Neubauer : Du sang Peugeot dans les veines
...reste lié à Peugeot. Pour longtemps.
Avec les nombreuses mutations qui ont eu lieu ces dernières années au sein de la distribution automobile, il devient de plus en plus rare de trouver des groupes dont les noms évoquent une marque ou un constructeur. Certains ont été filialisés, d'autres ont tout simplement disparu de la carte. Le groupe Neubauer n'est pas de ceux là. Le lien qui unit ce groupe de concessions à la marque Peugeot est unique. "Nous avons la même histoire que les Darl'Mat, Ortelli, Mercier ou Marotzki, mais nous sommes les seuls encore présents et indépendants", glisse Eric Neubauer qui co-dirige la société, avec son frère Hervé, en suivant les traces de son arrière grand-père Albert, de son grand-père Jacques et enfin de son père Gilles.
Des calèches à l'automobile
C'est dans l'ouest parisien et plus précisément à Levallois-Perret que les aïeux des frères Neubauer démarrèrent leur activité. En effet, la ville des hauts-de-Seine était à la fin du 19e siècle le cœur des métiers de l'automobile puisque s'y trouvaient principalement ferronniers et charrons. A l'époque, Neubauer était une compagnie de calèches parisiennes qui comptait près de 3 000 chauffeurs. Elle passe rapidement à la voiture à pétrole et devient une compagnie de taxis dont le siège se situe près de la Porte Maillot où se trouve aujourd'hui un grand hôtel de la Capitale.
Passionné de belles automobiles, Albert Neubauer lançait alors le Palais de l'Automobile, entreprise qui créait sur des châssis nus de différentes marques (et en particulier d'une jeune société dénommée Rolls-Royce) des carrosseries dessinées par Labourdette. "Cette association Neubauer-Labourdette était connue et reconnue dans tout le Landerneau automobile à l'époque", témoigne Eric Neubauer. Coïncidence ou signe du destin, le Palais de l'Automobile se trouvait Avenue de la Grande Armée, là même où PSA Peugeot-Citroën élira son siège des années plus tard… "Le hasard a fait que Peugeot ait choisi cet endroit pour s'installer et délaisser son ancien siège du 8e arrondissement", relativise Eric Neubauer même si le hasard fait parfois bien les choses.
La réunification des réseaux Peugeot et Talbot provoqua un traumatisme chez les concessionnaires
C'est en effet en 1936 que Jacques Neubauer, à la tête de la société, signa le premier contrat de distribution Peugeot. "Notre grand-père était un grand ami du directeur général d'Automobiles Peugeot, Maurice Jourdan, ce qui a dû faciliter et amener également la signature de ce contrat." Un contrat qui dure toujours depuis 70 ans. D'ailleurs, que ce soit Jacques, Gilles ou les petits fils Hervé et Eric, tous les membres ont eu des relations amicales avec la famille Peugeot. En revanche, le dirigeant n'hésite pas à dire que ces liens n'ont pas forcément aidé le groupe à se développer. "Il y a toujours eu un dialogue et beaucoup de respect entre nos deux familles. Un dialogue basé sur la confiance s'est installé et celui-ci dure toujours. Jamais nous n'avons exploité ces liens étroits au bénéfice de notre développement. Celui-ci s'est fait au fil des années. A chaque fois, nous avons profité des opportunités qui se sont présentées", précise-t-il afin de couper court à certaines idées reçues.
