Innover et se développer pour continuer d’exister
L’année 2010 a été une année record pour le secteur des ventes aux enchères automobiles. Avec un total de 872 millions, le marché a atteint sa meilleure performance sur le plan comptable, progressant de 3,8 % par rapport à 2009. En 2008, au plus fort de la crise, les adjudications de VO étaient descendues à 775 millions d’euros. Mais la croissance enregistrée l’an passé s’est révélée moins forte que celle réalisée en 2009 (+ 7,1 %). C’est la raison pour laquelle le Conseil des ventes, en dévoilant son rapport d’activité en juin dernier, ne berçait pas dans le triomphalisme. Car les chiffres sont trompeurs : 67 % des sociétés spécialisées dans le secteur automobile ont subi une chute de leur montant adjugé en 2010 et seules six SVV du Top 20 ont affiché des variations positives. Les locomotives que sont les groupes Guignard et Associés et BCAuto Enchères, qui sont les seuls à culminer au-dessus de la barre des 100 millions de chiffre d’affaires, ont même creusé un peu plus leur avance en enregistrant respectivement des hausses de 15,8 % et 19,9 %. A elles deux, elles ont représenté 25 % du marché, contre 20 % en 2009. Aujourd’hui, les vingt premières sociétés de ventes volontaires françaises spécialisées dans l’automobile pèsent 90 % du marché.
Manheim, BCA et Autorola réunis pour la première fois dans le Top 20
La croissance relative du marché en 2010 a surtout été tirée par la publication des résultats des sociétés Manheim et Autorola. Cette dernière, qui a obtenu son agrément en mars 2010, a réalisé l’an passé 30 millions d’euros de montant adjugé. “2011 sera pour nous une année de stabilisation avec des résultats équivalents à l’an passé dans un environnement plus complexe”, entrevoit Pierre-Emmanuel Beau, directeur général d’Autorola. Agréée fin 2009, Manheim a pour sa part atteint un chiffre d’affaires de 15 millions. Ainsi, pour la première fois, le classement du Conseil des ventes réunissait les trois mastodontes européens des ventes aux enchères. “Sans la présence de ces deux acteurs, le marché serait en baisse de 1,6 %”, souligne le Conseil des ventes. Pour autant, Manheim et Autorola, qui ne pointent qu’en 11e et 20e position du classement, sont encore très loin de dominer le marché français en terme d’adjudication. “En Espagne, en Italie et en Belgique où sont présentes Autorola, BCA et Manheim, la concurrence de petites sociétés est pratiquement inexistante”, précise d’ailleurs le Conseil des ventes dans son bilan annuel. Si le marché français, que l’on décrit volontiers comme atypique, n’a pu résister à “l’invasion” de ces grands groupes, les sociétés historiques traditionnelles qui jouissent d’un ancrage local fort représentent encore une concurrence solide. Notamment parce qu’elles se sont organisées et qu’elles continuent de se développer sur la Toile. “La grande force du système français est qu’il est capable de gérer les ventes physiques traditionnelles et les ventes électroniques. Les acteurs qui ne sont pas capables de digérer les deux auront de plus en plus de difficultés”, juge Laurent Guignard, dirigeant de la société éponyme.
