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Distribution

Où en sont les distributeurs du groupe Fiat ?

Publié le 24 janvier 2013

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
Absence de plan produits, résultats commerciaux en perte de vitesse, affaires fragilisées, les concessionnaires français du constructeur turinois reconnaissent naviguer à vue en ce début d’année 2013. Qu’attendre de ces prochains mois ? Comment relever la tête ? L’enthousiasme sera-t-il de retour ? Les opérateurs des marques italiennes se confient…
Seuls deux opérateurs ont quitté le réseau en 2012. Mais combien en 2013 ?

En mai dernier, à l’occasion de notre traditionnel bilan des réseaux (JA n° 1159), nous vous faisions part de la “situation particulière” dans laquelle se trouvaient les opérateurs du groupe Fiat seulement six mois après la fin de l’exercice 2011, au cours duquel les ventes de la marque Fiat avaient été malmenées (- 21 %), tandis que celles d’Alfa Romeo (+ 25 %), Abarth (+ 25 %) et Lancia (+ 19 %) étaient plutôt encourageantes. Des résultats contrastés qui n’ont en rien bénéficié au résultat net moyen du réseau, qui a une nouvelle fois plongé de 20 % pour atteindre un peu plus de 48 109 euros, soit 0,4 % du chiffre d’affaires (voir tableau). Six mois plus tard, il était donc naturel et surtout intéressant d’observer l’évolution des ventes du groupe turinois en France, d’une part, et les résultats des opérateurs français des marques italiennes, d’autre part.

Hélas, le marché hexagonal a continué de dévisser au second semestre avec 1,89 million de véhicules vendus, reculant de 13,9 % sur un an. Dans ce contexte, c’est tout le groupe Fiat qui a trinqué en accusant un nouveau retrait de 23,7 % sur l’ensemble de l’exercice ! Dans le détail, c’est d’ailleurs la marque Fiat qui a le plus souffert avec une baisse de 24 % et 43 555 unités vendues, quand Alfa Romeo dégringolait de 36,4 %, à 10 327 unités. Seules Lancia et Jeep sauvaient les meubles en enregistrant respectivement des progressions de 31,2 % et 22,5 %. Au final, l’exercice 2012, comme le précédent, s’est terminé sur une impression contrastée, pour reprendre l’expression de Michel Védrenne, directeur du développement réseau, dans l’entretien qu’il nous a accordé : “Les marques du groupe atteignent une pénétration de 4,3 % sur 2012, qui s’achève sur une impression contrastée, avec seulement 0,3 % de part de marché de perdus.” Mais si celui-ci atténue les contre-performances du groupe, force est de reconnaître que les opérateurs français restent plongés dans un océan d’incertitudes au moment d’attaquer l’exercice 2013.

Quelle rentabilité ?

“On navigue à vue”, déplore Robert Landot, distributeur à Brest (29). “En un an, beaucoup de concessionnaires ont perdu ce qui se perd en trois ans”, ajoute encore l’opérateur brestois. Comme lui, ils sont nombreux à s’interroger sur la suite des événements et à redouter de ne pas voir la crise se terminer devant l’absence de solutions. “Notre gestion actuelle se fait au quotidien, tout est compliqué. En outre, pour ceux qui possèdent plusieurs marques, les intervenants sont multiples, ce qui n’arrange en rien les choses”, explique de son côté Jean-Pierre Froment, distributeur à Troyes (10) et Auxerre (89). En toute logique, la majorité du réseau s’inquiète de l’avenir et craint pour la santé financière de ses affaires. Si Michel Védrenne ne déplore la disparition que de deux investisseurs en 2012 (Poitevineau et Danzel), le dirigeant reconnaît aussi que les affaires se sont “fragilisées”. Or, si la rentabilité moyenne du réseau s’établissait à 0,4 % fin 2011, qu’en est-il après un exercice 2012 “Annus horribilis” ? Michel Védrenne nous assure que cette rentabilité moyenne “dépendra du dernier trimestre plutôt favorable après un premier semestre légèrement en dessous de zéro”. “Elle sera très inférieure à zéro”, répondent les concessionnaires interrogés. “A l’heure actuelle, 75 % du réseau perd de l’argent et les 25 autres en gagnent au prix d’efforts considérables”, précise Robert Landot. “Même le groupe Rouyer, deuxième distributeur du groupe Fiat, perdrait deux millions d’euros sur l’ensemble des onze sites dont il dispose”, confie un autre distributeur qui préfère garder l’anonymat.

