Pourquoi le groupe s’est-il désengagé de la métropole ?
BTLD. Nous avons traversé une période très difficile pendant la crise. Nos difficultés étaient principalement dues au fait que nous nous étions diversifiés dans les télécoms et cela demandait des moyens considérables. Or, les banques sont toujours réticentes à suivre les groupes dans de nouveaux secteurs. Nous avons donc essentiellement financé ce développement sur fonds propres, avec les résultats de l’automobile. En 2009, nous avons dû procéder à un arrêt total de l’activité pendant deux mois, suivi d’un redémarrage très lent. Un exercice catastrophique, avec des pertes importantes, si bien que la rentabilité ne permettait plus d’assurer le développement des télécoms. Il a donc fallu prendre des mesures drastiques de rationalisation du groupe et nous nous sommes séparés de tout ce qui n’était pas suffisamment rentable, dont le potentiel n’était pas suffisamment prometteur. Nous avons aussi été amenés à réaliser des cessions d’actifs, pour faire face à nos échéances.
JA. Pourquoi ne pas réinvestir en métropole aujourd’hui ?
BTLD. Pourquoi pas, en effet ? Mais notre objectif, aujourd’hui atteint, consistait en 2014 à retrouver une bonne rentabilité avant de la renforcer en 2015. Cependant, avant de repartir vers de nouveaux développements, nous préférons nous appuyer sur une base très solide et pérenne. Cela suppose trois années consécutives de rentabilité positive. Nous sommes au milieu de cette période, mais si des opportunités se présentent, nous les examinerons. Nous en avons étudié quelques-unes que nous saisirons avant celles de la métropole. Au regard de la stratégie du groupe, notre intérêt se porterait plus, aujourd’hui, dans la location que dans la distribution.
JA. Un mot sur l’activité VO ?
BTLD. Elle se distingue sur deux points avec la métropole. Tout d’abord, comme nos îles sont très touristiques, la part de marché constituée par les ventes aux sociétés de location s’avère très importante et pèse entre 15 et 25 % du marché. Après deux ans, nous reprenons les véhicules, donc un gros volume, pour les revendre à nos concessions. Cependant, à côté de cela, nous observons une part de ventes de particulier à particulier très importante également. En métropole, pour une vente VN, on reprend 0,8 VO, quand nous sommes à 0,5, voire à 0,4, ici. Les deux phénomènes aboutissent au fait que l’activité VO est très essentielle pour nous. Hertz et Thrifty, par exemple, que nous représentons, acquièrent 800 véhicules (sur les trois DOM) et rendent 800 véhicules chaque année.
JA. La location affiche ici de belles performances, comment êtes-vous placés ?
BTLD. Nous sommes présents sur deux marchés, la LCD avec principalement la société Salva avec, d’une part, la franchise Hertz, environ 1 800 véhicules, et la franchise Thrifty, environ 400 véhicules, pour un chiffre d’affaires annuel de 17,4 millions d’euros en 2014 et 108 salariés. Nous sommes numéro un sur ce marché à l’aide d’une flotte en saison haute dépassant les 2 200 véhicules. Il faut donc très bien utiliser les synergies entre le métier de la distribution et le métier de la location pour se doter en véhicules en début de saison touristique, et se débarrasser des véhicules en fin de saison. C’est pourquoi on peut parler de véritable atout pour les groupes qui sont à la fois distributeurs et loueurs. Ces sociétés réalisent des plus-values de cessions importantes, quand ils remettent les véhicules, par un amortissement plus rapide. Nous essayons d’amortir les véhicules au bout de quatre ans, mais quand nous les revendons en vingt-quatre mois, nous bénéficions d’un solde largement supérieur.
JA. Vous êtes aussi bien placés en LLD ?
BTLD. Nous y sommes présents via notre société CGFF, une enseigne locale avec laquelle nous sommes également leaders avec une flotte de 2 500 véhicules pour un chiffre d’affaires de 15,6 millions d’euros et 37 salariés. Notre clientèle est constituée de groupes métropolitains et d’importantes sociétés locales, pour lesquelles nous offrons un service complet (le véhicule, la carte grise, l’assurance, le prêt d’un véhicule relais, le changement des pneus, la maintenance et la gestion du véhicule). Nous avons acquis un tel savoir-faire dans ce domaine qu’il nous arrive même de gérer les flottes de véhicules que nous n’avons pas vendus, comme celle de La Poste, par exemple. Après quatre ans, le véhicule est totalement amorti et dispose encore d’une valeur de 25 % sur le marché. Pour la société de location, cela représente une plus-value, et charge à nos sociétés de distribution de les écouler au meilleur prix.