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Distribution

Dugardin : le Ford tranquille

Publié le 26 juin 2009

Par David Paques
9 min de lecture
Discret et profondément indépendant, le groupe Dugardin représente les marques du groupe Ford dans la région lilloise depuis 40 ans. Avec le service client en pré carré et l'originalité commerciale en sus, le distributeur nordiste goûte...
...aujourd'hui à la reconnaissance de sa clientèle et de son constructeur.

Lille, Roubaix, Tourcoing. Le terrain de jeu du groupe Dugardin. Les pieds en France, un œil sur la Belgique, le distributeur garde la main sur ses clients. C'est sa marotte, sa monomanie. Chercher les nouveaux clients. Bien sûr. Pourquoi se priver de conquête ? Mais plus sûrement, satisfaire ceux qui le sont déjà. Un leitmotiv à la base de toute l'organisation du groupe. Un groupe qui ne voulait pas l'être, en quelque sorte. Chaque site est en effet indépendant, ou presque. Juridiquement en tous cas. Car, seules les marques premium sont regroupées en une seule entité. Il n'y a pas de holding dans l'organisation Dugardin. Même chose au niveau de l'opérationnel, puisque tous les sites gèrent leur propre stock VN et VO. La seule synergie concerne les pièces de rechange. Quoi de plus normal ?
Fidèle parmi les fidèles au groupe Ford et ses marques, le groupe bénéficie aujourd'hui des fruits de 40 ans d'un solide partenariat. Et qu'importe si Jaguar et Land-Rover ne sont plus aujourd'hui dans le giron du constructeur américain. L'opérateur garde sa façon de faire. 

En 1969, Robert Dugardin fonde son premier garage. En 1971, il devient agent Ford. Puis en 1984, ses volumes étant équivalents à ceux d'un concessionnaire, Ford lui propose de devenir distributeur agréé. Les affaires prospèrent. Et en 1992, le concessionnaire Dugardin devient un groupe avec l'ouverture d'un site à Villeneuve d'Ascq. Suivront Roubaix en 1994, Fâches-Thumesnil en 1995, la prise de panneau Jaguar en 2000, la construction d'un nouveau site à Roncq en 2001, puis l'entrée dans les réseaux Volvo et Land-Rover la même année, puis Mazda en 2005. Depuis le départ en retraite de Robert Dugardin, une nouvelle génération est aux commandes de l'entreprise familiale. Philippe et Catherine Dugardin ont, en effet, pris la succession opérationnelle. En théorie, car Robert Dugardin continue de "visiter" les différents sites. D'ailleurs, rien, dans la philosophie du groupe n'a changé. Le garage Dugardin des débuts a préservé son identité et sa vision du métier. Celle d'un partenariat durable avec les marques qu'il représente et d'une quête permanente de la satisfaction client.

Ma petite entreprise…

Très impliqué dans la vie sportive et associative locale, le groupe Dugardin est pourtant de ces distributeurs qui préfèrent vivre cachés. Discret, l'opérateur avance. Petit à petit. Travaille à cultiver "une certaine honnêteté et une qualité de service". Parce que la relation clients est au centre de ses préoccupations, parce que capitaliser sur un patronyme reconnu est un travail de chaque jour et que satisfaire ces ambitions locales sont déjà largement chronophages. "Il faut être à la hauteur de la promesse", répète Catherine Dugardin. Une humilité qui est également la résultante d'une période de vache maigre finalement pas si lointaine, pour le distributeur, comme pour les marques qu'il représente. Ford notamment. "Nous revenons de l'enfer. Nous avons connu la crise il y a quatre ou cinq ans, lorsque tout le monde allait bien. La chance de Ford est précisément d'avoir dû faire un plan de restructuration industriel à cette époque. Cela nous a sans doute sauvés. Aujourd'hui, l'outil est bien calibré. La gamme correctement remaniée", raconte Philippe Dugardin. Fort heureusement d'ailleurs. Car durant quelques années, Philippe et Catherine Dugardin reconnaissent s'être grandement interrogés sur le plan produit du constructeur. "Ils avaient décidé de monter en gamme et en image, mais ils se sont pris les pieds dans le tapis en faisant l'impasse sur la Fiesta. A partir du moment où on a remis de l'argent sur les voitures, c'est revenu. Sur 18 mois, tout a été revu. Mondeo, S-Max, Kuga, Ka, Fiesta… Un relooking complet, plus jeune et plus marqué stylistiquement. Cela nous a été bénéfique", poursuit-il. A Lys-lez-Lannoy, comme à Villeneuve d'Ascq, Roubaix, Fâches-Thumesnil ou à Roncq, le distributeur avoue même goûter à un succès qui dépasse ses espérances. Celui de la nouvelle Ka. "Le phénomène est exceptionnel. C'est même impressionnant. C'est la seule voiture qui a démarré sur des chapeaux de roues et qui a poursuivi ensuite sur ce rythme. Je n'avais jamais vu ça. Nous n'en avons d'ailleurs pas assez. Nous aimerions en avoir davantage", précise-t-il. Et pour cause, en début d'année, le groupe Dugardin avait fait parler de lui en proposant, pour l'achat d'un Volvo XC90, d'un XC70 ou d'un Land-Rover Freelander neuf et 1 euro de plus, une Ford Ka neuve. Une opération qui a permis au distributeur de conclure une trentaine de ventes, dont douze groupées. Aujourd'hui, la Ford Ka affiche un délai de livraison de six mois ! La petite entreprise Dugardin, ne connaît donc pas la crise. Ou presque. Parce que son pré carré lui coûte cher.

Le service, coûte que coûte

"Nous donnons de plus en plus et eux de moins en moins. Il y a un vrai transfert de charges. Nous sommes bien obligés de compenser ce que le constructeur ne veut plus prendre à sa charge car nous ne pouvons pas laisser tomber nos clients. Au bout, le client juge la relation qu'il a avec nous, pas avec la marque", explique Philippe Dugardin, prenant l'exemple des véhicules de prêt. Pour préserver son niveau de service, le groupe investit. "Il y a les stratégies tournées vers le portefeuille. Celles des grands groupes, qui enregistrent pour beaucoup - 15 % sur leur chiffre d'affaires atelier. Puis il y a les politiques tournées vers le client. C'est notre façon de travailler. Même si cela nous coûte.

Aujourd'hui, même moins rentable, j'ai une activité après-vente. Mes ateliers tournent", détaille le distributeur. Sur ce site, de 38 employés, 21 personnes sont dédiées à l'après-vente. Quatre d'entre elles le sont d'ailleurs pour la seule réception et le secrétariat après-vente, avec une amplitude horaire importante, de 7 h à 20 h. Sur ce seul site de Lys-lez-Lannoy, le groupe Dugardin enregistre une vingtaine d'entrées atelier par jour.

Dans le réseau Ford, le taux de couverture service est de 58,4 %. A Lys-lez-Lannoy, le garage Dugardin est à 60 %. "Ce n'est pas satisfaisant", fulmine tout de même Philippe Dugardin. "Pour moi, c'est à cause de la stratégie du constructeur. La politique après-vente de Ford ne rémunère pas le travail. Nous avons une stratégie européenne qui consiste à avoir un coût de détention le plus faible possible. Il faut savoir qu'à ce niveau, Ford est au niveau de Toyota et assurément moins cher que les constructeurs français. Le problème, c'est que ça ne permet pas au réseau de vivre", explique Philippe Dugardin. Pire. Chaque année, le groupe perd deux à trois points sur son taux de couverture des frais fixes par l'après-vente. "Nous avons analysé les temps barémés de nos concurrents et les avons comparés aux nôtres. C'est là le problème, car pour ce qui est des pièces de rechange, nous sommes plutôt bien lotis. Leur discours est d'aller conquérir les véhicules les plus anciens car le parc vieillit. Ils ont même mis en place une gamme de produits et d'opérations spécifiques. Mais le compte n'y est pas. Même sur ce site, où nous sommes très performants à l'atelier. Résultat, depuis près de trois ans, la rentabilité de notre activité après-vente se casse la figure", poursuit-il.
 

"20 ans sans voir personne"

L'après-vente et les services qui en découlent tiennent résolument au cœur du distributeur. Tout comme l'environnement d'ailleurs. Sujet sur lequel, ce dernier aimerait voir plus d'évolution. "En concession, voilà plus de cinq ans que nous nous battons pour le tri des déchets. Mais en face, on ne voit pas véritablement de perspectives industrielles qui vont dans ce sens. Pour moi, les constructeurs ne vont pas assez loin au niveau environnemental", confirme-t-il. Dans le groupe, on a essayé d'être proactifs dans le domaine. Allant même un peu plus loin que le "simple" programme de tri proposé par le constructeur, depuis janvier 1999, ou le "Foreli Environnement", mis sur pied par le groupement des concessionnaires Ford (Forami), en juillet 2006. Récemment, Philippe et Catherine Dugardin ont en effet réalisé une série d'audits internes afin de voir de quelle manière chaque collaborateur pouvait améliorer ses pratiques environnementales et chacune de ses actions. Le témoin de la propension du groupe à ne pas attendre qu'on le sollicite, le guide ou l'oblige à faire quoi que ce soit. Philippe et Catherine Dugardin travaillent simplement leurs marques et tiennent à le faire bien, mais aussi à leur manière.

Pour autant, le distributeur est loin d'être un frondeur. Il nourrit même de bonnes relations avec la direction commerciale française de Ford, dont il apprécie notamment la proximité avec ses distributeurs et sa capacité d'écoute. "Nous avons été 20 ans sans voir personne et aujourd'hui, nous voyons régulièrement Jean-Luc Gérard dans nos affaires", témoigne Catherine Dugardin. "Commercialement parlant, nous n'avons pas à nous plaindre. Au niveau des marges notamment. Nous vendons des petites voitures, mais avec des marges correctes. C'est ce qui nous différencie d'autres constructeurs. Quand nous vendons une Ka ou une Fiesta, la marge est de l'ordre de quelques centaines d'euros, voire du millier", confie Philippe Dugardin. Plus agréable donc, même si la politique après-vente du constructeur ne sied pas à l'investisseur. C'est précisément ce type de relations qui symbolise la manière dont fonctionne le groupe. Indépendant, mais adepte d'un réel partenariat avec les constructeurs, quels qu'ils soient. Avec Ford, comme avec d'autres. "Nous saisirons les opportunités, si elles se présentent. Mais nous ne prendrons une marque que si nous sommes certains, à terme, d'avoir la représentation sur la région lilloise", précise Philippe Dugardin, en forme d'ouverture.

FOCUS

Le groupe Dugardin en Bref

• Date de création : 1969
• Actionnaires principaux : Famille Dugardin
• Nom des dirigeants : Catherine et Philippe Dugardin
• Marques représentées : Ford, Mazda, Volvo, Jaguar, Land-Rover
• Zones d'implantations : 59
• Nombre de sites : 6
• Volume de vente VN : 2 554
• Volume de vente VO : 2 000
• Chiffre d'affaires 2008 : 84 millions d'euros
• Effectif : 379

Photo : L'an dernier, le groupe Dugardin a réalisé un chiffre d'affaires de 84 millions d'euros, dont 9 millions d'euros pour ce seul site de Lys-lez-Lannoy, et vendu 2 254 VN et 2 000 VO.

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