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Distribution

Rene Grandjean, président du Bureau national du groupement des agents Citroën.

Publié le 29 février 2008

Par David Paques
7 min de lecture
Dans les six mois qui viennent, nous allons perdre 5 % du réseau.Entre les changements à la tête du constructeur, la baisse de l'activité après-vente et la pression des distributeurs sur leur rémunération, les agents Citroën vivent aujourd'hui...

...des heures difficiles alors que la marque affiche une belle santé. René Grandjean, président du Bureau national du groupement des agents Citroën, entre dans le détail.

Journal de l'Automobile. Comment se portent les agents Citroën aujourd'hui ?
René Grandjean. Le réseau secondaire est stable depuis quatre ou cinq ans. Nous sommes aujourd'hui à 1 850 agents Citroën et nous réalisons environ 30 % des immatriculations françaises de la marque. Mais si les agents se portaient bien, les constructeurs n'auraient aucun mal à couvrir leurs zones d'ombre. Ce n'est pas le cas. Nous tendons de plus en plus vers un réseau à deux vitesses, avec les agents qui vont bien et ceux qui ne progressent plus. La différence se creuse.

JA. Comment expliquez-vous cela ?
R.G. Il y a plusieurs raisons. D'abord, il y a cette extension de gamme qui devient difficile à commercialiser. Aujourd'hui, il faut être un bon professionnel de la vente. Certains n'ont pas la compétence adéquate. On ne peut pas dire qu'il y ait les bons et les mauvais élèves. Il y a simplement, ceux qui progressent, qui vont de l'avant, et ceux pour qui l'accumulation de compétences réclamée par le métier devient trop difficile. Je pense que les concessionnaires devraient accompagner davantage les agents à ce niveau. Car seuls, ces derniers n'arriveront pas à développer leur potentiel de vente.

JA. Mais le réseau primaire tient-il réellement à entretenir les agents ?
R.G. Nous avons l'impression que les distributeurs ne font rien pour les inciter à augmenter leur commerce. Ils ont tendance à se garder l'activité VN par exemple. Chez certains distributeurs, le vendeur est mieux payé s'il vend en direct sans passer par un intermédiaire. Je ne sais pas si on peut parler d'attaque frontale, mais nous sentons que les efforts pour animer et rémunérer les agents ne sont pas dans l'air du temps.

JA. Estimez-vous que les rémunérations ne sont pas à la mesure des efforts fournis par les agents ?
R.G. Le problème, c'est que nous sommes rémunérés sur une marge restante qui inclue une grande part de variable. On ne sait jamais ce que l'on va gagner. C'est souvent de l'ordre de 2 %. Or, quand un concessionnaire touche un bonus ou une prime, il ne répercute pas cela dans notre rémunération. Je ne pense pas que les distributeurs veuillent se séparer des agents, mais disons qu'ils ne font rien pour les retenir. C'est à double tranchant. J'aimerais que nous soyons plus écoutés et suivis pour être plus en phase avec le marché.

JA. Qu'en est-il de la pièce ?
R.G. En ce moment, je suis en guerre sur le pneumatique. Nous avons des conditions d'achat bien moins intéressantes de la part des distributeurs officiels que de la part des grossistes du coin. Ils sont en train de nous mettre hors marché et ça ne peut plus durer. Il va se passer quelque chose s'ils ne font rien. Le pneu est un poste stratégique. Il conditionne toute une gamme d'intervention chez nous. On ne peut pas laisser un client qui veut des pneus aller voir ailleurs. Or, nous achetons à 35 % alors que le grossiste nous propose entre 40 et 45 %. C'est beaucoup trop.

JA. Quelles sont les recettes pour une homogénéisation qualitative du réseau en termes de compétences techniques ?
R.G. Un personnel formé, c'est incontournable. Mais cela nous coûte cher et cela ressurgit sur l'entreprise. La fréquence des réparations est également un élément prépondérant dans la formation de nos équipes. Si ces dernières ne voient pas de véhicules dans l'année, ça devient dur de réparer.