A l'instar de l'histoire de l'automobile, le groupe s'est développé par étape. La première, avant la Seconde Guerre mondiale, quand l'automobile n'était pas encore un produit de consommation. "Le parc roulant était encore maigre et on ne comptait que quelques dizaines de milliers de Peugeot. Les activités de mon grand-père se traduisaient surtout par du VO", rappelle le dirigeant. L'après-guerre sera la deuxième étape avec le développement à grande échelle de l'industrie française dont l'automobile. "C'est à cette époque que les affaires Neubauer se développent de façon harmonieuse. L'économie bondit et les véhicules Peugeot se multiplient, une véritable aubaine quand on est concessionnaire pour développer des installations modernes et incontournables comme Saint-Denis, construit en 1965." Mais la crise pétrolière va mettre un terme aux Trente Glorieuses. "En 1974, les temps s'annoncent plus durs au moment même où Peugeot sort une excellente voiture, la 604, qui malheureusement ne connaîtra pas le succès qui lui était dû", témoigne encore Eric Neubauer. "Simultanément la marque a repris Citroën (1974) puis Talbot (1979). Si l'acquisition de la marque aux Chevrons et la naissance du groupe PSA Peugeot-Citroën n'eurent pas trop d'incidence, la fusion des réseaux Peugeot et Talbot fut un véritable traumatisme pour les concessionnaires", explique le dirigeant parisien qui se souvient : "Cette période coïncide avec ma première expérience dans le monde automobile. J'étais alors en stage à Bordeaux. Je me souviens de projets qui se télescopaient, d'initiatives floues, de produits très proches les uns des autres et difficiles à différencier. Un traumatisme qui a duré longtemps." Eric Neubauer ajoute : "Pourtant, cela aurait pu fonctionner mais les mentalités n'étaient pas encore adaptées au multimarquisme." Ces changements n'ont cependant pas vraiment troublé la marche en avant du groupe Neubauer. Celui-ci reste fidèle à la marque. Aucun site Citroën ne rejoindra la société. "Peugeot a toujours été une marque qui nous correspondait. Elle incarne des valeurs comme la rigueur, la bonne gestion, l'efficacité, qui nous plaisent et que nous recherchons." Au milieu des années 90, les nouveaux sites se succèdent : Asnières, Saint-Brice et dans le 18e arrondissement de Paris ainsi qu'un centre VO à St-Denis vont s'ajouter au dispositif et donner au groupe Neubauer une nouvelle dimension. Celle d'un grand groupe de distribution incontournable désormais dans la marque Peugeot. A l'entrée des années 2000, la société dirigée par les deux frères compte 9 sites Peugeot (dont 3 à Paris) et pèse 221 millions d'euros pour 10 200 VN commercialisés par an dans la marque.
Du monomarquisme au multimarquisme, malgré une fidélité de tous les instants à Peugeot
Pourtant, la marque Peugeot n'est plus seule au sein de la société. "Si notre père a toujours roulé en Peugeot et roule encore aujourd'hui en Peugeot", confie Eric Neubauer, ce dernier et son frère font entrer leur groupe dans l'ère du multimarquisme.
Dès 1998, le groupe acquiert ainsi des concessions de marque Volkswagen puis BMW/Mini et plus récemment les deux frères reprendront coup sur coup Rolls-Royce, Ferrari, Maserati et enfin Lotus l'année dernière. Une diversification ressentie comme une trahison ? "Pas du tout. Nous avons été l'un des derniers grands groupes français à entrer dans le multimarquisme", estime le dirigeant parisien qui poursuit : "Ces reprises se sont déroulées dans une certaine logique sans trahir notre conception des choses. D'ailleurs, ces marques sont proches des valeurs de Peugeot. Pendant longtemps nous avons refusé des sollicitations mais nous avons jugé qu'il était temps de nous diversifier."
Le dirigeant n'oublie certes pas ses origines et le répète à qui veut l'entendre. Ses plus vieux souvenirs automobiles sont intimement liés à Peugeot. C'est d'ailleurs une 204 cabriolet qui lui revient à l'esprit lorsqu'on lui demande une voiture de son enfance. En outre, si de nombreuses voitures de luxe et d'exception ornent quelques-uns des showrooms, la 1007 fait partie de ses voitures préférées et les 205, 406 coupé et 206 CC sont, pour lui, les véhicules parmi les plus marquants. A l'image des Peugeot siglées Neubauer sur les routes d'Ile-de-France, la marque au Lion colle à la peau de plusieurs générations de Neubauer. Pour longtemps encore.
Tanguy Merrien
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.