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Distribution

Le modèle Charteco

Publié le 8 septembre 2006

Par David Paques
7 min de lecture
A grand renfort de communication, les constructeurs s'intronisent à tour de rôle défenseur de la cause environnementale. A bord des véhicules, certes. Dans les ateliers des concessionnaires, en revanche, ils sont peu nombreux à montrer "patte verte". Depuis neuf ans, Volkswagen tente...
A grand renfort de communication, les constructeurs s'intronisent à tour de rôle défenseur de la cause environnementale. A bord des véhicules, certes. Dans les ateliers des concessionnaires, en revanche, ils sont peu nombreux à montrer "patte verte". Depuis neuf ans, Volkswagen tente...

...d'imposer sa vision du garage "propre". Une implication en forme d'exemple à suivre : le modèle Charteco.


L'environnement dans l'industrie automobile se résume, bien souvent, pour le grand public aux seuls progrès techniques à bord des véhicules. Pour les professionnels, en revanche, il est des enjeux écologiques que les normes européennes rendent d'année en année plus drastiques : ceux des déchets automobiles. Pourtant, tous les constructeurs ne font pas montre des mêmes ambitions en la matière. Obligés de faire collecter leurs déchets par des filières de traitement et de valorisation, les ateliers n'ont pas toujours la même relation à l'environnement. "Alors qu'on nous payait pour nous prendre nos déchets il y a 20 ans, on nous demande aujourd'hui de l'argent", rappelle souvent Francis Davoust, vice-président du CNPA. Aujourd'hui, rentable pour certains déchets, coûteux pour d'autres, le recyclage des PHU cherche son équilibre. "Or, les garagistes sont tentés de favoriser la rentabilité ou le moindre coût à court terme", témoigne Constantin Voluntaru, conseiller environnement au sein de Volkswagen France, qui milite pour une spécialisation des acteurs et des filières, l'inverse du "Global environment", choisi par d'autres constructeurs.
Depuis 1997, Volkswagen a inscrit la démarche environnementale dans ses fondamentaux. Une volonté qui a pris forme, en France, avec le concept Charteco. "Nous avons fait prendre conscience à notre réseau que l'environnement n'était pas qu'un coût mais également un vecteur d'image auprès du grand public", explique simplement Constantin Voluntaru. La philosophie est simple. Le réseau Volkswagen s'engage à suivre des normes environnementales définies par la marque.

Un investissement initial de 10 000 euros

Demander au réseau d'adhérer sans aucune aide financière était trop risqué. Aussi, Volkswagen a fait le choix d'accompagner ses distributeurs et réparateurs agréés dans la démarche. L'installation d'une cabine de tri (7 700 euros) et l'achat des accessoires sont en effet difficilement supportables pour certains professionnels. La facture initiale s'élève, en effet, à 10 000 euros. Sur l'ensemble de ces dépenses, Volkswagen en prend donc la moitié à sa charge. Mais ce n'est là qu'une étape pour adhérer à la charte. Car, entre la location des différentes bennes et la collecte réalisée par les différents prestataires partenaires, le coût annuel s'élève, ensuite, pour un concessionnaire de taille moyenne à un peu plus de 5 000 euros. En revanche, pour un atelier qui abrite une carrosserie, souvent génératrice de beaucoup de déchets, la facture annuelle peut alors grimper jusqu'à 10 000 euros. Le prix de la démarche s'annonce donc élevé pour les professionnels du réseau. D'autant plus qu'en France, la loi ne permet pas de répercuter le coût sur le client, sauf ligne par ligne (produit par produit). "Ce qui est quasiment impossible", reconnaît Constantin Voluntaru. Selon les volumes confiés aux filières identifiées, les concessionnaires sont remboursés en partie sous forme de bonus par la marque.