Sergio Marchionne coupable

Force est de reconnaître que les opérateurs Fiat sont attaqués là où se trouvent leurs forces. Alors que 65 % de leur gamme se concentre sur les segments A et B, ce sont justement ces deux segments qui ont le plus souffert en 2012 (respectivement - 26 % et - 14 %). “Ce sont des segments où l’on ne gagne pas beaucoup d’argent en temps ordinaire et là où les marges sont quasi inexistantes”, déplore un concessionnaire qui s’interroge sur le plan produits à venir : “On ne voit rien venir, on a l’impression que nous avons été abandonnés par le constructeur, qui n’annonce absolument rien pour nous remonter le moral”, continue-t-il. Principal visé ? Sergio Marchionne. Tous les opérateurs reprochent au grand patron sa stratégie internationale, le rachat de Chrysler et son côté “financier”. “On ne peut rien reprocher à la direction française qui dispose de peu de moyens, mais Sergio Marchionne a complètement abandonné le continent européen pour se consacrer à ses ambitions internationales”, lance Jean-Pierre Froment. “Autant on peut lui attribuer un coup de génie sur la Fiat 500, autant on sent bien que, depuis, l’Europe et les gens qui y travaillent pour les marques ne l’intéressent plus”, ajoute aussi Jean-Paul Lempereur, président du groupe éponyme. Alors que faire ?

Réduire les charges…

“Il convient d’adapter la taille de ses structures par rapport aux volumes actuels et de revoir ses ambitions à la baisse”, apporte Jean-Pierre Froment comme premier élément de réponse. “Il faut tenter de pallier le déficit par d’autres secteurs d’activités comme le VO”, explique-t-il encore. “Nous disposons de surfaces d’exposition surdimensionnées et sous-utilisées pour le VN, à nous de les utiliser pour le VO”, ajoute Robert Landot. Quant à Jean-Marc Le Tacon, distributeur à Rennes (35), il préconise de “baisser d’au moins 30 points les charges de structure et de réduire la voilure le plus possible, c’est aujourd’hui le seul moyen”. Lui-même a d’ailleurs recentré ses activités dans la capitale bretonne pour confier les territoires annexes de Rennes, qu’il dirigeait, à des agents extérieurs. D’autres ont répondu favorablement aux sirènes coréennes, comme Jean-Pierre Froment avec Hyundai à Troyes et Auxerre tout récemment.

Mais après ? … et attendre

On l’aura compris, l’incertitude règne dans les rangs et le constructeur l’a bien saisi. Mardi 8 janvier s’est tenue à Trappes la convention du réseau, où les opérateurs des marques du groupe Fiat étaient invités à rencontrer les dirigeants français. “Ils ont fait leur mea culpa et admis qu’au moins 10 % des 24 % de baisse des volumes pouvait leur être imputée”, témoigne Jean-Paul Lempereur. Conformément à ce que nous révèle Michel Védrenne, le constructeur accompagnera le réseau ces prochains mois. Celui-ci s’est engagé à “intensifier les ventes sans conditions, à rendre la marque plus accessible, à multiplier les séries spéciales pour la marque Alfa Romeo, à tirer du volume de chacune des marques, à accentuer la communication de sorte à ce que Fiat revienne plus fréquemment dans la shopping-list”. En somme, attendre que passe la tempête. “Ne tirons pas sur l’ambulance”, résume Jean-Marc Le Tacon, quand Jean-Pierre Froment prône également l’attentisme : “Il faut passer le mieux possible 2013, ensuite, nous verrons”, conclut-il.
 

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