Patrice Ratton, directeur du développement réseau BMW France.
Journal de l'Automobile. Le réseau a beaucoup évolué ces 20 derniers mois. Où en êtes-vous précisément aujourd'hui ?
Patrice Ratton. Pour BMW, nous avons 204 points de représentation, dont 182 sites de vente et 22 sites de service. En termes de capillarité, le réseau n'est pas destiné à évoluer. Notre volonté est de maintenir, à 99 %, notre capillarité actuelle qui est garante de notre qualité de service et de notre performance commerciale. Chez Mini, c'est un peu différent. Nous avons concentré les points de distribution pour renforcer le volume d'activité de chacun, encourager les investissements en structure immobilière et humaine et rendre ces investissements économiquement viables.
JA. Comment cette concentration s'est-elle traduite dans les faits ?
PR. Nous avions, auparavant, 155 points de ventes et 20 réparateurs agréés. Le 1er octobre 2008, au lendemain du renouvellement des contrats, nous avons reconduit un peu moins de 120 distributeurs. La plupart des sites concernés se sont concentrés sur l'activité de réparation agréée. Nous comptons désormais 80 réparateurs agréés. Le réseau a donc profondément changé chez Mini. Sur un plan architectural, l'évolution se poursuit également. Aujourd'hui, nous avons entre 50 et 55 distributeurs qui ont un showroom exclusif, voire un Mini Store, et nous avons une trentaine de projets en cours. Fin 2010, c'est l'ensemble du réseau qui se sera doté de ces structures. C'est un point essentiel dans le développement futur de la marque.
JA. Au sujet de BMW, si la capillarité ne bouge pas, n'y a-t-il pas eu une sorte de valse des investisseurs ?
PR. Depuis janvier, il y a effectivement eu certains changements. A Strasbourg, Francis Hentz a repris le site de Claude Dumas Pilhou. Le groupe Bailly a repris Thionville à Didier Carles, puis Metz au groupe Pellier. Pierre Pellier, justement, qui a également cédé l'affaire de Bourgoin-Jallieu à Francis Pautric et le site de Vienne à Pierre-Edouard Dieu. Le groupe Pautric a pour sa part revendu son site de Chambéry au groupe Rossi. Nous avons également vu le groupe Baconnier reprendre la concession de Gap. Actuellement, il y a encore des discussions sur une petite dizaine d'affaires, dont certaines sont engagées depuis de nombreux mois. La stratégie de développement du réseau BMW évolue tendanciellement vers un rapprochement entre affaires voisines, lorsque cela apporte des solutions en termes d'économie et de performance. Aujourd'hui, nous sommes prioritairement dans un schéma de stabilisation et de renforcement des positions existantes.
JA. La restructuration de la plaque parisienne a pris un nouveau cap. Un investisseur "surprise" devrait s'inviter dans la capitale…
PR. En effet. Depuis 2007, nous avons défini une stratégie visant à pérenniser la distribution de nos marques sur Paris en passant par un nombre moins important d'opérateurs. Un équilibre qui se base sur quatre partenaires et une réduction du nombre de points de vente, ce qui permet d'améliorer la qualité des sites restants et donc notre représentation. Les investisseurs concernés ont compris cette politique. BMW Group France a ensuite choisi ses opérateurs parmi les candidats déclarés, et les discussions se sont engagées.
La crise survenue au niveau mondial à la rentrée 2008 a rendu la mise en œuvre de ces mouvements importants plus compliquée. Certains opérateurs pressentis ont dû faire des arbitrages dans les projets de développement qu'ils avaient initiés. Pour l'un d'eux, notamment, nous avons dû trouver une alternative en recherchant un nouvel investisseur*. Nous avons arrêté notre choix sur un opérateur non présent dans notre réseau avec lequel nous avions initié un contact, il y a plus de 2 ans. Accueillir un nouvel entrant pour lui confier un potentiel de plus de 2 000 VN n'est certes pas courant chez nous, mais la motivation affichée par l'opérateur, ses performances, son organisation nous ont convaincus de la faisabilité de ce projet. Les discussions sont aujourd'hui dans la phase de finalisation, celle qui, aujourd'hui, s'avère souvent la plus périlleuse compte tenu de la tension de l'environnement et des partenaires impliqués. Nous avions dans un premier temps fixé la fin de l'année 2008 comme première grande étape de notre restructuration. Nous avons pris un certain retard, mais il convient désormais de prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses.
JA. La contraction de l'activité n'a-t-elle pas contrarié vos plans ?