JA. Citroën ferait-il donc des voitures trop fiables ?
R.G. Sur un an, je pense que nous avons subi une perte de 20 à 25 % d'entrée atelier sous période de garantie. C'est énorme. La fiabilité des véhicules n'aide pas, surtout quand les petites structures ont déjà du mal à voir des voitures. Nous n'avons pas de marge sur la pièce et nos taux horaires sont bloqués pour ce qui est des interventions sous garantie. L'après-vente est clairement pour nous un domaine qui n'est plus intéressant. Nous devons chercher l'argent ailleurs. C'est là que se fait la différence. Certains vont faire du marketing, de la réception, du conseil. D'autres vont subir.

JA. Certains diront que les agents affichent une rentabilité supérieure à celles des distributeurs…
R.G. Il faut arrêter avec cela. Peut-être avons-nous effectivement une rentabilité supérieure en pourcentage du chiffre d'affaires. Mais cela ne veut rien dire. Nos entreprises ont besoin d'avoir de l'argent dans le tiroir-caisse ! Le réseau d'agents oscille en moyenne entre 3 et 5 % de rentabilité du chiffre d'affaires. En valeur absolue, ce n'est pas énorme pour ce qu'on nous demande de faire aujourd'hui.

JA. Pouvez-vous être plus clair ?
R.G. Je parle de toutes ces normes. Depuis le 31 décembre dernier, par exemple, tous les agents ont l'obligation de se doter d'un 2e technicien Citroën. Pour nous, cela n'est pas justifié dans les petites structures car les entrées ateliers ne sont pas assez importantes. En outre, depuis le 31 janvier 2008, nous avons l'obligation de nous équiper de la troisième génération d'outil de diagnostic du constructeur. C'est tout de même un investissement de 6 000 à 7 000 euros ! Certains ont décidé de ne pas le prendre et s'apprêtent à rendre leur tablier. Le constructeur a même lancé un ultimatum au 30 juin prochain, date à laquelle chacun doit se conformer à ces exigences sans quoi il sera invité à quitter le réseau. Je pense que ces deux impératifs vont faire disparaître un certain nombre d'opérateurs. Dans les six mois qui viennent, je pense que nous allons perdre une centaine d'agents, soit 5 % du réseau.

JA. Ce mouvement ne risque-t-il pas de perdurer ?
R.G. Petit à petit, les agents vont se mettre aux normes. Mais on leur avait déjà demandé d'investir il y a quelques mois. Cela fait trop d'investissements en peu de temps. La baisse d'activité en après-vente fait que beaucoup d'entre nous, notamment les petites structures, ne pourront plus supporter un 2e poste de technicien. Ils risquent alors de s'en séparer, donc de ne plus être en accord avec les critères et de devoir quitter le réseau. Je ne pense pas qu'il y aura une 2e vague de départ, mais plutôt une lente érosion du réseau.

JA. Les changements à la direction du constructeur y sont-ils pour quelque chose ?
R.G. Nous vivons une période difficile chez Citroën, même si la marque se porte bien. Nos interlocuteurs ont changé et nous tentons de leur faire passer des messages. J'espère qu'ils en sont conscients. Nous attendons un certain relâchement du constructeur sur les normes que nous estimons trop sévères. Nous voudrions plus de souplesse. Malheureusement, nous ne recevons aucun signe de leur part qui peuvent nous y laisser croire. Les relations humaines sont devenues difficiles. Nous travaillions avec une équipe en place depuis de nombreuses années. Nous savions à quoi nous attendre. En ce moment, le nouveau patron découvre, il ne peut pas trancher. Nous avons l'impression que les concessionnaires profitent de ce changement de direction et des tergiversations qu'elle entraîne.

JA. Pensez-vous que la concentration qui s'opère dans le réseau primaire joue contre les agents ?
R.G. Tout à fait. On s'aperçoit clairement que partout où les groupes sont implantés, les relations sont plus tendues qu'ailleurs. Il n'existe plus de relations directes entre les concessionnaires et leurs agents. Il y a un responsable de site pour gérer cette relation. C'est moins familial qu'avant. Nous avons l'impression que la grande famille Citroën est en train de disparaître. Je le regrette…

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