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Distribution

Approvisionnements : la fin de la disette ?

Publié le 24 septembre 2010

Par Benoît Landré
12 min de lecture
Les approvisionnements. Les professionnels n'ont que ce mot à la bouche car la situation s'est tendue en 2010. Désormais, il faut se battre, être rigoureux, rivaliser d'intuition et d'organisation pour trouver...
...les bons produits au bon prix. Les professionnels livrent leur analyse sur une situation devenue complexe.

Depuis plusieurs mois, un important groupe de distribution multiplie les annonces publicitaires avec pour message : "Nous recherchons des véhicules disponibles de moins d'un an, disponibles en stock. Achat comptant". Ce message, paru dans le JTA, support plutôt destiné à communiquer sur son offre de VO, traduit les difficultés que les professionnels rencontrent depuis ce début d'année à trouver les bons produits. Plus que jamais, les approvisionnements sont le nerf de la guerre sur le marché de l'occasion. Principale préoccupation, les professionnels n'ont que ce mot à la bouche depuis ce début d'année. Car comme dit l'adage : "Bien vendre, c'est déjà bien acheter". Et bien acheter, en 2010, ne semble pas si évident. Pourtant, après un exercice 2009 particulier, les professionnels s'étaient préparés à rencontrer quelques complications en 2010. C'était inévitable, mathématique. Les véhicules sont plus difficiles à trouver car ils sont moins nombreux à transiter sur le marché. Conséquence de l'extension des contrats des voitures des sociétés de leasing, conséquence de la politique de déstockage qui a animé tous les parcs automobiles, de la politique de flux tendu qui caractérise la distribution depuis des mois ou encore de la baisse des cadences de production de voitures neuves qui impactent le marché du VO récent. "Le marché du VO est directement lié au marché du neuf puisque les délais en voitures neuves sont très longs et atteignent régulièrement entre 3 et 6 mois sur les produits qui marchent bien. Cela impacte alors la rotation du VO", relève également Alain De Wagter, qui vient de lancer sa nouvelle société Sourcing Automobile (voir encadré).

Les constructeurs français réduisent la voilure

Après un 1er quadrimestre délicat, les professionnels se sont ensuite organisés en conséquence, testant de nouveaux canaux, de nouveaux marchés, des modèles différents, ajustant leurs prix, leurs marges… "Les craintes ne portaient pas tant sur les volumes mais plutôt sur des catégories de produits. Nous rentrons toujours autant de voitures aujourd'hui mais il manque aujourd'hui ces produits dits "standards" qui ont bien vieilli et qui sont bien placés. Nous trouvons par contre beaucoup de voitures sur-kilométrées par rapport à leur date de mise en route que les loueurs ont poussées très loin et dont les particuliers ne sont pas trop acheteurs", constate Xavier Morvan, dirigeant de Saint Herblain Automobiles. Les constructeurs français ont notamment resserré les boulons. Certains modèles qui alimentaient de coutume allégrement le marché de l'occasion ne sont plus aussi nombreux et faciles à trouver. "Il ne manque pas de tout. Nous avons des stocks convenables de voitures d'occasion de moins d'un an qui correspondent à la demande du marché. Le segment qui a chuté est celui des VO de 1 à 2 ans. Chez Renault, l'explication réside dans le fait que nous avons beaucoup insisté auprès du réseau pour qu'il reprenne en priorité les voitures destinées à la casse. Cela s'en ressent alors dans le stock du réseau qui a baissé de 10 000 unités par rapport à 2009 qui était déjà une année d'assainissement. Renault n'avait pas atteint un stock aussi faible depuis 15 ans", informe Christophe Durant, directeur du service véhicules d'occasion de Renault. Le stock occasion de la marque qui affichait 60 000 unités à fin juillet est descendu à 56 000 véhicules à fin août. "L'idéal serait de stabiliser nos stocks entre 61 000 et 65 000 unités avec 45 jours de couverture de stock. Nous devons nous remettre dans une dynamique de conquête de reprises tout en conservant notre bonne rotation", ajoute Christophe Durant. Conséquence de cette politique, certaines marques, historiquement moins exposées sur le marché de l'occasion, ont alors trouvé grâce aux yeux de certains professionnels. "Nous avons dû élargir le spectre des marques et travailler des modèles plus exotiques qui sortent du "cadre". Et une fois que nous avons ces voitures sur le parc, on se rend compte que ça marche. Encore faut-il avoir le courage de les acheter. Ensuite, cela implique aussi un travail "d'éducation" de sa clientèle qui doit prendre confiance dans le produit. Et cela prend du temps", concède Xavier Morvan.

Les achats aux constructeurs : le bon plan ?

