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Distribution

Les savants calculs du VO

Publié le 29 septembre 2011

Par Benoît Landré
8 min de lecture
Face au durcissement des approvisionnements, l’érosion des marges et la concurrence des transactions entre particuliers, l’activité occasion repose plus que jamais sur les méthodes, l’organisation, le professionnalisme et les forces humaines.
Les professionnels du VO se doivent d’avoir une offre de véhicules à la fois variée et importante sur leur parc tout en veillant à la bonne rotation de leur stock.

Mieux vaut-il privilégier la quantité ou la qualité des ventes ? Faut-il favoriser la rotation au détriment des marges ? Quel arbitrage pour les frais de remise en état ? Les variables qui participent de la rentabilité de l’activité occasion sont multiples, certaines sont payantes rapidement, d’autres portent leurs fruits dans la durée à force de méthodes et de process. S’il n’y a pas de recettes miracles, de stratégie établie - chaque acteur composant avec ses moyens, son organisation et sa taille -, le VO repose cependant sur des piliers fondateurs et incontournables que sont les marges, la rotation et le sourcing. Face à des marges moins généreuses depuis la crise économique et des approvisionnements plus disputés depuis 2010, plus que jamais les professionnels doivent se montrer rigoureux, organisés et… professionnels.

“Quand on se focalise sur la marge dans le métier du VO, on se cantonne à des coups, des opérations ponctuelles, ce n’est donc pas le bon raisonnement pour faire du volume dans la durée. La valeur d’un bon professionnel se juge sur l’industrialisation des process, la fabrication de ses VO, une offre de véhicules prêts à la vente, une rotation rapide et non sur la seule marge”, juge Franck Viallet, directeur général du groupe Kroely, qui a développé en 2010 ses Centres Européens de l’Occasion afin de centraliser la vente à marchands et structurer l’activité occasion du groupe. Si l’on en croit le discours des constructeurs, l’activité occasion de leurs points de vente n’a jamais été aussi profitable que depuis qu’ils ont développé les labels occasion, les outils de gestion et déployé des coaches VO sur le terrain.

“L’activité occasion a un prix qui augmente face à des marges qui s’érodent, et la solution c’est le volume, les process, les industrialisations qui assurent des gains de productivité importants, et couvrent ainsi les coûts de tous ces contrôles et de cette exigence”, estime Jean-Roch Piat, directeur général de BCAuto Enchères France.

Une organisation rodée, des outils dédiés ou encore des équipes formées sont autant de conditions élémentaires, nécessaires, qui assurent dans la durée une activité occasion solide.

La crise, qui a sérieusement impacté le marché du VO et touché les marchands les plus fragiles (les moins vertueux, aussi ?), semble donc avoir conduit les professionnels à repartir sur des bases plus saines et constructives. “Le nerf de la guerre repose actuellement sur la qualité de la source, la qualité des véhicules, des papiers, le sérieux et la transparence, et ne plus se focaliser sur les prix comme on l’a trop fait pendant la crise”, juge Jean-Marie Piallasse, dirigeant de la société espagnole Wagendas.

Marges et rotation, la paire gagnante

Les notions de rotation, de volumes auraient-elles alors pris le dessus sur le prix et les marges, composantes longtemps incontournables du métier de l’occasion ? “Faire de bonnes marges et avoir une rotation rapide n’est pas incompatible avec le volume, répond Berislav Kovacevic, dirigeant de Solutions VO. Les marges et la rotation sont fondamentales et l’une ne doit pas être privilégiée par rapport à l’autre.” (Voir entretien ci-dessous) Gagner de l’argent sur le VO en négligeant les marges est donc impossible. Car, contrairement aux ventes de VN, guidées par les primes de volumes des constructeurs, la rentabilité de l’activité occasion repose sur l’achat et la revente, et donc sur cette variable comptable.

Chaque voiture est un cas à part, qui, selon la période, le timing, peut conduire un vendeur à privilégier une vente rapide et une marge moins élevée, ou au contraire à maintenir le prix au risque de voir le véhicule coller au stock. “La rotation constitue la première règle absolue, car nous n’avons jamais vu un distributeur obtenir de bons résultats avec une mauvaise rotation, et le second levier essentiel repose sur les achats”, estime Christophe Durand, responsable occasion de Renault, qui entend afficher un taux de reprises de 40 % en 2011.

Facilitées, voire faussées ces dernières années par l’introduction de la prime à la casse, les reprises en concessions sur ventes VN ou VO représentent également, en 2011, l’un des principaux enjeux des constructeurs. “L’équilibre repose essentiellement sur le bon sens, le professionnalisme et les équipes en place. Ce n’est pas le constructeur et le professionnel qui déterminent le prix, mais le client”, souligne pour sa part David Rairolle, directeur des activités VPN.