Internet : plus une concurrence, mais un levier de croissance
Internet, dont le rôle ne cesse de grandir sur le marché, représente un levier de croissance incontestable qui a permis à BCAuto Enchères, Autorola et Manheim de s’installer rapidement dans le classement, et à la société Guignard et Associés de renforcer sa position. Cette dernière, qui a racheté la société AIM en 2008 pour développer les ventes aux enchères à professionnels sur le Net, a mis fin dernièrement aux discussions entamées en fin d’année dernière pour une collaboration avec l’opérateur allemand Autobid.de. “Ce rapprochement ne s’est pas concrétisé et je le regrette. Les Allemands sont de grands professionnels, mais ont beaucoup de difficultés à appréhender le marché français car la culture est différente, explique Laurent Guignard. Nous sommes toujours en phase de préparation de notre site dédié aux ventes en ligne à particuliers. Les tests se poursuivent, mais je ne suis pas encore satisfait des résultats.” En attendant, le dirigeant breton a investi la plate-forme iencheres.com sur laquelle il devrait commercialiser 1 000 unités cette année. “Les ventes Live que nous avons introduites en juin ont permis de booster les résultats, mais aussi d’obtenir de meilleurs prix. Je suis très surpris de l’impact de cet outil qui génère près de 25 % de nos ventes à ce jour”, analyse avec satisfaction Jean-Claude Anaf, dirigeant d’Anaf Auto Auction. D’autres sociétés se sont également structurées en développant leur propre vitrine de vente en ligne. Ainsi, Toulouse Enchères et Aquitaine Enchères exploitent la plate-forme de vente Autocerti, via le site Encheres-vo.com (voir focus). L’entité marseillaise Parc Enchères a suivi la tendance en avril dernier en lançant son site www.venteofficielle.com (voir focus) : 120 voitures d’occasion y sont proposées à la vente chaque jour à professionnels et à particuliers, depuis septembre. Le réseau Five Auction, qui a inauguré en fin d’année Superchenchèresauto.com s’apprête à revoir son positionnement sur la Toile. “Superchenchèresauto.com a donné satisfaction, mais nous allons l’intégrer en fin d’année, sous la forme d’un module, à notre site historique www.fiveauction.com qui opérait avant tout comme une vitrine. Nous aurons ainsi une seule URL qui assurera la cohabitation des enchères physiques et électroniques”, entrevoit Fabrice Léger, responsable marketing de Five Auction. Le canal Internet représente également un argument de poids face aux exigences des apporteurs d’affaires. “Si une société ne propose que des ventes physiques tous les quinze jours, les voitures dorment pendant ce laps de temps”, rappelle Pierre-Emmanuel Beau.
Des regroupements inéluctables dans un contexte de marché incertain
Mais plus que de véritables avantages concurrentiels, ces développements technologiques répondent avant tout à une nécessité dans un contexte de marché concurrentiel, plus que jamais ouvert aux acteurs extérieurs (voir zoom p. 59), et fragilisé par une conjoncture fragile. “L’année se termine moins bien qu’elle a commencé. Nous avons réalisé un premier semestre extraordinaire. Nous étions partis pour battre des records sauf que depuis quelques mois c’est l’expectative totale”, déplore Laurent Guignard. “Tout le monde travaille à l’aveuglette actuellement. Nous n’avons aucune visibilité. Nos apporteurs d’affaires ne savent pas s’ils vont avoir des produits à nous proposer, mais plus que de produits nous manquons d’acheteurs”, juge pour sa part Fabrice Léger. Jean-Claude Anaf constate de son côté une baisse des prix qui oscille entre 100 et 200 euros selon les produits. Le dernier trimestre 2011 s’annonce compliqué et les prévisions pour 2012 n’incitent guère à l’euphorie. Le Conseil des ventes craignait notamment, lors de son dernier rapport, que l’allongement de la durée d’utilisation des véhicules, amorcé par les loueurs longue durée pendant la crise, impacte encore les SVV l’an prochain. “L’instabilité du marché depuis septembre nous oblige à être prudents, surtout à l’approche d’une année électorale”, rappelle Nicandro Valerio, président de l’Association des sociétés de ventes automobiles aux enchères (Asva).
Rapprochements, développements externes, consolidation, les acteurs se renforcent
Sortis renforcés de l’exercice 2010, les principaux groupes devraient asseoir encore davantage leur domination. “La nouvelle loi de libéralisation, associée au contexte économique fragile, va obliger les acteurs à se regrouper. La concentration me semble inéluctable car un opérateur ne peut plus faire cavalier seul sur ce marché”, déclare Jean-Claude Anaf. Depuis cette année, le groupe Bernard détient 100 % de la société lyonnaise Anaf Auto. “Le groupe Bernard possède une vision industrielle, nationale et a pour ambition de devenir l’un des principaux acteurs des ventes aux enchères automobiles en France. Des rapprochements sont étudiés avec d’autres SVV pour renforcer sa position sur ce marché”, ajoute Jean-Claude Anaf. En 2009, l’Asva a été fondée afin “d’assurer le développement, la défense et la valorisation des ventes aux enchères de voitures, à l’image du CNPA dans la filière automobile”, rappelle Nicandro Valerio.