Autre conséquence logique de la loi des marchés, moins un produit est abondant, plus sa valeur risque de monter. L'an passé, la logique de déstockage prévalait, les prix des VN défiaient toute concurrence et les vendeurs de VO n'avaient pas d'autres choix que d'ajuster leurs prix. Aujourd'hui, le contexte est différent. "Les fournisseurs désirent garder une certaine maîtrise sur leur véhicule, savoir à qui ils le proposent, où il va. Et cette notion de maîtrise, associée à la rareté de certains produits, a pris du poids chez certains constructeurs ces derniers mois et a un impact sur le prix du véhicule. Particulièrement chez Peugeot et Citroën dont le prix des VO ne cesse d'augmenter depuis ce début d'année. Des voitures d'un an d'âge affichent parfois, aujourd'hui, 1 500 euros de plus que l'an passé à la même période", constate Alain De Wagter. Si les achats chez les constructeurs sont revenus en grâce ces derniers mois en raison de la fiabilité des produits, du sérieux des interlocuteurs et de leur rentabilité à la revente, beaucoup de marchands stigmatisent actuellement des prix trop élevés dans un contexte encore fragile. "Le problème est que beaucoup de professionnels voudraient acheter des voitures vendues d'avance et que leurs clients veulent. Techniquement, c'est impossible", répond Xavier Morvan avant de rappeler que "2009 était une année hors norme, caractérisée par une offre de voitures pléthorique et des prix qui ne correspondaient plus aux tarifs du marché. Logiquement, en 2010, les tendances sont très différentes, les prix ont certes remonté mais restent cohérents par rapport à 2008".

Du côté des constructeurs, un arbitrage s'impose à la revente des VO : comment maintenir les valeurs résiduelles tout en respectant un tarif attractif générateur de marges pour le réseau ? "Je ne crois pas que les VO constructeurs soient devenus trop chers. Le constructeur ne prend pas le risque de revendre à son réseau des voitures qui ne sont pas génératrices de marges. Et si aucun opérateur ne joue le jeu de l'offre du constructeur, celui-ci reverra son offre. Cela reste un métier de grand garçon, avec d'un côté une offre et une demande, et il n'y a aucun contrat qui oblige les distributeurs à acheter les voitures chez leur constructeur", confiait en juin dernier Xavier Diry, directeur France d'AutoContact. Des propos confirmés par Christophe Durant : "Il y a en face une pression commerciale très forte sur la vente de VN. Dans ce contexte, les prix des VO sont stables. Nous avons, certes, assisté à une légère reprise des prix mais il n'y a pas eu d'envolée. D'ailleurs, les résultats d'exploitation de nos distributeurs sont bien meilleurs."

Les marges : une bataille stratégique

Dans ce contexte, les professionnels ne doivent surtout pas se manquer sur leurs achats. Les reprises approximatives pour faire plaisir aux clients ne sont, par exemple, plus trop à la mode en concessions. Les marges qui se sont déjà considérablement érodées en 2009 peinent à remonter la pente en 2010. Le commerce de véhicules d'occasion reste, certes, encore plus rémunérateur que la vente de VN, mais il implique plus jamais rigueur et méthode pour assurer des marges intéressantes à la revente. "Les marges ont baissé et si les frais de remises en état sont importants, on explose. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi de prendre des voitures plus récentes avec moins de frais de remises en état", indique Xavier Morvan. Ce souci de rigueur allant même jusqu'à conduire à la frilosité certains petits marchands. "Nous assistons également à une profonde évolution de la profession avec des professionnels qui ne veulent plus stocker et prendre des risques. Ils s'en remettent au site Internet, aux photos et au descriptif pour vendre des voitures virtuellement", ajoute le dirigeant de Saint Herblain Automobile. En plus de mieux résister, les professionnels qui s'appuient sur une grosse trésorerie, offrant la capacité de réaliser des achats en lots, parviennent à consolider leur position dans cette période de crise.

Cinq pays tirent le marché du VO

Si chaque professionnel a ses petites marottes, les achats reposent sur des bases assez prosaïques : sérieux, expérience, réactivité, prise de risque et surtout le réseau. Pour les professionnels français, le réseau dépasse souvent les frontières car le marché de l'occasion est un terrain de jeu européen sur lequel la France intervient avec beaucoup d'autorité. Intervenant même parfois comme régulateur. "C'est un métier qui est fait de coups et d'opportunités à l'échelle européenne", résume Alain de Wagter. "Chaque pays ayant ses problématiques, il faut tourner sans cesse. Mais aucun pays ne sort véritablement du cadre à ce jour, cela peut-être l'Autriche, l'Allemagne ou l'Espagne", soulève pour sa part Xavier Morvan. S'ils ne font pas encore l'unanimité, du fait de la barrière de la langue et des doutes qui entourent certains marchands, les Pays de l'Est regorgent également d'apporteurs d'affaires potentiels. Pour Bérislav Kovacevic, gérant de SolutionsVO, "80 % des VO en Europe sont générés par cinq pays : la France, l'Espagne et l'Italie, où les distributeurs peu amateurs de VO le revendent beaucoup à l'étranger, l'Allemagne qui fournit aussi beaucoup de voitures à la France, et enfin la Belgique. Et il n'est pas nécessaire d'aller plus loin".

