Le grand flou des prix du VO
Il y a un an tout juste, les professionnels s’interrogeaient. Dans chaque point de vente, les responsables des parcs de voitures d’occasion se demandaient quand l’inflation des prix prendrait fin.
En vérité, la courbe avait déjà commencé à s’inverser à l’automne. Les montants n’ont plus jamais été aussi élevés qu’au mois de juillet 2022 entre les professionnels, à en croire l’indicateur d’Auto1 qui analyse les sommes moyennes échangées par les acteurs du secteur.
À l’automne 2022, il fallait donc être doué d’une sensibilité particulière pour percevoir que le temps était alors compté. Pour anticiper la baisse dès le mois de janvier 2023. "Nous avons continué à engranger du stock en pensant faire de bonnes affaires. Nous avons été pris à notre propre jeu", regrette toujours le directeur général d’une filiale VO d’un groupe de distribution. Un pari qui s’est avéré perdant. "Cela va peser lourdement dans nos comptes de l’exercice 2023", lâche‑t‑il.
Pour assainir le stock, ce distributeur aguerri a joué de remises. Il n’est pas le seul dans ce cas. Et le directeur général d’une maison de vente aux enchères de commenter : "En 2022, les moins rigoureux ont été les plus profitables dans le VO. Le retour à la réalité en 2023 fait mal à beaucoup d’entre eux. Il faut à nouveau maîtriser les fondamentaux et agir rapidement pour que la rotation des stocks s’accélère. La forte hausse des taux bancaires l’impose."
Indicateurs contradictoires
Le rebond tant attendu des livraisons de véhicules neufs depuis début 2023 (+ 16,6 %, à 1,132 million d’immatriculations en huit mois) exerce une grande influence sur l’évolution des tarifs des voitures d’occasion. Difficile alors pour les commerçants de dire dans quelle dynamique se trouvent les prix. Comme la flèche d’une boussole près d’un aimant, les indicateurs s’agitent et pointent différentes directions.
Pour Jean‑Claude Bernard, président du groupement des concessionnaires Mercedes, il n’y a pas d’alerte. "Les tarifs se sont un peu tassés, de l’ordre de 6 à 7 %. Mais grâce à la montée en gamme et au niveau de consommation, nous parvenons à maintenir les prix", constate‑t‑il pour sa part. De son avis, la hausse des tarifs au catalogue, conjuguée à celle des taux d’intérêt des crédits et à l’incertitude énergétique amène les consommateurs à retenir les voitures d’occasion comme une alternative. Ce qui génère du trafic et équilibre donc toujours l’offre et la demande malgré des réserves abondantes.
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Le directeur général d’un groupe de distribution majeur le rejoint dans cette lecture des mouvements en cours. De l’absence de mouvements dans le cas présent. Là où une baisse significative des montants avait été anticipée, ce dernier note que, finalement, la tendance est à la stabilité. "Il y a une légère dégradation de la rotation depuis juillet‑août et les marges reviennent progressivement à la normale, dit‑il. Mais, maintenant que le VO redevient une priorité, nous nous penchons sur la question des tarifs."
Comme de plus en plus de groupes de distribution, cet opérateur a investi dans la conception d’un outil en interne, transversal à toutes les marques du portefeuille. Les commerciaux ont l’obligation d’y recourir pour déterminer les valeurs de reprise et de vente de chaque voiture d’occasion. Pleinement déployé dans les affaires depuis janvier 2023, après neuf mois de pilotage au sein d’une seule marque, en l’occurrence Renault, l’outil se révèle d’une grande efficacité pour trouver l’équilibre entre compétitivité des prix affichés et préservation des marges.
Un œil sur les opérations commerciales VN
Pour mettre des chiffres objectifs sur des perceptions si subjectives, la meilleure solution est encore de se tourner du côté des infomédiaires. Sur la plateforme de La Centrale, davantage utilisée par les vendeurs professionnels que par des propriétaires eux‑mêmes de véhicules, la stabilité à tendance inflationniste se confirme.
Entre les deuxième et troisième trimestres 2023, le prix moyen des voitures présentées a pris, en effet, 0,5 % pour s’établir à 22 900 euros. Les exemplaires de VO les plus récents (0‑2 ans) ont augmenté de 3 % sur la période, à 30 900 euros de moyenne. L’inflation est deux fois plus forte sur le segment des VO les plus anciens.
