Meny invente la concession PSA
...avant l'inauguration des sites, prévue au printemps prochain, le groupe s'explique.
"Nous sommes beaucoup plus dépendants du constructeur aujourd'hui qu'avant le règlement européen". Richard Meny, président du groupe éponyme, a beau dresser un constat mitigé des évolutions voulues par Bruxelles, cela ne l'empêche pas d'utiliser à plein les opportunités qu'elles libèrent. Depuis septembre dernier en effet, la concession de Toul a été le premier site du groupe à afficher un visage à double face Peugeot/Citroën. Le 15 novembre, celui de Neufchâteau lui emboîtait le pas. Les deux implantations doivent prochainement être inaugurées. L'occasion, peut-être de voir les directions commerciales des deux marques, qui ne sont pour l'heure pas venues visiter ses affaires.
Distributeur Peugeot depuis 1994, Richard Meny affiche jusqu'à cinq sites, avant d'en céder deux, en 2002, pour éviter de multiplier les investissements rendus "obligatoires" en termes de standards. Pourtant, dès 2004, le groupe reprend les affaires Citroën de Toul et de Neufchâteau, villes dans lesquelles il possède une implantation Peugeot. "Je les avais repris dans l'idée de les lier", confie d'ailleurs Richard Meny. Et déjà à l'époque, les directions se montraient réticentes. "Je pense qu'elles ne voulaient pas qu'on voit ce qu'il se passe dans le réseau d'en face. Au niveau de la rémunération, par exemple". En août 2006, il parvient à imposer son projet aux deux marques et investit 650 000 euros à Toul et 400 000 euros à Neufchâteau. Il transforme ses showrooms Peugeot en Citroën, en prenant soin de respecter les standards, puis adosse une Bluebox à l'ensemble. Le résultat est étonnant. Le client passe d'un univers à l'autre sans traverser quelconque parking. D'ailleurs, Richard Meny se souvient des négociations sur ce point et la difficulté pour faire accepter l'idée aux constructeurs : "Au départ, ça les a heurtés. Ils ne m'ont pas facilité la tâche. En définitive, conclut-il, je me demande si ça n'aurait pas été plus simple de faire un site Peugeot/Opel ou Peugeot/Fiat". "Ils voulaient que ce soit totalement séparé. Après, ils ont accepté une porte, puis enfin une zone commune pour le financement".
30 à 40 % d'économies sur les frais de structure
A Toul, entre les deux showrooms de 800 m2 chacun, le service financement, commun aux deux marques, fait en effet office de "tampon". L'atelier, le magasin, le parc VO, la comptabilité, les services administratifs, la carrosserie sont autant de métiers qui ont été mis en commun afin de réaliser certaines économies. Même la publicité est commune aux deux marques. Ce qui permet d'amortir ainsi plus facilement le coût de la communication locale par voiture. Pourtant, ce rapprochement n'a occasionné aucun licenciement. Les effectifs sont en effet les mêmes qu'auparavant. Le groupe reconnaît juste ne pas avoir remplacé certains départs en retraite, en vue du projet en question. Avec une telle organisation, Richard Meny table sur une économie de 30 à 40 % sur ses frais de structure, dès 2008.
Dans les faits, seules les équipes de vente sont dédiées et fonctionnent séparément. "Je tiens à ce que les gens se battent chacun pour leur marque. Ce sont des concurrents. Nous ne devons pas nous endormir", se justifie Richard Meny.
Aujourd'hui les deux showrooms ont une entité juridique différente. Mais le groupe entend bien les fusionner dans les deux ans qui viennent. Si Peugeot semble d'accord, la marque aux Chevrons le paraît beaucoup moins. Lui, préfère s'en amuser. Il raisonne en termes économiques, sans prêter gare aux susceptibilités de chacun. "A partir du moment où je respecte les standards, je ne suis pas inquiet pour ma rémunération", estime-t-il. Peut-être le plus difficile est-il d'ailleurs fait. Ses deux sites sont sortis de terre. "C'est le premier qui prend les coups. Je suis sûr que je ne serai pas le dernier", juge-t-il encore.