Les loueurs injectent des vitamines sur le marché

Si les chiffres ne disent pas tout, depuis janvier le marché est sur une pente ascendante (+ 2,1 %). D'un point de vue statistique, le marché de l'occasion ne se porte donc pas si mal. En revanche, s'aventurer en cette rentrée dans des prédictions quant aux tendances qui dessineront le marché ces prochains mois relèverait presque de l'inconscience. Les professionnels naviguent à vue et le flou persiste. Ils n'en nourrissent pas moins de grosses attentes au niveau des retours de voitures d'occasion en provenance des loueurs longue durée. La prolongation de contrats ne pouvant être éternelle, les sociétés de leasing ont logiquement commencé à rouvrir le robinet. "Pour nous, c'est effectif depuis janvier même si le gros de nos reventes se fera en fin d'année, répond Jean-François Chanal, directeur d'ALD Automotive. Le loueur, qui a revendu 20 000 unités à fin juin, commercialise des voitures qui affichent en moyenne 42 mois et 105 000 km. "Nous revenons à notre croissance naturelle en termes de volume, mais les véhicules roulant moins aujourd'hui, nous devrions continuer dans cette dynamique de prolongation de contrats", ajoute Jean-François Chanal. Cette rentrée massive de voitures, associée à la fin des primes de l'Etat sur le VN, devrait aider le marché à se maintenir et à atteindre certaines estimations qui tablent sur une hausse de 5 à 6 % en 2010.

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Les particuliers, ces "chapardeurs" de VO

Aujourd'hui, 60 à 65 % des transactions de VO se font encore de particuliers à particuliers. C'est un des chiffres qui caractérise le plus le marché français de l'occasion. Cette proportion, très élevée au regard des autres pays européens, n'évolue guère depuis de nombreuses années. "Un exemple très clair : sur un million de véhicules Peugeot échangés en 2009, seulement 14 % des transactions ont été réalisées par les distributeurs de la marque", illustre Bérislav Kovacevic. Les volumes qui échappent aux professionnels sont colossaux. Pourtant les constructeurs et les distributeurs ne semblent pas s'offusquer outre mesure de cette proportion, considérant que les transactions entre particuliers concernent essentiellement les VO âgés et kilométrés. "Cette proportion de VO qui échappe au réseau ne me choque pas puisqu'il s'agit de voitures de plus de dix ans qui ne nous concernent pas directement. L'important est de réaliser de bonnes reprises et il y a un âge limite à ces bonnes reprises", confie Ferdinand Hoppenot, responsable VO de Fiat. En 2009, 3 257 993 voitures d'occasion immatriculées, soit 62 % du marché, affichaient plus de 5 ans. Au-delà du manque d'intérêt des professionnels, l'approche idéale pour capter les échanges entre particuliers reste difficile à déterminer. "La meilleure façon de pénétrer ce marché repose sur la proximité. Qu'il soit dans un environnement privé ou professionnel, un particulier a besoin d'avoir une offre concrète émanant d'un professionnel de l'automobile", juge Alain de Wagter. Cela implique aussi du temps, des outils… Comme celui que vient de lancer la société AramisAuto, baptisé "Reprise illico" (voir JA n° 1121), qui vise à reprendre les voitures d'occasion des particuliers sans contrepartie d'achat d'un véhicule derrière.

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Sourcingautomobile.be, la nouvelle aventure d'Alain De Wagter

Vingt ans après la création de la société Interlease, qu'il a quittée en avril dernier, Alain De Wagter n'est pas resté longtemps inactif puisqu'il opère depuis plusieurs semaines via sa société Sourcing Automobile. S'il conserve toujours son rôle d'intermédiaire dans les transactions entre les clients français et les fournisseurs européens, le dirigeant belge a troqué sa casquette de négociant pour revêtir celle de conseiller. "Je recherche, je négocie des voitures auprès des meilleurs fournisseurs au profit de clients qui sont essentiellement des distributeurs agréés et des indépendants. Mon concept ne repose sur aucune liste. Le client formule une demande, un besoin et j'actionne mon réseau de fournisseur. Beaucoup de gros faiseurs m'ont déjà contacté et me sollicitent sans savoir ce que je suis susceptible d'avoir ou de ne pas avoir", explique Alain de Wagter qui mise sur son expérience, son réseau et son relationnel pour bénéficier d'offres privilégiées de la part de vendeurs de 27 pays d'Europe (Constructeurs, importateurs, succursales, distributeurs…). Lors de la transaction, le dirigeant belge perçoit une commission "classique" auprès du fournisseur qui représente 1 % du prix du véhicule. Pour la première année pleine, Alain de Wagter envisage de commercialiser 1 000 unités.

Photo : Christophe Durand, directeur du service véhicules d'occasion de Renault.

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