S'abonner
Distribution

Le TC de Versailles condamne Nissan et ouvre la voie à de nouvelles procédures

Publié le 16 juillet 2010

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Maître Renaud Bertin revient pour nous sur le jugement rendu récemment par le Tribunal de Commerce de Versailles dans l'affaire qui oppose Nissan à la société Girodo Le Clézio, son distributeur à Dreux de 1995 à 2003 et qui...
...condamne, entre autres, le constructeur à 346 116 euros de dommages et intérêts pour des irrégularités lors de la mise en conformité au Règlement CE 1400/2002.

Dans un jugement du 9 juin dernier, le Tribunal de Commerce de Versailles a rendu une décision extrêmement intéressante qui pourrait concerner tous les concessionnaires dont les contrats avaient été résiliés moyennant le respect d'un préavis de 24 mois, en septembre 2002, dans le cadre de l'entrée en vigueur du Règlement CE 1400/2002 à compter du 1er octobre 2003.

En effet, pour ces concessionnaires des différents réseaux de marque, leur préavis de résiliation s'est poursuivi au-delà de la date butoir du 1er octobre 2003 et donc de l'entrée en vigueur du Règlement CE 1400/2002.

Certaines marques parmi lesquelles Nissan et Toyota, qui se trouvaient dans cette situation juridique, ont écrit aux concessionnaires concernés pour leur faire savoir que leur contrat était mis en conformité avec le nouveau Règlement CE 1400/2002 à compter du 1er octobre 2003 jusqu'au terme du préavis de résiliation et pour les besoins de son bon accomplissement.

Certains avocats de constructeurs, et non des moindres, dans le cadre d'autres procédures, avaient soutenu que cette situation avait pour effet d'entraîner la novation du contrat en cours en un nouveau contrat verbal de distribution sélective.

Parallèlement, la mise en conformité au Règlement CE 1400/2002 supposait que celle-ci s'opère quant à toutes les dispositions du nouveau Règlement et notamment celle relative à la durée des accords prévue à l'article 3 § 5.

Ce nouveau contrat étant conclu soit pour une durée indéterminée, soit pour une durée déterminée d'au moins 5 ans, il était donc impossible d'y mettre fin dans un délai inférieur à 2 ans pour les contrats à durée indéterminée et avant un délai de 5 ans pour les contrats à durée déterminée.

Au cas d'espèce, par un courrier recommandé A. R. du 8 septembre 2003, Nissan avait annoncé à son concessionnaire que : "Dans le cadre de l'entrée en vigueur du nouveau Règlement d'exemption CE n° 1400/2002 et afin de mettre le contrat en cours en conformité avec ledit Règlement pour les mois restant à courir après le 1er octobre 2003, la Société Nissan relèvera la Société Girodo de l'ensemble de ses obligations non exemptées par ce nouveau Règlement communautaire".

Le Tribunal en déduit que Nissan a décidé de soumettre le contrat en cours aux règles inhérentes aux nouveaux réseaux de distribution sélective à compter du 1er octobre 2003.

Le Tribunal relève encore que Nissan a ainsi "placé la SA Girodo Le Clezio en concurrence directe avec les autres membres du réseau sélectif de distributeurs et l'a soumise aux mêmes obligations, tout en lui accordant les mêmes prérogatives, notamment les bonus des pièces de rechange et accessoires, les primes d'activité, les audits relatifs au plan qualité standard 2004, les participations aux stages de formation et enfin la disparition de l'ancien territoire exclusif concédé à la SA Girodo Le Clezio en application de son contrat de 1995 et remplacé par une zone de chalandise non exclusive partagée par 40 distributeurs".

Le Tribunal en déduit que Nissan "ne s'est pas limitée à consentir une simple décharge unilatérale d'obligations au profit de la Société Girodo Le Clezio sachant que dans son considérant n° 13 le Règlement CE 1400/2002 interdisait de maintenir ou de faire cohabiter au sein d'un même réseau un système de distribution sélective et la poursuite de l'exécution d'un accord de distribution exclusive".

Le Tribunal estime que la mise en conformité du contrat a induit des modifications et des aménagements substantiels parmi lesquels :
• la suppression de l'exclusivité territoriale.

• le droit concédé à tous les distributeurs de réaliser sans restriction de la publicité personnalisée sur l'ancien territoire exclusif de la SA Girodo Le Clezio et d'y conclure des ventes actives, ce qui était contraire à l'article 1 § 5 du contrat de 1995.

• l'obligation faite à Nissan d'y nommer tout réparateur agréé qui présenterait sa candidature et respecterait les critères et ceci en contravention avec l'article 1 § 6 du contrat de 1995.

Le Tribunal constate que les parties sont ainsi entrées à compter du 1er octobre 2004 dans une relation contractuelle nouvelle avec extinction de l'ancienne, qu'il s'est opéré une novation par changement d'objet ; cette novation ayant transformé l'ancien contrat de concession exclusive en contrat de distribution sélective.

ZOOM

Nissan fait appel

Contacté par nos soins, le constructeur souhaite ne faire aucun commentaire sur le jugement du Tribunal de commerce de Versailles, mais tient à préciser que la marque a d'ores et déjà fait appel de cette décision.

ZOOM

Renaud Bertin en bref

Né le 18 février 1967 à Nancy (54), Renaud Bertin est titulaire d'une Maîtrise en Droit des Affaires, diplômé de la première promotion du Magistère de juriste d'affaires européen de l'université de Nancy II et Major de la première promotion du diplôme scientifique de Maîtrise en Droit Européen de l'Université de Liège, Belgique, équivalent au Doctorat d'Etat français. Depuis fin 2006, il est officiellement avocat - consultant du CNPA pour les questions de droit de la Distribution Automobile.

Renaud Bertin, avocat à la Cour de Paris.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle