Hess : distributeur pluriel
"Chaque distributeur a sa propre histoire. Chaque groupe a son pré carré. Nous, nous sommes des commerçants depuis toujours". Anthony Hess, plante le décor. Fils de Jacques, neveu de Gérard, il a intégré la direction opérationnelle du groupe Hess aux côtés de son frère aîné Jonathan depuis le début d'année. Tous deux ont choisi de ne pas tourner le dos à l'hérédité, laissant à leur tour parler cette fibre marchande, cette passion endocrinienne pour le commerce. Leur grand-père était marchand de chevaux. Quand leur père et leur oncle prennent les rênes de l'entreprise familiale, ils troquent le commerce d'étalons contre la distribution automobile. C'était il y a 50 ans. Un demi-siècle plus tard, les deux jeunes distributeurs disposent d'un outil rodé, profondément marqué du sceau du pluralisme.
FOCUS
Le Groupe Hess • Date de création : 1946 |
Distributeur de véhicules d'occasion, à l'origine, Jacques et Gérard Hess adoptent le panneau BMW Austin en 1958. La première année, le "groupe" Hess vend 14 voitures. L'an dernier, il en a vendu 18 000 de plus, dont 9 769 VN. Entre-temps, le distributeur va faire une rencontre qui va véritablement forger l'identité du groupe alsacien. Celle du multimarquisme. En 1968, d'abord, c'est la fin du partenariat avec BMW Austin et le début de la grande aventure Fiat. Voilà en effet 40 ans cette année que le groupe Hess représente la firme italienne.
Un an après, le groupe accueille Volvo, puis Datsun, quelque temps plus tard. Depuis, si le groupe a cédé des affaires et en a racheté d'autres, il n'a en revanche jamais rendu un panneau au constructeur. C'est l'une des obsessions du distributeur. "Le respect de nos partenariats est l'une de nos priorités", confirme Jonathan Hess. "Cela implique le respect des valeurs et des univers des différentes marques, mais également de la relation qui nous lie à chacune d'entre elles", précise-t-il encore. Résultat : aujourd'hui, le groupe Hess distribue 18 marques.
Des affaires indépendantes
"Chacune des marques possède un ensemble de valeurs, une histoire et suscite un certain affectif auprès de la clientèle fidèle. Nous prenons donc soin de les travailler séparément", détaille Anthony Hess. De Metz à Saint-Etienne, de Dijon à Strasbourg, chacun des 42 sites principaux du groupe fonctionne de manière indépendante. Le groupe Hess est l'un des seuls de cette importance à ne pas avoir mis en place de holding pour chapeauter l'ensemble de ses activités. Chaque affaire est en effet autonome. Aussi bien juridiquement que pour le management. "Nous avons presque un directeur par site et nous ne souhaitons pas les influencer. Nous les laissons gérer chaque affaire dans une saine concurrence", précise Jonathan Hess.
La seule chose commune au groupe, ce sont les services administratifs basés au siège. Quelques synergies peuvent également apparaître parfois pour les ventes de véhicules d'occasion. En outre, dans chaque grande ville où le groupe est implanté, le distributeur a adjoint une carrosserie pour servir ces points de vente locaux. Aujourd'hui, le groupe Hess possède ainsi 5 carrosseries. La plus importante : celle basée à côté d'Autostadium, à Strasbourg. En sus des traitements liés à la préparation VN des affaires alentour, la carrosserie enregistre entre 200 et 250 factures par mois. "Nous avons une grande chance, c'est de pouvoir nous appuyer sur la qualité de l'outil mis en place par notre père et notre oncle, mais aussi d'être entourés par beaucoup de compétences chez nos collaborateurs", reconnaît Jonathan Hess. Beaucoup de cadres sont au sein du groupe depuis des années. Il y a, en effet, très peu de turnover parmi les équipes. Un puits de compétences sur lequelle la "nouvelle direction" entend s'appuyer à plein. Nulle intention de réinventer le quotidien, de bouleverser les équilibres, les organisations. Jonathan et Anthony Hess baignent dans cet univers depuis toujours et savent trop l'importance de ce vivier de compétences pour se couper de leurs équipes. "Ne jamais quitter le terrain, ne pas perdre de vue le commerce. Etre proche des clients et des vendeurs", répètent-ils à l'envi. Les fondamentaux du commerce diront certains. Sans doute. Et c'est pour cette raison que l'on ne parlera pas ici de révolution, mais d'ajustements. "Nous avons des méthodes de management différentes de la précédente génération, mais le but est le même", reconnaissent-ils de concert. Des petites touches personnelles de-ci de-là. Comme ce système de reporting récemment introduit dans les affaires du groupe. Un système KPI (Keep performance indicator) qui traduit le souci permanent de la performance. "Pour le groupe, la croissance a toujours été tranquille, rentable et continue. Sans grand accélérateur. Cela fait 40 ans que ça dure et nous veillons à ce que cela se poursuive", précise Anthony Hess.