PR. Les changements de mains sont naturellement plus compliqués aujourd'hui car les conditions sont moins favorables qu'il y a 9 ou 12 mois. D'abord quant à la valorisation de l'affaire, bien sûr, mais également dans la constitution du dossier et la capacité à convaincre les banques de suivre le repreneur. Dans l'absolu, ce n'est donc pas particulièrement le moment de céder une affaire mais plutôt de se concentrer sur le business, la pérennisation de son activité, de son organisation et la réalisation des objectifs commerciaux. Au-delà des chantiers planifiés, certains distributeurs ont toutefois pris la décision de quitter la distribution automobile, quand bien même ils n'étaient pas en difficulté.
JA. On entend le réseau gronder, notamment sur les objectifs. Les 48 000 unités seraient une hérésie ! Allez-vous revoir ces objectifs à la baisse pour ne pas fragiliser le réseau ?
PR. Nous pensons avoir adapté notre stratégie commerciale à la situation. En fin d'année dernière, nous avons fixé, sur la base d'une actualité produits et des potentiels des différents segments, un objectif ambitieux mais réalisable de 48 000 immatriculations, tout en prenant le parti d'animer le réseau sur le trimestre, compte tenu du peu de visibilité moyen terme que nous avions. Les distributeurs sont donc aujourd'hui rémunérés au trimestre, ce qui nous permet d'ajuster en permanence nos objectifs à la réalité. Certains concessionnaires restent focalisés sur ce volume annuel alors que l'essentiel n'est pas là. Il n'est d'ailleurs pas dans notre intérêt de fixer des objectifs commerciaux inaccessibles, sans tenir compte de la réalité, pour priver nos distributeurs des primes de volumes. Bien au contraire.
JA. La profitabilité moyenne du réseau serait à - 0,9 % à la fin du 1er trimestre. Etes-vous inquiet ?
PR. Depuis le début d'année, le volume d'affaire a ralenti et la qualité des affaires s'est également dégradée. Après une année 2008 record, nous avons logiquement entamé 2009 avec un portefeuille de commandes plus léger. En outre, le réseau investit dans de nouvelles infrastructures, dans les hommes… Il s'équipe pour travailler chaque métier de manière plus professionnelle. Cela implique un alourdissement des charges proportionnellement au chiffre d'affaires et pèse donc sur l'exploitation. A la fin juin, la situation se sera cependant légèrement améliorée. D'ailleurs, je crois fermement que le réseau gagnera de l'argent cette année. Selon nos projections, nous devrions terminer l'année 2009 avec une profitabilité moyenne située entre 0,5 et 1 %, contre 1,45 à 1,5 % du chiffre d'affaires moyen l'an dernier. En 2008, le réseau avait terminé l'année avec un niveau de profit substantiel par rapport au reste du secteur ou aux autres réseaux BMW en Europe. Nous étions jusqu'à fin septembre sur les bases d'un record d'activité et de profit pour le réseau. Nous attendons que l'année 2009 ait un peu la physionomie inverse de 2008. C'est-à-dire avoir une amélioration sur le 2e semestre après six mois difficiles. Avec le lancement de la GT5 et l'arrivée de X1, nous espérons finir l'année sur un rythme commercial dynamique et rattraper le retard pris depuis janvier.
JA. Certains mettent en avant le programme de déstockage "Pack M et Pack M+", lancé en novembre dernier par Nicolas Wertans, pour expliquer cette situation. Qu'en pensez-vous ?
PR. Pour BMW, le but n'était pas de se débarrasser de voitures, mais de donner aux distributeurs les moyens de les vendre. Dans un contexte difficile, il est de notre rôle d'encourager et d'approvisionner les distributeurs puis de les aider à vendre. Certains ont encore en stock des véhicules issus de ce programme, mais ils sont rares. D'autres ont aussi en stock des véhicules plus vieux que ceux-là. Ce n'est donc pas une question de Pack M, mais de moyens mis à disposition pour favoriser les ventes à client final et de leur adaptation à un contexte de marché et à des attentes des clients.
JA. On dit que 2/3 du réseau seraient dans le rouge…
PR. A fin mars, oui, c'est vrai. Le premier trimestre est d'ailleurs traditionnellement le plus difficile. Mais je ne pense pas que ce sera le cas à fin juin car, depuis, les exploitations se sont légèrement améliorées. Je ne sais pas si nous serons à l'équilibre au global, mais il n'y aura sans doute plus deux tiers des opérateurs à perdre de l'argent. Nous avons des concessionnaires qui savent gérer leurs affaires. Je pense que nous aurons "mangé notre pain noir" sur le premier semestre de l'année 2009. Il y a aujourd'hui des signes encourageants. L'après-vente, par exemple, se porte plutôt bien. Elle bénéficie des performances en termes de livraisons VN de ces deux ou trois dernières années. Le chiffre d'affaires AV est ainsi en légère progression.
