Auvendis a foi en Dacia
Avec 2 850 véhicules neufs immatriculés l’an dernier pour le compte du constructeur roumain, le groupe Bodemer est l’un des plus importants distributeurs Dacia de France. Le fruit d’une confiance désormais ancienne. Un exemple : celui des concessions bretonnes du groupe.
Lorsque Claude Bodemer et Alain Daher se sont emparés, le 1er janvier 2008, des affaires du groupe Arderieux, Benoît Briard, directeur général d’Auvendis, la plaque constituée par les sites du Sud Morbihan (Vannes et Auray), n’a pas hésité un instant. Six mois après l’acquisition desdits sites, Dacia faisait son apparition dans des showrooms exclusivement dédiés. Pourtant, il y a trois ans, les sceptiques étaient nombreux. “Même dans nos rangs”, confie Benoît Briard. Qu’importe, l’opérateur voit en la marque une possibilité de réaffirmer les positions de ses affaires Renault sur un plan local. Pari gagné. “J’ai augmenté les volumes Renault et ajouté ceux de Dacia. Il n’y a jamais eu de conflit entre les deux marques, contrairement aux craintes et aux doutes affichés par certains”, se félicite Benoît Briard. En 2010, Auvendis a immatriculé 2 500 VN, dont 530 Dacia (350 pour le seul site de Saint-Avé). Soit une croissance de 32,5 % par rapport à 2009. Une évolution moitié moins importante que celle de la marque au niveau national
(+ 70,9 %) qui s’explique par le très bon démarrage de Dacia dans les affaires Auvendis. Sa croissance y a, en effet, été linéaire. D’ailleurs, à Vannes, Dacia affiche 5 % de pénétration, contre 4,7 % sur le marché français. Mieux encore, à Auray, la marque représente 8,5 % du marché. “Soit presque autant que Citroën”, précise Benoît Briard. Une performance difficile à expliquer, même pour le distributeur. Le groupe peut compter sur un vendeur “extrêmement performant”, certes. Mais ça ne fait pas tout. Car à Auray, justement, on est loin d’une zone défavorisée. Le pouvoir d’achat y est élevé. Juste à côté, à Carnac où à La Trinité-sur-Mer, le marché immobilier est même l’un des plus chers de Bretagne. Alors, même convaincu par la marque, ses produits et son placement opportun, l’opérateur n’a de cesse d’être étonné par l’attrait des consommateurs pour Dacia et par la diversité de sa clientèle.
Un mix accessoires plus élevé que chez Renault
“Quand on achète Dacia, plus qu’un statut, on affiche sa philosophie, son rapport à l’automobile. C’est-à-dire une relation rationnelle, presque dépassionnée”, analyse Benoît Briard. “C’est sans doute ce qui explique que nous ayons des clients dans toutes les catégories socio-professionnelles. Du patron à l’ouvrier”, précise-t-il. Une variété qui explique aussi un petit paradoxe. Avec Dacia, Auvendis affiche, en effet, un mix accessoires beaucoup plus élevé que chez Renault. Ce qui réduit mécaniquement le delta entre le prix d’achat médian des deux marques. Dans les sites morbihannais du groupe Bodemer, le panier moyen dans la marque roumaine s’établissait l’an dernier à 9 500 euros, contre 11 000 euros chez Renault.
Sur le terrain, le distributeur a loisir d’infirmer ou de confirmer l’argumentaire marketing élaboré au siège. Le pouvoir d’achat apparaît ainsi central, mais selon l’opérateur, il n’est pas l’unique raison qui explique “un phénomène qui le dépasse”.