Quand les agents remplacent les concessionnaires
Aujourd'hui, la représentation en milieu rural reste primordiale pour les constructeurs, français notamment. D'ailleurs, la présence traditionnelle des marques hexagonales dans les petites villes explique qu'elles préservent une pénétration solide. "Il y a 20 ans à Toul, il y avait une concession de chaque marque. Aujourd'hui, nous sommes le dernier concessionnaire. Il ne reste plus qu'un agent Fiat, un agent Ford, un agent Volkswagen et un agent Renault. Il y a dix ou douze ans, Renault faisait 1 000 voitures sur Toul. L'an dernier ils en ont fait 350, sur un marché total que l'on estime à 1 800. Nous, nous tenons parce que nous faisons l'essentiel de nos volumes à l'extérieur. Sur 1 250 Peugeot en 2007, seulement 280 ont été achetées par des clients de Toul. Ici, 65 % de la clientèle Peugeot est nancéenne. Entre 2001 et 2007, nous avons augmenté nos ventes alors qu'au niveau national, Peugeot a perdu 30 %", détaille Richard Meny. 2007 est même la plus grosse année de livraison Peugeot que son groupe n'ait jamais faite. Même chose pour Citroën, dont la concession de Toul végétait à 400 VN il y a deux ans, quand le groupe Meny a repris l'affaire. Aujourd'hui, elle est à 650. Et les résultats devraient encore s'améliorer avec cette nouvelle implantation, beaucoup plus spacieuse et lumineuse que l'ancien site, installé à l'autre bout de la ville. C'est précisément à la lumière de ce constat et de ces performances que le groupe a construit son argumentaire pour séduire PSA.
"Dans des petites villes avec des potentiels de vente de moins en moins importants, cela devient extrêmement dur. Une concession n'est plus viable quand elle vend 200 VN. En 2001, Peugeot faisait 21 % de pénétration. Aujourd'hui, nous sommes à 16 %. Nous avons donc les mêmes frais de structure pour un volume 30 % inférieur. Et puis, les standards sont les mêmes que l'on fasse 200 ou 2 000 voitures. L'idéal est donc de se regrouper pour pérenniser cette présence", explique Richard Meny, comme une évidence. Avec 1 900 VN (1 250 Peugeot et 650 Citroën) et 1 800 VO immatriculés l'an dernier, l'amortissement des frais de structure se fait de suite plus facilement.
La vente de pièces en tire profit
"Quand un client veut un véhicule que vous n'avez pas dans votre gamme, vous ne pouvez pas le retenir. Avoir plusieurs marques nous permet de garder le client", explique Richard Meny, comme une nouvelle justification. Assis derrière son bureau, dont les portes donnent sur les deux showrooms, il observe. Le bureau de la direction situé à l'étage ne lui sied guère. Il aime le terrain. "Je suis un garagiste", répète-t-il. "Les jours où je ne vends pas moi-même une voiture, j'ai l'impression de ne pas avoir travaillé", confie-t-il. Une position qui ne l'empêche pas de prendre de la hauteur et d'analyser. Preuve en est son double projet. Mais aussi le sort qu'il a réservé à l'ancienne concession Citroën, désertée par le VN. Le groupe Meny y a en effet installé son magasin de pièces. Un magasin de 2 500 m2 qui abrite près de 40 000 références par marque et qui dessert les trois concessions Peugeot, les deux sites Citroën ainsi que les agents et MRA qui travaillent avec le groupe. Richard Meny livre même un concessionnaire Peugeot (Vitry) qui a perdu son contrat pour la vente de pièces. A terme, il entend même y entreposer les pièces détachées des affaires Opel, puis Fiat, Alfa Romeo, Lancia qu'il possède à Nancy. "Pour l'après-vente, ça aide. Aujourd'hui, nos vendeurs itinérants peuvent vendre de la pièce. Avant, on ne pouvait pas stocker, donc on ne vendait pas. La pièce est une activité lucrative. Aujourd'hui, si on enlève la marge brute sur pièces, il n'y a plus une concession qui tient debout. Chez nous, la vente de pièces, c'est 20 % de notre chiffre d'affaires, mais c'est 40 % de notre rentabilité. D'ailleurs, on voit bien que ceux qui ont les meilleures rentabilités aujourd'hui sont ceux qui savent distribuer la pièce", explique-t-il, en insistant sur la nécessité, pour les distributeurs, de garder leurs quatre métiers que sont la vente de véhicules, le financement, la réparation et la vente de pièces. D'ailleurs, Richard Meny va même plus loin. "L'intérêt des concessionnaires et de se regrouper pour organiser leurs stocks. Demain, si certains confrères m'appellent pour investir dans mon entrepôt, je dis oui". Encore une manière d'économiser sur les frais de structure. Décidément le cheval de bataille du groupe.
Photo : Le groupe se donne cinq ans pour amortir les investissements : plus d'un million d'euros répartis sur les deux sites, dont celui-ci de Toul.
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