L’écosystème du VE prend peu à peu ses marques
L'idée un peu folle a pris un tour officiel. Le groupe Maurin va installer des stations de recharge dans les 110 concessions et sites secondaires qu’il exploite en France, Belgique et Suisse. Un investissement allant bien au‑delà d’un équipement en bornes. Le groupe nîmois a, en effet, opté par ailleurs pour des panneaux photovoltaïques, dont le rôle sera d’alimenter les réseaux locaux et les véhicules branchés, tandis que le surplus de l’électricité produite sera revendu à l’énergéticien national.
Cette concrétisation tient à un accord passé, depuis 2018, avec Driveco, spécialiste de l’exercice. Elle est aussi le symbole d’une maturité. Les concessionnaires accélèrent sur l’électromobilité, tout autant que l’industrie dans sa globalité. Ion Leahu-Aluas, directeur général de Driveco, s’en est dit convaincu, le 24 septembre dernier dans le cadre de l’Atelier Mobilité du Journal de l’Automobile qui se consacrait à l’électromobilité : "Je pense que les progrès sont réels depuis une décennie et qu’il y a un phénomène d’accélération exponentiel, a‑t‑il entamé sa prise de parole. L’écosystème se met en place."
Convié à débattre, Jérôme Daumont, président du groupe Altaïr, a tenu un propos allant dans le même sens. Le distributeur multimarque francilien a invité la profession à considérer des politiques d’investissement fondées sur des scénarios très ambitieux pour le VE et les hybrides. "Je suis ravi d’écouter les discours de la PFA, des constructeurs et des équipementiers. Ils reflètent une prise de conscience quant aux mutations que nous sommes en train de vivre et, il y a un an encore, les propos tenus n’étaient pas les mêmes", a commenté le concessionnaire ouvertement convaincu par le VE, lors de son passage sur scène. Sondé par la salle sur les évolutions de ses ateliers, là encore, il a fait preuve d’assurance pour expliquer que la décennie à venir sera mise à profit pour transformer progressivement les compétences et les équilibres, pour continuer d’avancer selon l’orientation du vent de l’électrification.
La LCD limitée par le contexte
Une électrification qui ne vient pas en opposition à d’autres solutions, mais en complémentarité. L’arrivée de l’hydrogène n’en sera qu’une autre déclinaison, a tenu à rappeler Michel Forissier, directeur technique des systèmes de propulsion de Valeo, alors en échange direct avec Luc Chausson, directeur stratégique du groupe Volkswagen France. En fin connaisseur du sujet, le représentant de l’équipementier français a souligné l’intérêt de la technologie dans l’essor de nouveaux usages de mobilité. De nouveaux modes de transport dont le cadre de Volkswagen va faire quotidiennement la promotion auprès des collectivités locales hexagonales, faisant face à des interlocuteurs aux positions bien disparates.
Alors qu’ils aspiraient à transformer une partie de leur flotte, les loueurs se retrouvent contraints par les réalités économiques. La crise qui frappe durement la profession (- 50 % d’activité par rapport à l’avant Covid) nuit à la capacité d’investissement. "Pour faire un 1 euro de chiffre d’affaires, un loueur courte durée doit consacrer plus de 2 euros à l’achat de véhicules, rappelle Jean‑Philippe Doyen, directeur général de Sixt France. Les acteurs ont une réelle envie d’avancer, mais force est de constater que tous n’auront pas les moyens." Et disposer d’une offre ne suffit pas. Les consommateurs se montrent encore réticents. La faute à un parcours de plus en plus digitalisé qui ne permet pas un travail de pédagogie par les experts, mais aussi à une anxiété viscérale. Les clients des sociétés de location craignent la panne de batterie.
Priorité aux entreprises et aux domiciles
Souvenons‑nous qu’au printemps dernier, le gouvernement a présenté une feuille de route pour le réseau de points de charge. Celle‑ci exige des industriels qu’ils fassent passer le nombre de bornes de 30 000 à 100 000 d’ici 2021. "C’est un objectif relativement ambitieux, admet Maxime Dupas, responsable du développement commercial des nouvelles énergies de Total. Il ne s’agit pas de poser l’équipement et de brancher une voiture. Les étapes pour parvenir à construire un point de charge sont bien plus complexes. Nous avons besoin de progresser sur la fluidité", a‑t‑il conditionné. En accord avec cette analyse, Alice Meyer, directrice des opérations de Freshmile, a poussé la réflexion jusqu’à l’utilisation des bornes. Pour l’entreprise qui s’est fait une spécialité de l’exploitation commerciale pour le compte de tiers, l’enjeu tient dans le confort procuré aux conducteurs.
"Il faut avancer intelligemment, a‑t‑elle insisté, nous devons mettre toute la couche de services qui va autour pour faciliter l’utilisation de ces équipements." Et Maxime Dupas de rebondir : "Faciliter, c’est définitivement la clé. Nous devons aider les entreprises dans le cadre de la LOM, les conseiller pour contribuer à la définition de leur car policy. Mais aussi être aux côtés de leurs collaborateurs, car nous savons que 80 % des actes de recharge se font au travail ou au domicile, contre 15 % sur la voirie et 5 % le long des grands axes et ailleurs."
Toutes les craintes et les multiples questions mises à part, les clients se montrent de plus en plus disposés à sauter le pas. En 2020, ils sont 22 % à voir le prix de la technologie comme une barrière, contre 32 %, deux ans plus tôt, selon une étude récente du cabinet Deloitte, présentée lors de l’atelier. 47 % des consommateurs se disant même prêts à verser 2 500 euros de plus pour passer d’une version thermique à une électrique.