Aujourd'hui, la structure familiale affiche une rentabilité de 1,5 % du chiffre d'affaires. Une rentabilité qui peut parfois monter à 5 % du chiffre d'affaires sur certains sites. "Nous avons même une note d'excellence à la Banque de France. Ce qui dénote une certaine stabilité financière et ce qui permet, de surcroît, de voir l'avenir avec sérénité", souligne Anthony Hess. Et d'investir ? "Bien sûr, mais pas pour un développement à tout va", tempère Jonathan, comme une réminiscence machinale à la prudence du groupe et au rythme de croissance mesuré qui le fait grandir depuis plusieurs décennies. Si les deux jeunes entrepreneurs reconnaissent vouloir afficher une "aussi bonne croissance interne qu'externe", l'heure n'est pas encore à la grande offensive, mais plutôt à la consolidation des bases. Le groupe travaille aujourd'hui à la représentation qualitative de chaque panneau.
Lifting général
Opérateur historique de Lexus sur Strasbourg, le groupe Hess accompagne ici la marque dans son développement. Dans les semaines qui viennent le showroom du centre-ville va fermer ses portes au profit d'un nouvel établissement, un peu plus au Nord de l'agglomération, dans ce pôle premium que le groupe Hess a été l'un des premiers à occuper. Les travaux de cette future concession dédiée à la marque nippone s'achèvent peu à peu, juste à côté d'un site Volvo - Jaguar - Cadillac dont le groupe est propriétaire, mais aussi à côté de concurrents tels Porsche, Ferrari, ou BMW. Une zone commerciale en développement dans laquelle le groupe Hess est sans doute l'investisseur le plus actif puisqu'il vient de racheter la dernière parcelle de terrain disponible sur les lieux, malgré la difficile lutte pour l'acquisition de bons emplacements qui sévit dans toutes les grandes villes. Et si le distributeur reconnaît ne pas encore avoir arrêté la marque qu'il y représentera, cela traduit l'incessant souci d'assurer l'avenir du groupe et de chacune des marques qu'il représente. Opel Chevrolet Saab et Fiat Lancia à Besançon, Toyota et Lexus à Metz, Honda, Lexus, puis peut-être Fiat à Strasbourg, Toyota à Belfort, Nissan à Beaune… les projets de lifting ne manquent pas. Pour les 11 affaires Fiat, notamment. Puisque le groupe Hess a en effet entrepris de toutes les rénover dans les mois à venir. La transition qualitative du réseau est d'ailleurs l'objectif principal du groupe pour les deux années qui viennent. "Le métier a changé 100 fois depuis le début de la saga familiale. Mais nous avons toujours gardé le même cap et le même souci d'anticiper ces mutations", confie Jonathan Hess. "C'est pour cela que les juniors sont là !", précise à son tour Anthony Hess. Et pour l'avenir, les deux frères ont précisément basé leur stratégie sur les prestations. L'objectif : "La satisfaction maximale du client pour valoriser notre fonds de commerce". "Notre prétention : vendre mieux pour vendre plus. Voilà pourquoi le groupe s'engage dans un lifting général. Nous voulons tendre vers plus de satisfaction client. Il est très important pour nous et nos collaborateurs d'améliorer nos performances pour chaque marque", confie Jonathan Hess. Ensemble, ils ont donc mis au point leur propre grille de satisfaction clientèle pour mesurer son évolution en permanence. Une envie qui fait avancer cette fratrie dans un seul et même sens et que traduit à merveille cette dernière affirmation d'Anthony Hess : "Nous croyons en l'avenir de la distribution et entendons apporter notre pierre à l'édifice, sans chambardements, en incarnant simplement une nouvelle génération qui doit faire évoluer son outil avec les exigences de son temps".
Photo : Au Sud de Strasbourg, là où s'effectuent 65 % des immatriculations locales, les généralistes se côtoient. Entre les Peugeot, Citroën ou Renault, le groupe Hess y possède une affaire Hyundai - Suzuki, Honda, puis Fiat Alfa Romeo - Lancia. Inauguré en 1999, Autostadium, est l'un des plus importants sites du groupe. Le distributeur y écoule 1 000 Fiat, 200 Alfa Romeo, 100 Lancia, 250 Honda et 800 VO par an. L'affaire affiche une pénétration locale de 3,5 %. C'est-à-dire plus que la marque Fiat au niveau national.
ZOOMLa nouvelle génération "Professionnellement, il y avait beaucoup d'issues possibles, mais le choix était évident, malgré les opportunités. Nous avons toujours été dans le milieu. Et sans avoir planifié quoique ce soit, nous y sommes venus naturellement", raconte Jonathan. Diplômé de l'Edhec à Lille, Jonathan Hess (27 ans) débute sa carrière dans la finance en intégrant un fonds LBO à la Caisse des dépôts et consignation. Rapidement, il change de cap et se dirige vers le conseil en opérant dans le cabinet KPMG. Jonathan Hess entrera finalement dans le groupe au début de l'année 2006. Profil différent et complémentaire pour Anthony Hess (26 ans). Ingénieur formé à l'Ecole Polytechnique, le frère cadet est titulaire d'un DEA en management de projet. Après des expériences au MIN, puis à la direction stratégique de Citroën où il travaillera notamment sur les énergies alternatives et les marchés asiatiques, il entre dans l'affaire familiale en janvier dernier. Aujourd'hui, les deux frères ont intégré la direction opérationnelle du groupe Hess, avec toute la confiance de leurs aïeuls Jacques et Gérard, avec qui, du reste, ils partagent la même vision stratégique et prennent les décisions importantes. |
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