JA. Cela ne rassure toutefois pas les distributeurs…
PR. Certes, mais la situation est tout aussi difficile pour le groupe. A la fin du 1er trimestre, BMW n'a pas gagné d'argent. L'important est que nous puissions tous sortir la tête de l'eau au plus vite, et nous ferons les comptes à la fin de l'année.
Le réseau, comme nous, avait perdu l'habitude d'avoir des passages difficiles. Or, quand il faut avancer avec un vent de face, c'est forcément plus difficile. Il faut, quelque part, que nous soyons capables d'accepter, et le réseau avec nous, d'avoir une année plus difficile en termes de rentabilité. Je crois que nos concessionnaires sont prêts à l'accepter car ils intègrent les perspectives moyen terme du partenariat avec le BMW Group, qui restent très encourageantes. Le fait est que c'est plus difficile de le faire accepter aux partenaires financiers. Certains de nos opérateurs sont sous la pression de leurs banques qui sont frileuses ou inquiètes sur le secteur automobile d'une manière générale. La tension n'est pas tant entre nous et le réseau, qu'entre le réseau et les partenaires financiers. Les intérêts du constructeur et des distributeurs restent, en effet, les mêmes. C'est aujourd'hui plus flagrant que jamais. Les concessionnaires ont besoin d'un constructeur fort, capable de continuer à investir, de livrer et de les soutenir. Et nous avons besoin d'un réseau solide, capable de nous suivre et d'apporter aux clients la meilleure qualité de service.
JA. Les banques peuvent-elles faire plonger certains de vos distributeurs ?
PR. Nous avons quelques concessionnaires qui sont en situation compliquée. Soit ils étaient déjà fragiles et le contexte a eu un rôle accélérateur, soit il s'agit de distributeurs habitués à bien fonctionner et qui doivent aujourd'hui justifier qu'ils gagnent moins d'argent auprès des banques. Le problème est, pour certains d'entre eux, d'avoir connu des crises de croissance, en particulier pour ceux qui n'étaient pas assez structurés financièrement, ce qui a pu engendrer des tensions sur la trésorerie et une pression plus forte des partenaires financiers. Alors, oui, il existe des situations pour lesquelles nous allons devoir trouver des solutions rapides, et cela passera notamment par des cessions. Globalement, nous avons une dizaine de concessions que nous suivons de très près. Une majorité d'entre elles sont en cession.
JA. Conservez-vous vos exigences en termes d'investissements ?
PR. Nous avons essayé d'analyser, sur tout ce que nous avons lancé depuis 2 ou 3 ans, ce sur quoi il fallait maintenir la pression, et ce sur quoi il était possible de repousser les échéances. Nous avons toujours assisté nos distributeurs dans l'élaboration de leurs business plans. C'est important pour nous de ne pas laisser un concessionnaire se lancer dans un projet trop périlleux. Si un distributeur a aujourd'hui un projet immobilier et qu'il est possible de le repousser de quelques mois sans mettre en péril le projet ou l'activité de la concession, on peut envisager de le reporter. Nous essayons d'être pragmatiques. Nous modérons nos exigences sur certaines évolutions, mais pas celles dont l'apport est important et rapide en matière de business. Nous avons par exemple beaucoup travaillé sur l'organisation des concessions. Nous poursuivons ce travail car, c'est dans certains cas l'urgence du moment, en particulier à l'occasion d'un changement d'opérateur ou de manager.
Du reste, Munich nous aide à implanter quelques expériences dans le domaine, quelques projets au sein desquels nous analysons de manière chirurgicale et à l'échelle de la concession, les plans d'action et d'organisation à mettre en place. C'est l'occasion pour nous de benchmarker un certain nombre de pratiques utilisées en France ou ailleurs pour les déployer au sein de notre réseau. Nous allons poursuivre ce travail, sur l'après-vente notamment, que ce soit en matière de flux d'approvisionnement des pièces de rechange, de réception du client ou de rendement de l'atelier. Je suis certain que dans ces domaines il y a un vrai potentiel de croissance et de rentabilité à aller chercher.
*En accord avec les différentes parties concernées, nous avons décidé de ne pas communiquer l'identité de ce nouvel investisseur, de manière à ne pas nuire à la concrétisation de ces négociations. La finalisation est en effet suspendue au concours des banques sollicitées.
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