Est Auction racheté par un investisseur belge
L’Asva regroupe aujourd’hui 21 sociétés de ventes volontaires automobiles qui pèsent 90 % des adjudications du marché. Depuis le printemps dernier, l’association dispose d’un site Internet (www.asvaenchères.com) qui présente le catalogue des ventes de la semaine des salles de ventes. “Je suis convaincu que l’union fait toujours la force et que ce marché a encore un gros potentiel de développement. Aujourd’hui, les ventes volontaires de VO représentent un volume d’environ 155 000 voitures d’occasion. C’est peu par rapport au marché français du VO et je pense que nous pouvons doubler ce volume dans les deux ou trois prochaines années”, annonce Nicandro Valerio. Dans une logique de complémentarité, les entités Manheim et Five Auction ont également uni leur force en début d’année afin de renforcer leur expertise auprès des particuliers, pour le premier, et des professionnels, pour le second. “Le réseau Five Auction s’inscrit dans un paysage français des ventes aux enchères axé sur les particuliers et cette collaboration, qui se matérialise par une session de vente mensuelle dédiée aux professionnels, nous permet de créer un événement différent et complémentaire. Ce sont deux cultures qui se rencontrent avec des méthodes et des process différents”, explique Fabrice Léger. Encore au stade d’expérimentation sur le site du groupe à Marseille, le partenariat entre les deux entités pourrait être décliné sur d’autres sites physiques du réseau. “Ce partenariat est déjà positif, mais il le sera encore davantage quand nous aurons dupliqué cette approche sur nos autres sites. Nous sommes également en réflexion quant à une consolidation de cette complémentarité”, ajoute le dirigeant. Onze mois après le départ de l’entité de Rouen, Five Auction vient d’intégrer dans son réseau la SVV de Saint-Dié-des-Vosges (88) dirigée par Me Morel. “Notre volonté est d’agrandir notre réseau afin d’avoir une couverture nationale. Certains commissaires-priseurs cherchent à s’adosser à un réseau car ils ont compris qu’ils seront amenés à disparaître s’ils restent tout seuls. De notre côté, nous scrutons les opportunités”, confie Fabrice Léger. Le mouvement est en marche et pourrait s’accélérer sous l’effet de la loi de libéralisation du secteur. Hasard du calendrier, la société Est Auction, implantée à Nancy (54), Meaux (77) et Nuits-Saint-Georges (21) a été rachetée en septembre par un investisseur belge. Le groupe allemand Autobid pourrait revenir à la charge dans les prochains mois. Cette tendance à la concentration serait en passe de migrer, sous peu, sur la Toile où les principaux acteurs tentent actuellement de se frayer un chemin.
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FOCUS - enchères-vo.com*
• Date de création : 2007
• Sociétés représentées : Toulouse Enchères Automobiles, Aquitaine Enchères Automobiles
• Nombre de session / semaine : 15
• Volume de véhicules vendus : 3 000 (estimation 2011)
• Âge moyen des VO : 3 ans
• Prix moyen des VO vendus : 6 800 €
• Part des ventes en France et export : 65 % / 35 %
• Part des acheteurs pro et particuliers : 100 % professionnels
*Les ventes flash se font sur www.autocerti.com
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FOCUS - www.superencheresauto.fr
• Date de création : 2010
• Société(s) représentée(s) : GIE
• Nombre de sessions/semaine : 4
• Volume de véhicules vendus : Près de 500 VO
• Âge moyen des VO : 3 ans
• Prix moyen des VO vendus : 6 000 €
• Part des acheteurs pro et particuliers : 30 % / 70 %
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FOCUS - www.venteofficielle.com
• Date de création : septembre 2011
• Société représentée : Parcs Enchères (13)
• Nombre de sessions : 1 vente par jour de 15 h à 21 h
• Âge moyen des VO : véhicules récents
• Prix moyen des VO vendus : 8 500 €
• Part des acheteurs pro et particuliers : 60 % / 40 %
• Prévisions 2012 : plus de 1 000 VO
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ZOOM - La loi de libéralisation des ventes aux enchères va-t-elle modifier le marché français ?
