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Distribution

Entretien avec Patrick Bailly, président de la branche VP du CNPA : "Si la clause de localisation est supprimée, les distributeurs s'affaibliront".

Publié le 23 juillet 2004

Par Tanguy Merrien
7 min de lecture
Patrick Bailly estime que la nouvelle réglementation européenne n'a pas bouleversé la donne en matière de distribution. Il reste, en revanche, plus inquiet en cas de suppression de la clause de localisation qui pourrait à terme affaiblir les distributeurs. S'il est confiant pour l'avenir de la...

...branche, une meilleure logistique et une concentration des compétences contribueraient à améliorer la situation financière des affaires.


Le Journal de l'Automobile : Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation européenne, quelle est la situation générale dans les réseaux ?
Patrick Bailly : Nous pouvons constater qu'il n'y a pas eu, depuis le mois d'octobre dernier, énormément de changements puisque tout était déjà en place avant la mise en application du nouveau règlement européen. Les distributeurs qui exerçaient leurs trois métiers continuent d'exercer ces mêmes métiers dans leur zone avec deux ou trois contrats selon les marques. Aujourd'hui, il reste néanmoins un point chaud à traiter : la suppression de la clause de localisation prévue pour le 1er octobre 2005. Une suppression contre laquelle nous nous battons.


J.A. : Justement, quels sont vos arguments et vos propositions pour espérer voir cette clause maintenue ?
P.B. : L'arrivée des 10 nouveaux entrants au sein de l'Union européenne devrait voir les écarts de prix entre les différents membres augmenter. Le fait qu'un concessionnaire lambda vienne s'installer face à un concessionnaire déjà en place entraînerait une lutte tout à fait inégale et provoquerait une baisse des valeurs de nos affaires et de nos fonds de commerce. Nous pourrions par ailleurs assister à un regroupement sur les grands centres où les intervenants auraient intérêt à aller chercher les volumes et éventuellement les marges. Tout ceci provoquerait par conséquent un abandon du maillage géographique des réseaux, qui à ce jour est plus ou moins en place. Si la suppression de cette clause était maintenue, il faudrait au moins arriver à obtenir des écarts de prix les plus faibles possible.


J.A. : Quels sont vos moyens d'action ?
P.B. : Le Cecra, l'organisme syndical européen, gère le dossier à Bruxelles, en relation avec la Commission, le Conseil économique et social européen, les députés... Le CNPA a pris position et a présenté un dossier pour étayer nos vues, qui sont transmises à la Commission via le Cecra. Au niveau national, nous rencontrons les constructeurs français et les importateurs, de façon à garder un contact permanent et de réagir sur tous les sujets qui nous unissent.


J.A. : Gardez-vous un espoir de voir cette clause maintenue ?
P.B. : Ce ne sera évidemment pas facile. Toutefois, la Commission devrait prochainement changer de commissaires. Nous espérons que ceux-ci auront des positions personnelles différentes de celles des commissaires actuels. Par ailleurs, la Commission avait déclaré qu'il fallait analyser les résultats en cours de route. Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour en tirer de quelconques conclusions. Mais concernant la suppression de cette clause, il serait intéressant d'analyser au plus près ses éventuelles conséquences. Je reste d'ailleurs persuadé qu'en cas de suppression, on arrivera finalement à l'effet inverse de celui recherché, c'est-à-dire un affaiblissement des distributeurs.


J.A. : On pensait que la mise en application du nouveau règlement européen allait installer les réseaux durablement dans la stabilité. Or, ces derniers mois, nous avons assisté à beaucoup de reprises d'affaires. Une nouvelle concentration des réseaux a-t-elle eu lieu ?
P.B. : Il est vrai que depuis quelque temps le marché est particulièrement difficile et que les résultats financiers des concessions sont parallèlement fragiles. Ce constat vaut pour l'ensemble des marques présentes sur le territoire national. Si nous avons assisté à plusieurs rachats de petites affaires par des grands groupes, ce n'est pas forcément dû à la situation difficile du marché. Je crois plutôt que la mise en place de plaques s'est poursuivie naturellement pour former des zones économiques plus performantes et pour travailler de façon plus concentrée. Aujourd'hui, l'essentiel des plaques et l'ensemble des réseaux sont en place. Les regroupements vont se raréfier avec le temps. De plus, le marché finira bien par repartir.


J.A. : La mise en action du nouveau règlement européen contribue-t-elle à donner plus de liberté aux distributeurs par rapport à leurs concédants, favorisant ainsi le multimarquisme ?
P.B. : Sur le plan théorique, oui, mais pas forcément sur le plan pratique. Je n'ai pas l'impression que le multimarquisme se soit développé outre mesure depuis la mise en application du nouveau règlement, ne serait-ce que pour des raisons économiques. La reprise de nouvelles marques nécessite des investissements auxquels les distributeurs ne peuvent actuellement consentir. Cependant, il existe certains exemples d'opérateurs ayant repris des panneaux qu'ils n'auraient pas obligatoirement repris auparavant. Les opérateurs osent plus, il est vrai, investir dans des marques plus "exotiques" qu'autrefois. Ils font également le choix de la diversité, par passion d'une marque et par amour de l'automobile. Quant à savoir si un distributeur reste lié à son constructeur, je ne le crois pas, dans le sens où il n'a plus besoin de son accord pour reprendre une affaire de la même marque.


J.A. : Depuis la séparation des activités vente et après-vente, et au regard de la difficulté du marché, un distributeur peut-il aujourd'hui s'en sortir en ne faisant que de la vente ?
P.B. : Dans l'ensemble, le paysage de la distribution automobile est resté tel qu'il était. Les distributeurs continuent de faire leur métier : vendre des voitures, mais également les réparer, les entretenir. Aujourd'hui, tous les distributeurs disposent des installations après-vente. Tout le monde a la volonté de faire de l'après-vente. En revanche, un réparateur agréé peut choisir de se rattacher au distributeur VN de son choix, ce qui peut effectivement constituer un risque important de détournement de la clientèle à moyen terme et donc provoquer des difficultés pour certains distributeurs VN.


J.A. : Comment jugez-vous la situation financière des distributeurs aujourd'hui ?
P.B. : On s'aperçoit que, pour le domaine après-vente, les hauts niveaux de critères mis en place ont fait augmenter le prix de revient des ateliers et que les marges dégagées en après-vente se sont affaiblies. Si, auparavant, les charges fixes de l'entreprise étaient couvertes par l'après-vente, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Leur couverture est passée de 100 % à 80 %. Pourquoi ? Les temps sont serrés, la garantie devient difficile, les moyens techniques et le personnel spécifique deviennent plus coûteux. Concernant l'après-vente, tout le monde est en train de réfléchir à une meilleure logistique. Celle-ci, améliorée entre distributeurs de pièces et constructeurs, contribuerait à diminuer les coûts, tout en gardant un service rapide et de proximité. Nous devrons sûrement passer par le métier de la logistique. C'est par une meilleure fluidité des rapports et par la concentration des compétences que nous nous en sortirons.


J.A. : Comment voyez-vous évoluer la distribution automobile à terme ?
P.B. : Je crois que nous n'assisterons plus à des changements brutaux. Aujourd'hui, il va d'abord falloir digérer les concentrations qui ont eu lieu, les synergies qui se sont créées. Finalement, il n'y a pas eu de transformations fondamentales dans la manière de distribuer les véhicules et il n'y en aura guère plus à l'avenir. La réglementation européenne a façonné juridiquement la distribution mais, sur le terrain, la commercialisation est restée la même. Si tout le monde fait son travail au bon moment et au bon endroit, il n'y a pas de souci à se faire pour l'avenir. Je reste confiant.


Propos recueillis par Tanguy Merrien





Curriculum vitae

Nom Bailly
Prénom Patrick
Age 56 ans

Ingénieur commercial, Patrick Bailly dirige avec son frère Jean-Paul un groupe de concessions Peugeot, la holding Société civile Bailly, composé de 11 sites principaux tous situés en Moselle. Le groupe a commercialisé en 2003 6 700 VN et 5 170 VO et pèse un chiffre d'affaires de 170 millions d'euros. En dehors de ses fonctions de dirigeant de groupe et de président de la branche nationale des concessionnaires VP du CNPA, Patrick Bailly est également trésorier du groupement des concessionnaires Peugeot.

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