Encore des barrières à soulever

L'initiative apparaît fragile. Sans une démarche similaire des autres constructeurs, qui permettrait de réduire les coûts de collecte des recycleurs et donc de tendre vers l'équilibre économique, la charte pourrait tomber à l'eau. Aujourd'hui, la survie de la filière ne tient en effet qu'à la bonne volonté de la marque de maintenir ses subventions.
Si en près de dix ans, le modèle Charteco s'est finalement érigé en exemple, certains points freinent encore son expansion. Sur les 800 concessionnaires de la marque présents sur le territoire français, 450 ont aujourd'hui adhéré au concept Charteco. "Le problème, c'est que je suis seul. Et si nous voulons arriver à 100 % du réseau, il faut aussi utiliser les forces du terrain. C'est juste une question de volonté", explique Constantin Voluntaru. Un challenge d'autant plus difficile qu'il s'étend sur les cinq marques du groupe (Volkswagen, Audi, Seat, Soda et Volkswagen VU). Dans cette initiative bientôt décennale, Skoda et Seat apparaissent encore un peu en retrait. "Ils sont arrivés plus tard dans le système. Donc le concept n'est pas encore entré dans leur quotidien", explique encore Constantin Voluntaru. Mais ce n'est, semble-t-il pas là l'obstacle le plus difficile à surmonter. Aujourd'hui, en effet, beaucoup de groupes de distribution multiplient les enseignes. Résultat, il est bien difficile de faire accepter un modèle Volkswagen à un concessionnaire Audi qui distribue également Renault, par exemple. Le constructeur français n'utilise pas les mêmes filières de recyclage au sein de son réseau. Il a ses propres accords en la matière, avec Veolia Environnement, notamment. Et chaque constructeur a sa façon de voir la chose. Le multimarquisme est ainsi devenu le principal frein au développement de la charte. En revanche, l'expansion de la charte pourrait se faire dans un autre domaine, celui des véhicules hors d'usage (VHU).

Volkswagen opte pour le "modèle français"

Chez Volkswagen, les discussions sur les VHU ont débuté dès 1992. Après les innombrables atermoiements européens, les lois ont finalement laissé à chaque pays de l'Union le soin d'organiser ses filières de collecte. En France, la responsabilité incombe aux constructeurs. Charge à lui d'alimenter les filières de broyage et de démolition. Problème, rien n'oblige les usagers à rapporter leur véhicule en fin de vie chez leur concessionnaire. Depuis quelques mois pourtant, Renault et PSA ont adopté une certaine stratégie pour récupérer leurs VHU. Les deux constructeurs proposent une prime à l'environnement déguisée en aide à l'achat de 1 000 à 4 000 euros. Les VHU reviennent ainsi dans le réseau et le constructeur satisfait aux obligations de nourrir les filières de déconstruction et de valorisation. D'avril à juin dernier, Volkswagen a testé la "méthode française" sur ses ventes. 1 000 euros étaient ainsi proposés pour la Fox, 1 300 pour la nouvelle Polo, et 2 000 euros sur le reste de la gamme (sauf Touran Sélection, Sharan, Touareg et séries spéciales où la remise est de 500 euros). Expérience concluante puisque sur cette courte période, Volkswagen a considérablement augmenté les retours de VHU dans son réseau. De 100 retours mensuels auparavant, le réseau a porté ce chiffre à 1 000 unités par mois. Une "prime verte" d'autant plus intéressante qu'elle entraîne la captation de nouveaux clients pour la marque. Un bénéfice que Volkswagen estime à environ 300 nouveaux clients. Le VHU est devenu un mécanisme de vente pour les véhicules neufs. "A présent, il nous faut donc structurer le réseau de collecte, raconte Constantin Voluntaru. Avec l'augmentation de nos volumes, nous avons beaucoup de coups de fil de démolisseurs qui veulent travailler avec nous", livre-t-il d'ailleurs. Pour l'heure, le réseau fonctionne avec une quarantaine de partenaires de collecte. Un chiffre probablement amené à évoluer avec la constitution de la filière.

Bientôt un "Charteco VHU"

D'ailleurs, la direction générale de Volkswagen a fixé des règles claires à l'ensemble de ses filiales. Avant le 30 septembre de cette année, la marque souhaite en effet que le réseau français dispose d'un réseau de collecte VHU structuré. Une préconisation qui pourrait aboutir à la création d'un label "Charteco VHU". Une hypothèse vraisemblable qui, même avec un autre patronyme, afficherait un tout autre visage que le concept ayant trait à la collecte de déchets. Sur le véhicule en fin de vie, l'image n'est en effet plus le seul bénéfice à retirer. Argument de vente oblige, le futur "Charteco VHU" se voudra beaucoup plus commercial que son prédécesseur. Peut-être alors le véritable essor de la démarche environnementale au sein des concessions. Peut-être également, le début d'une vraie reconnaissance de la part du consommateur.


David Paques

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