Adoptée en juillet dernier et entrée en vigueur le 1er septembre 2011, la loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques inclut de nouvelles dispositions “visant à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement sur le territoire des Etats membres par des prestataires communautaires exerçant dans leur Etat d’origine les mêmes activités”. Désormais, l’activité de vente aux enchères ne sera plus soumise comme auparavant à l’agrément préalable du Conseil des ventes volontaires, une simple déclaration devenant suffisante. Les opérateurs de ventes volontaires ont également la possibilité de vendre des biens neufs et de réaliser des ventes en gros. Longtemps régi par la loi de 10 juillet 2000, jugée désuète par certains professionnels et inadaptée au marché actuel, le secteur pourrait dès lors s’ouvrir à de nouveaux acteurs extérieurs, voire étrangers. Mais les commissaires-priseurs de la place ne semblent pas s’inquiéter de ces dispositions. “Je n’interprète pas ces modifications sous l’œil de la concurrence, mais davantage comme une opportunité de renforcer l’activité des ventes aux enchères de VO qui reste encore très faible en France par rapport aux pays anglo-saxons. Voir se développer sur ce secteur de nouveaux acteurs importants ne pourra que stimuler le marché et booster la mentalité des commissaires-priseurs”, juge Jean-Claude Anaf. “Ce changement va permettre le passage transfrontalier des services et intéresser de nouveaux acteurs, mais cela ne va pas modifier radicalement le paysage. Je ne crois pas à une invasion des Anglo-Saxons ou d’autres groupes européens car le marché français est atypique et l’ouverture d’un centre nécessite de gros investissements. Les acteurs actuels du marché français qui ont créé leur propre société ont vraiment à cœur de la développer avec leurs propres moyens”, répond Nicandro Valerio. Des propos qui font échos à ceux de Laurent Guignard : “Notre métier est très complexe et les marges ont baissé de façon très significative. Je ne suis pas certain qu’il soit opportun à l’heure actuelle d’investir de fortes sommes d’argent pour s’implanter sur ce marché.”
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ZOOM - Le groupe belge Alcopa reprend Est Auction
La SVV Est Auction, qui organise des sessions de ventes aux enchères publiques de voitures à travers ses trois sites de Nancy (54), Nuits Saint-Georges (21) et Meaux (77), a été rachetée par le groupe belge Alcopa en septembre. Cette entité familiale spécialisée dans l’importation de marques asiatiques en Europe ainsi que dans la distribution des marques Ford, Opel, Alfa, Fiat, Audi, VW, Toyota, Nissan, Volvo, Fiat, Skoda et Chevrolet en Belgique et au Luxembourg fait son entrée sur le secteur des ventes aux enchères automobiles. “Les discussions étaient entamées depuis un certain temps et ce rachat n’a pas de lien de cause à effet avec cette nouvelle loi de libéralisation du secteur, précise Jean-François Maréchal, qui dirige l’activité enchères au sein du groupe. Nous avons la volonté de nous développer suivant les opportunités qui se présenteront et les attentes des acheteurs et des vendeurs. Nous avons beaucoup étudié le marché français mais nous avons encore beaucoup de choses à apprendre.” Pour l’heure, le groupe continuera d’exploiter les trois salles de ventes de Nancy, Nuits Saint-Georges et Meaux.
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