Concessionnaire sans l’être

...Loïc Hallier, alors agent Renault à Chambray-les-Tours, au sud de la ville de Tours, décide de reprendre la concession Kia, ouverte en 1999, et située au Nord de la ville. La marque lui semble en effet prometteuse, et présente l'avantage de demander des standards tout à fait raisonnables pour son budget et son projet d'entreprise. Elle lui accorde donc sans problème l'exploitation de la marque. Les banques font confiance à l'entrepreneur, il se lance. Tout se passe plutôt bien, surtout qu'il dispose des vendeurs et des mécaniciens hérités de son prédécesseur. La clientèle se forge peu à peu, à l'image de la marque coréenne sur le territoire. La concession atteint une centaine de VN sur l'exercice 2004-2005. Mais voilà, la marque veut accélérer son développement. "Ils ont pris la grosse tête", analyse Loïc Hallier. Dès lors, rien ne va plus dans l'entreprise Tim Auto. Sa surface d'exposition, d'environ 200 m2 n'est plus suffisante, pour Kia. Le coréen demande maintenant 250 m2. Il propose alors un arrangement conforme à ses possibilités d'investissement et à la place dont il dispose, soit un agrandissement de sa salle d'exposition de 30 m2. On lui répond gentiment que 30, ce n'est pas 50 et qu'il faudra faire mieux. Certes, la concession Tim Auto n'est peut-être pas un modèle moderne de la distribution automobile, mais elle ne méritait probablement pas ce qui va suivre. Un beau jour, en octobre 2006, alors que notre concessionnaire est en passe de réserver un stand dans le Salon automobile local, il apprend, par l'organisation, qu'un autre distributeur a également acheté un espace beaucoup plus grand. En fait, il s'agit d'un distributeur Mitsubishi, situé à quelques kilomètres de Tim Auto, qui communique sur la marque Kia. Loïc Hallier avait déjà signalé à Kia Motors France que ce revendeur utilisait des banderoles Kia sur la devanture de sa concession. Une missive qui avait donné lieu à des recommandés de la marque, sommant le distributeur indélicat de stopper cette pratique, et de n'utiliser la signalétique que pour son affaire Kia de Blois, officielle, celle-là.

Un peu plus tard, Tim Auto commence à recevoir des courriers selon lesquels il ne remplit pas les nouveaux objectifs fixés en termes de ventes de VN (200 à 240 VN par an), qu'il ne satisfait plus aux nouveaux standards de la marque… Enfin, il est informé, en novembre 2006, qu'un distributeur local s'est porté candidat à l'établissement d'une concession Kia. Et, sans plus de détail, il voit débuter le chantier, presque sous ses fenêtres, à moins d'un kilomètre de distance ! C'est le début du cauchemar. Kia Motors France a autorisé le distributeur Mitsubishi cité plus haut à installer sa concession, agrémentée cette fois du panneau officiel Kia, sur la même zone de chalandise que Tim Auto. Le nouveau règlement le permet… Puis tout s'enchaîne. Le chef d'atelier file à la concurrence, le mécanicien le suit, mais surtout le responsable commercial, qui a effectué l'ensemble des formations demandées par Kia. Il emmène, pour sa part, les affaires en cours, ainsi que le fichier clients, selon Loïc Hallier. Ecœuré, ce dernier confesse : "Dès lors qu'il est parti, mes clients ont commencé à recevoir des lettres venant de "Sud Loire Automobile" (NDLR : le nouveau concessionnaire), expliquant qu'il est le nouveau distributeur Kia pour l'Indre et Loire. Pas très clean. Bien sûr, on pourrait croire que c'est Kia Motors France qui a renseigné la concession sur les clients de la marque dans cette zone. Ce serait maladroit, mais légal. Mais une cliente et amie à moi, qui ne roule pas du tout en Kia, a reçu plusieurs de ces courriers. Il a bien fallu que quelqu'un communique son adresse !"

La panique

Dès les premiers mois suivant l'ouverture de son concurrent, Loïc Hallier perd 70 % de son chiffre d'affaires. Intenable. Les banques se font plus pressantes, il perd son encours fournisseur chez Kia et doit maintenant payer comptant ses véhicules. Il se promène même un temps avec un dossier de dépôt de bilan dans sa mallette. Pendant ce temps, Sud Loire Automobiles bénéficie d'un portage financier gratuit à 60 jours de la part de Kia, pour présenter toujours plus de véhicules en exposition. La situation est décrite comme un "coulage organisé" par Loïc Hallier, qui cherche alors un arrangement avec Kia Motors France pour se séparer en douceur. Après d'âpres discussions, Kia accepte de racheter les véhicules de Tim Auto en juillet 2007, lui permettant de retrouver une situation financière un peu plus saine.

Situation ubuesque

Ainsi, aujourd'hui, Tim Auto continue son activité, tant bien que mal. Imaginez une concession Kia, mais qui arbore l'enseigne Fiat, puisque le concessionnaire local de la marque italienne a fait confiance à Loïc Hallier pendant les heures noires au début de l'année 2007… Du coup, Loïc Hallier, qui a retrouvé des mécaniciens de qualité et embauché un vendeur en formation au GNFA, commercialise des Kia sur catalogue ! "La dernière fois que j'ai voulu faire essayer un Sorento, j'ai demandé à un client de me prêter le sien !", se désole-t-il.

Dans le hall commercial en effet, seules les publicités Kia subsistent, mais ce sont bel et bien des Fiat neuves qui trônent fièrement ! Et la situation devrait durer jusqu'au début 2009, date de la fin du préavis du contrat de Tim Auto.

Un immense gâchis. Pourquoi laisser pourrir ainsi la situation ? Surtout qu'avec deux revendeurs sur la même zone, les clients sont déboussolés, recevant des mailings de part et d'autre… Et Loïc Hallier n'a même jamais rencontré, ni reçu le moindre message de son concurrent, pour tenter de trouver un arrangement amiable, intéressant pour les deux parties. Car Tim Auto, installé depuis plus longtemps, continue de réaliser de gros volumes en PR, en raison d'un parc roulant plus important… Quant à ses relations avec Kia Motors France, compte tenu des mouvements actuels à la tête de la structure, elles sont complexes, quand elles existent…