“C’est un agrégat de petites causes. Par exemple, les gens nous confient souvent en avoir assez de l’électronique. Ils n’en veulent plus et cherchent avant tout la fiabilité et la robustesse. Il y a aussi un petit côté développement durable, lié au fait de consommer de manière moins superficielle”, détaille l’opérateur. Une simplicité d’utilisation et un coût de détention qui ne séduisent pas que la clientèle des particuliers. Car, si les entreprises ne représentent que 10 % des ventes du site vannetais, Dacia rencontre l’estime des institutions. Le site de Saint-Avé vient par exemple de remporter le marché des pompiers. C’est ainsi une vingtaine de Duster qui a récemment été livrée. “Preuve que Dacia et Renault sont complémentaires, car je n’avais rien d’équivalent à proposer dans la gamme Renault”, argue le directeur. Ainsi, certaines municipalités commencent à venir vers le distributeur. La mairie du Palais, à Belle-Ile-en-Mer, vient elle aussi de se faire livrer quatre véhicules.
L’activité VN représente 90 % du chiffre d’affaires
Dacia est résolument à la marge. Son ascension fulgurante du marché français en atteste. Le fruit d’un positionnement marketing unique, d’un prix, d’une gamme, d’une réponse à besoin… Qu’importe. Les raisons sont sans doute aussi simples que multiples. Pour autant, le constructeur roumain cultive sa différence jusque dans les showrooms. En termes opérationnels, les investisseurs l’observent tous les jours.
Au sujet des marges d’abord. Le niveau de marge VN, hors aides, est situé en moyenne entre 300 et 400 euros. C’est plus faible qu’à la concurrence, mais beaucoup plus que ce que certains laissent entendre.
Au niveau du VO, ensuite. “Nous ne faisons quasiment pas de reprise. Beaucoup moins que chez Renault en tout cas !”, confirme Benoît Briard. Chez Dacia, seuls 10 % des achats de véhicules neufs ont été accompagnés d’une reprise l’an dernier. “C’est trop peu pour développer une activité véhicule d’occasion. Mais je suis confiant. C’est quelque chose qui va se développer à moyen terme”, prévoit Benoît Briard. A moyen terme, justement, ce n’est pas le seul domaine dans lequel les choses devraient se décanter. Car, pour l’heure, l’après-vente est logée à la même enseigne. “Aujourd’hui, nous ne gagnons rien sur cette activité car nous sommes en train de créer le parc. Une fois constitué, celui-ci nous permettra de faire tourner nos ateliers et de vendre de la pièce. La donne sera alors différente”, prévient le responsable. “D’ailleurs, nous y arrivons tout doucement. Nous atteindrons bientôt un parc de 1 000 véhicules roulants”, ajoute-t-il. En l’attente, 90 % du chiffre d’affaires de la concession Dacia vient de la seule activité VN. Les 10 % restants étant apportés principalement par la vente d’accessoires et de services. Notons qu’à ce niveau, les performances de l’affaire sont honorables. A Saint-Avé et Auray, Dacia enregistre en effet 35 % de pénétration financement.
Avec une telle dépendance au commerce VN, l’exploitation de Dacia en est d’autant plus périlleuse. “Il est difficile de rentabiliser une structure Dacia quand on ne fait pas de volume. Il est plus facile d’amortir en faisant 500 VN qu’en en faisant une centaine. S’il n’y avait pas Renault, nous serions sans doute à peine à l’équilibre”, consent Benoît Briard. La profitabilité de la plaque a atteint 1 % du chiffre d’affaires en 2010.
Des risques ? Quels risques ?