Quand la voiture dépasse 15 ans d’âge, le prix s’élève à 7 990 euros, soit + 6,7 % d’un trimestre à l’autre. Aucune tranche d’âge n’a fait l’objet d’une révision à la baisse du prix moyen.
À l’échelle d’une année, entre le troisième trimestre 2022 et celui de 2023, La Centrale indique que le prix dans les annonces est monté de 4,1 %. La flambée des tarifs a tout spécifiquement touché les VO de 8‑15 ans qui ont grimpé de 10 %, à 10 990 euros.
Dans le même temps, des hausses se sont appliquées sur celles de 2‑4 ans (+ 5,7 %, à 23 245 euros), de 4‑5 ans (+ 5,2 %, à 19 980 euros) et de 5‑8 ans (+ 6,3 %, à 16 990 euros).
Plus généraliste dans le profil des utilisateurs, le site Leboncoin perçoit le marché de manière différente. D’après Olivier Flavier, vice‑président en charge de la branche automobile, les prix ont reculé de 1 % entre les mois de janvier et août 2023. "Les professionnels ont renouvelé leur stock et se sont repositionnés", interprète‑t‑il les statistiques. Les particuliers ont dû suivre. Sur les produits de moins de huit ans, Leboncoin estime même à 4 ou 5 % la baisse tarifaire en huit mois.
Inversement, les modèles plus anciens ont pratiquement subi 3 % d’inflation. "Nous voyons bien sur nos serveurs, rapporte Olivier Flavier, que l’audience pour les voitures d’occasion a gonflé d’environ 15 % par rapport à l’an passé. Désormais, nous dépassons la barre des 100 millions de visites chaque mois. Quand on sait que les commandes de VN baissent en concessions, on comprend que les Français ont toujours un fort besoin de mobilité et que la réponse se trouve dans l’offre de VO."
Des internautes qui ont de plus en plus de choix, mais malheureusement, "force est de constater qu’ils prennent peur devant les prix affichés", grimace le vice‑président du groupe Leboncoin. Alors, se dirige‑t‑on vers un effort tarifaire des revendeurs ? "Je ne crois pas à ce scénario, enchaîne‑t‑il. Cela n’encouragera pas forcément la consommation."
De plus, personne ou presque dans les affaires ne bougera le petit doigt tant que les constructeurs n’auront pas dévoilé leurs intentions. En cette fin d’année 2023, il est clair pour tout le monde que des actions commerciales seront lancées pour booster les prises de commande. Les entorses à la logique ont, dans un passé récent, mis à mal les engagements de reprise calculés sur la valeur résiduelle. Pour tous les concessionnaires, il est donc urgent de voir le comportement des marques automobiles. Et quand Hyundai annonce offrir le bonus écologique sur les Ioniq 5 et Ioniq 6 pour toute prise d’ordre en fin d’année, cela donne un aperçu.
Une cote difficile à suivre
Il y a la loi et l’ordre. Il y a la théorie et la pratique. Il y a la cote et le prix de marché. Dans les concessions qui commercialisent des voitures d’occasion de moins de sept ans, le prix de marché a rarement été en pratique proche de s’aligner avec la valeur théorique du bien. Voilà l’un des enseignements que l’on peut tirer des statistiques éditées par Autobiz. La société d’analyse du marché observe depuis longtemps un décalage entre ses recommandations et la stratégie de valorisation adoptée par les distributeurs. En janvier 2020 déjà, quand le marché battait son plein et que les parcs engrangeaient des voitures à vendre, les concessionnaires du panel quasi exhaustif positionnaient leurs offres de VO en moyenne 240 euros sous la cote. En mars 2020, la différence se creusait même à ‑ 293 euros. À compter du mois de mai suivant, la courbe s’est inversée. Les prix affichés ne cessaient de se rapprocher des recommandations pour basculer en septembre 2021 vers une surcote. D’abord de 9 euros à peine en moyenne pour culminer à + 251 euros en moyenne en février 2022, selon Autobiz. Le retournement a été brutal. Entre octobre 2022 et février 2023, l’écart moyen par rapport à l’estimation d’Autobiz est passé de + 134 euros à ‑ 143 euros. Depuis, la dépréciation s’accentue. Une spirale qui a amené les concessionnaires à fixer des prix en moyenne 356 euros sous la cote déterminée par la société de statistique.
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