Dans un marché où les visites sur Internet ont pris le pas sur les visites en parcs, le rapport de force semble avoir tourné à l’avantage de l’acheteur, plus exigeant et mieux informé. “Je pense que par rapport aux années d’avant crise, il faut accepter aujourd’hui de percevoir des marges moins importantes sur certains segments, comme les citadines ou les voitures de gamme moyenne, et compenser cette baisse par des produits atypiques premium. La marge ne se fait pas systématiquement sur les VO “best-sellers”, il faut savoir sortir des sentiers battus et prendre des risques”, poursuit David Rairolle.

Un nouveau profil de vendeurs VO ?

Dès lors, dans ce contexte de marché exigeant encore fortement soumis à la concurrence des remises et autres promotions sur les ventes de voitures neuves, les professionnels doivent donc rivaliser de méthodes, être réactifs tout en s’appuyant sur des forces commerciales de plus en plus spécialisées. L’essor du Net a, par exemple, vu naître les professions de Web Seller ou responsable e-commerce. “Cette nouvelle donne du marché, qui repose sur le sourcing en Europe, la rigueur, la réactivité, requiert des compétences et des qualités que l’on peut trouver dans d’autres secteurs d’activité, et c’est ensuite à nous d’apprendre le VO et de former ces professionnels. Nous ouvrons beaucoup nos recrutements sur des horizons où nous n’avions pas l’habitude d’aller auparavant. Je pense que l’on peut trouver des talents ailleurs que sur le marché de l’occasion”, juge Franck Viallet.

Un profil, pointu, qui fait presque autant appel à une expertise comptable que commerciale. “Au sein de VPN, nous nous appuyons sur des process, une marque, un savoir-faire et une expérience qui nous servent. Pour autant, j’ai le sentiment que le métier du VO devient de plus en plus de la mécanique de haute précision”, conclut David Rairolle.

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3 QUESTIONS À

Berislav Kovacevic, Dirigeant de Solutions VO.

Journal de l’Automobile. Les marges sont-elles plus secondaires aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a trois ou quatre ans ?
Berislav Kovacevic.
Il reste encore beaucoup d’afficionados qui fondent leur raisonnement sur les notions de marges. Ils sont très sélectifs au niveau de leurs achats et dans la composition de leur stock, qui reste davantage axé sur la qualité que la quantité. En conséquence, les distributeurs qui commercialisent un VO pour un VN sont peu nombreux. Ce ratio représente pourtant la performance minimale à réaliser sur un marché français qui affiche régulièrement 2,6 VO pour un VN.

Ensuite, il faut s’entendre sur la définition d’une marge. De quoi parle-t-on en réalité ? De la marge brute établie sur la différence entre le prix d’achat et le prix de vente, et qui varie au sein des affaires entre 800 et 2 000 euros ? Il est vrai que, contrairement au VN, il n’existe que peu de primes de rappel dans le VO. Les professionnels se doivent donc de réaliser une marge brute minimum de 10 % en VO pour espérer gagner leur vie.

Il existe, enfin, une grande confusion entre la marge nette, qui permet de déterminer la vraie rentabilité d’une affaire, et la MBA, souvent également appelée “marge commerciale”. La “faute” aux comptes d’exploitation des constructeurs, qui n’intègrent pas les frais communs de structure dans chacune des activités.

JA. Quelle est la marge minimum à respecter pour gagner de l’argent sur le VO ?
BK.
Au final, 90 % des distributeurs gagnent moins de 300 euros de marge commerciale unitaire, ce qui signifie que l’activité VO n’est pas un vrai centre de profit. Si les 300 euros de marge commerciale sont atteints, l’attention sur la rotation de stock permettra de ne pas dépasser 55 jours au maximum.*

JA. Les distributeurs négligent-ils trop le segment des VO âgés à cause de frais de remises en état (Frevo) trop conséquents ?
BK.
Beaucoup de professionnels estiment qu’il n’est pas intéressant de réparer des VO plus anciens car ils ne disposent tout simplement pas de l’organisation interne ou encore des outils idoines pour le faire de manière optimale. Les Frevo représentent souvent entre 3 et 6 % du chiffre d’affaires VO d’une concession, soit la moitié de la marge brute.

Il s’agit donc d’être extrêmement rigoureux sur ce poste, sans oublier que les activités SAV et Pièces en bénéficient souvent. En revanche, il est dommage de constater que beaucoup décident encore d’orienter leurs VO à particuliers sans établir de devis chiffrés, ce qui génère souvent des Frevo et des coûts de garantie, mais aussi des délais de réparation supérieurs aux prévisions. Un professionnel du VO se doit de savoir réparer ses voitures d’occasion le plus vite possible, pour maintenir un bon taux de rotation, et le mieux possible, pour assurer les marges.

*Berislav Kovacevic a développé un outil logiciel qui permet de définir le seuil de rentabilité maximal.
 

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