Très bientôt, cette problématique pourrait bien être renforcée. Car jusqu’à présent, chaque concessionnaire Dacia bénéficiait d’une aide du constructeur de 100 euros par véhicule pour les showrooms dédiés, de 200 euros par véhicule pour les opérateurs disposant d’un hall exclusif. Cette aide, mise en place pour faciliter le concours des investisseurs au développement de la marque, disparaîtra le 31 décembre prochain. Rapporté au nombre de véhicules vendus, le manque à gagner s’élève à 106 000 euros pour Auvendis, et même entre 338 000 et 570 000 euros pour le groupe Bodemer. Mais cela n’effraie pas le distributeur. “L’augmentation des volumes compensera naturellement la disparition de cette aide”, assure-t-il. “Comme dans toute entreprise, il y a un point mort à ne pas dépasser. Ici, nous sommes condamnés à augmenter nos volumes pour pérenniser la marque. Et je suis confiant”, persiste Benoît Briard. D’ailleurs, les agents de marque pourraient bien apporter leur concours à ce niveau. Peu à peu, tous accrochent le panneau Dacia Services, et vendent des véhicules. En 2010, le réseau de 27 agents liés à Auvendis a ainsi représenté 15 à 20 % des ventes de Dacia sur la zone. Cela pourrait augmenter. Peut-être pas suffisamment pour permettre au distributeur d’exploiter rentablement la marque. Mais, Benoît Briard demeure optimiste. Il a d’ailleurs identifié d’autres leviers qui l’y aideront. Les ventes aux entreprises bien sûr, mais aussi un renforcement de la visibilité. “Nous devons faire comme Suzuki ou Kia le faisaient il y a une dizaine d’années. Faire du promotionnel dans les grandes surfaces”, propose-t-il. D’ailleurs, pour accompagner ses deux vendeurs magasin, Auvendis a récemment déployé un commercial itinérant.
Deuxième danger qui guette les opérateurs Dacia, la mise au ban du GPL par le gouvernement, via la disparition du super bonus de 2 000 euros. Pour Auvendis, le GPL a l’an dernier représenté une vente de Sandero sur deux. Mais là encore, “ce n’est pas une vraie inquiétude. Nous allons rebasculer sur les motorisations essence”, promet Benoît Briard, décidément confiant. Le dirigeant sait combien les mois qui viennent seront décisifs pour bien appréhender le cap de 2012. Car si, commercialement parlant, Dacia est déjà un succès, reste à en faire une marque rentable pour le réseau. Sur sa zone, Benoît Briard vise ainsi la barre des 700 Dacia par an. Une vision qui devrait lui faire recruter un 4e vendeur pour la marque et qui ne l’effraie pas. Notamment parce que la gamme va continuer à s’étoffer sans risque de cannibalisation. Bientôt, un monospace arrivera dans les showrooms. “Un nouvel atout”, avant l’arrivée très probable d’un coupé l’an prochain. A ce moment précis, les ateliers Dacia pourront commencer à tourner et apporter leur pierre à l’édifice en construction. Un drôle de challenge sur lequel il ne faudra pas se tromper, tant la concurrence des centres autos demeure véritable sur le plan tarifaire. “Nous sommes certains que nos clients ne veulent pas la même chose que chez Renault. Ce sera sans doute un beau casse-tête, car le client voudra pour autant une certaine qualité de service”, prévient Benoît Briard. “Il faudra continuer à faire ce que Dacia sait faire. Offrir de bonnes prestations à un bon prix”. En somme : garder l’esprit de la marque pour la pérenniser. Dacia ne serait-elle pas finalement une marque comme les autres ?
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FOCUS - Le groupe Bodemer
• Date de création : 1926
• Actionnaire principal : Claude Bodemer
• Dirigeant principal : Alain Daher, président du directoire
• Marques représentées : Renault, Dacia, Nissan
• Implantations : 14, 22, 50, 56, 61
• Nombre de sites : 18
• Volume VN : 14 000
• Volume VO : 7 300
• CA : 330 M€
• Effectif : 1 000
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ZOOM - Un projet électrique
Important distributeur Renault, le groupe Bodemer nourrit actuellement un projet bien singulier pour accompagner le constructeur dans son orientation vers les véhicules électriques. A Auray, le distributeur est en effet en train de réhabiliter une surface dont il dispose afin de créer un showroom Renault exclusivement dédié aux véhicules électriques. Les administrations environnantes et les entreprises prêteraient une oreille très attentive au développement de ces véhicules. En témoigne par exemple la pré-commande de 10 Twizy à Belle-Ile-en-Mer. C’est ce qui a décidé le groupe à investir. Celui-ci espère ouvrir les portes de sa structure en septembre prochain, pour le lancement du Kangoo ZE, puis de la Fluence.
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