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Distribution

La Commission n’imposera pas les points de livraison

Publié le 14 octobre 2005

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
"Les constructeurs doivent pouvoir écarter le risque d'un parasitage déloyal des concessionnaires en place". Par ces quelques mots, la Commission remet tout simplement en cause le concept de point de livraison, inventé par les rédacteurs du règlement 1400/2002 pour développer...
"Les constructeurs doivent pouvoir écarter le risque d'un parasitage déloyal des concessionnaires en place". Par ces quelques mots, la Commission remet tout simplement en cause le concept de point de livraison, inventé par les rédacteurs du règlement 1400/2002 pour développer...

...les ventes Internet des concessionnaires.


Depuis le 1er octobre 2005, la clause de localisation est supprimée de tous les contrats de distribution automobile. Seule la marque Suzuki échappe à cette obligation, pour avoir choisi de maintenir l'exclusivité territoriale, quitte à perdre la sélectivité (ses distributeurs sont donc libres de vendre sur leur zone des lots de véhicules à des grandes surfaces, par exemple). Avec la suppression de la clause, explique la Commission, dans sa dernière explication de texte, "les distributeurs peuvent désormais ouvrir des points de vente en tout endroit qui leur semblera commercialement intéressant, par exemple dans des zones où leur marque est sous-représentée ou dans des pays où les prix sont plus élevés. Ce changement ouvre également la voie à des formules de distribution innovatrices, telle que les points de vente multimarques". Ainsi, un distributeur de marque X et Y pourra installer un showroom X dans sa concession Y et inversement.
A condition toutefois de respecter les standards définis par la marque sur la zone concernée : "En exigeant que les points de vente secondaires respectent toutes les normes de qualité applicables aux concessions dans la zone, et en vérifiant à l'avance le respect de ces normes, les constructeurs doivent pouvoir écarter le risque d'un parasitage déloyal des efforts d'investissement et de promotion des concessionnaires en place", explique la Commission.

Les points de livraison peuvent faciliter les ventes Internet

Ce souci de la Commission d'éviter une concurrence déloyale des distributeurs en place est une première. On ne peut s'empêcher d'y voir une référence à la notion de "point de livraison" qui, étrangement, n'est jamais cité dans le communiqué. Pourtant, ce concept de point de livraison, inventé par les rédacteurs du règlement dans le but d'aider au développement des ventes de véhicules sur Internet, est bien présent dans le règlement 1400/2002 qui traite de "la non-exemption des restrictions à la capacité du distributeur d'ouvrir des points de vente ou de livraison complémentaire" (article 5, alinea 2, point b). Il est également évoqué dans la brochure explicative : "Le point de livraison est un lieu où des véhicules vendus ailleurs sont remis à l'utilisateur final. Il peut comporter la surface de bureaux nécessaire, un espace de dépôt ou de préparation des voitures en vue de leur livraison et le personnel nécessaire pour effectuer les livraisons". La brochure poursuit : "Un constructeur ne saurait empêcher le distributeur d'y installer des panneaux publicitaires ou de mettre à disposition des brochures sur les véhicules ou les services que la concession propose et ne peut pas, par exemple, exiger qu'un point de livraison occupe le même nombre d'employés qu'un showroom".

Charge aux constructeurs de jouer les gendarmes…

Les avocats réunis lors d'un débat organisé par notre confrère AutoK7 ont mis en garde les concessionnaires face à ce concept. "Un groupe multimarque pourra implanter, à peu de frais, un point de livraison d'une marque dans une de ses concessions d'une autre marque, imagine ainsi Gilbert Parléani, professeur de droit à Paris I. Ses véhicules en attente de livraison pourront alors facilement servir de véhicules d'exposition". Ainsi, il bénéficiera d'un showroom sans avoir à respecter les standards. Même Maître Renaud Bertin, qui voit pourtant dans la fin de la clause de localisation une opportunité pour les distributeurs, se méfie de la notion de point de livraison : "Le risque de concurrence déloyale est patent. Les constructeurs doivent jouer les gendarmes en définissant des standards à respecter. Or, aucune marque ne s'est encore penchée sur le sujet".

...en définissant des standards élevés s'ils veulent limiter leur nombre

Lors d'un briefing technique à la Commission, le 30 septembre, Paolo Cesarini, le chef d'unité automobile de la DG concurrence, a évoqué le cas d'un constructeur qui s'opposerait à la suppression de la clause de localisation : "Le juge national devra rechercher concrètement si la manière spécifique dont le constructeur agit pour empêcher l'essaimage est justifiable du point de vue de la protection des investissements réalisés par les distributeurs en place". Il a insisté sur le fait que la déstabilisation du réseau, via des phénomènes de parasitisme commercial pourrait finalement ne pas constituer un avantage pour le consommateur.
C'est ensuite Jonathan Todd, porte-parole du commissaire en charge de la concurrence, qui est cité par le site autoactu.com : "Le règlement permet aux fabricants d'imposer des normes de qualité sur les points de vente et les fabricants peuvent utiliser ces normes pour empêcher l'ouverture de simples points de livraison". Une réponse du même ordre avait été faite par la Commission concernant les normes extrêmement élevées que supportaient les concessionnaires Mercedes : "Le constructeur est libre d'imposer des normes luxueuses du moment qu'elles sont appliquées par tous ses distributeurs. En revanche, le client risque de se détourner de cette marque si on lui fait supporter trop lourdement le coût de ce luxe". En d'autres termes, le constructeur est libre, il peut notamment définir des normes ("objectives et cohérentes" tout de même) pour les points de livraison qui soient aussi coûteuses à mettre en place qu'un point de vente, faisant perdre tout intérêt économique à la création d'un tel point. Ces normes devront toutefois ne pas être supérieures à celle d'un point de vente, celui-ci étant également par définition un point de livraison.
Tout cela peut-être, au détriment du client… Charge à chaque constructeur de faire le choix qui lui paraît le plus intéressant pour le développement de sa capillarité, l'amélioration de la qualité de son service et la baisse de ses coûts de distribution. Pour finir, oublions un peu tout ce débat juridico-économique que certains de nos lecteurs n'hésiteront pas à qualifier de masturbation intellectuelle de bureaucrate européen, et tentons de répondre à la question de Franck Stival, concessionnaire Volkswagen à Pamiers (09) : "Qui va se charger de l'après-vente des véhicules du point de livraison ?"


Xavier Champagne

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