S'abonner
Distribution

2010 : année de relance pour le VO ?

Publié le 12 février 2010

Par Benoît Landré
11 min de lecture
Le marché de l'occasion devrait se libérer petit à petit de la concurrence née de l'instauration de la prime à la casse et s'en trouver renforcé en 2010. Si la tendance positive des derniers mois de 2009 se confirme, il...
...pourrait être la bonne surprise de cette année 2010.

Le véhicule d'occasion n'a donc pas été à la fête en 2009 mais a néanmoins redressé la barre au second semestre. Les derniers mois de l'année sont, en effet, venus contraster les tendances observées au cours des premiers mois et les pronostics les plus pessimistes. Après une hausse de 10,5 % en novembre, le marché de l'occasion y est allé également de sa petite progression de 2,3 % en décembre. "Mais attention, ces chiffres sont comparés avec ceux de décembre 2008 qui enregistraient une très forte baisse (- 14,1 %). Le volume de 2007 (38 166 ventes) est loin d'être égalé", relativise la société Autoscout24. Au final, le marché a subi en 2009 une baisse de -2,8 % par rapport à 2008 avec 5 240 454 immatriculations. Il n'avait pas connu pareille déconvenue depuis 2000 (5 082 122 unités). Le bilan statistique global est donc négatif mais le tableau n'est pas si noir. A mi-parcours, l'an passé, on pouvait légitimement s'attendre au pire. D'une part, le marché de l'occasion ne pouvait tout simplement pas rivaliser face aux arguments imparables des distributeurs sur la vente de VN. Le segment des VO de moins d'un an a le plus souffert de cette comparaison, subissant une baisse de - 13,1 % par rapport à 2008. "Entre 2007 et 2009, le marché aura perdu près de 100 000 voitures, soit une baisse de - 20 %", souligne Autoscout24. D'autre part, le segment des VO de plus cinq ans qui a largement tiré le marché vers le haut ces dernières années a été tronqué d'une bonne partie de ses voitures qui ont été expédiées à la casse tout au long de l'année. "Il s'agit d'ailleurs d'un gâchis phénoménal puisque, d'après tous les professionnels, 20 % de ces voitures détruites auraient pu être revendues à marchands ou à particuliers, témoigne Bérislav Kovacevic, fondateur de la société de conseil SolutionsVO. Neuf vendeurs sur dix ont envoyé les véhicules à la casse sans même prendre la peine de les regarder et de se demander s'ils ne pouvaient réaliser une marge dessus". Résultat, avec 3 257 993 unités (62 % du marché VO), le segment des voitures de plus de cinq ans a accusé une baisse de 4,2 % en 2009. "Il manque près de 200 000 véhicules sur ce marché par rapport à 2007 (3 454 769 immatriculations)", analyse Autoscout24.

Des VN plus faciles à vendre

De fait, les distributeurs ont assisté, pour une grande majorité d'entre eux, à un transfert de commerce du VO récent au bénéfice du VN et n'ont vraisemblablement rien fait pour inverser la tendance. "Comme les distributeurs proposent des voitures neuves avec des promotions exceptionnelles, c'est plus simple pour le vendeur de commercialiser un VN avec une remise de 4 000 e plutôt que d'essayer de vendre un VO qui va se retrouver 1 000 à 1 500 e moins cher. La facilité est de vendre un VN", exposait Xavier Morvan en fin d'année dernière lors de la table ronde Saint Herblain Automobiles. Selon lui, la baisse de l'activité occasion est donc directement imputée aux politiques des constructeurs et de leur réseau "au contraire des professionnels indépendants qui, non seulement n'ont pas baissé, mais ont renforcé leur énergie sur cette activité", ajoute-t-il. Tout au long de l'année 2009, alors que les chiffres du marché global pointaient à la baisse, les commentaires de nombreux professionnels désavouaient cette tendance statistique et manifestaient un certain dynamisme. Sur le terrain, les contrariétés de certains ne reflétaient pas la tendance générale et de nombreux professionnels ne cachaient pas leur satisfaction en analysant leur activité. De l'aveu de Xavier Morvan, Saint Herblain Automobiles a certainement réussi l'un de ses meilleurs exercices en 2009.
D'ailleurs, si l'on y regarde de plus près, on constate que le segment des VO de 1 à 5 ans, baptisé "vrai VO" par les spécialistes, a plutôt bien résisté, avec une progression de 3,2 % en 2009, à 1 598 882 transactions. "Si nous n'avions pas mis l'accent sur l'activité occasion, nous aurions peut-être davantage de difficultés aujourd'hui à fonctionner et à dégager des marges", expliquait Dominique Richard, agent Renault à Pontchâteau (44), à l'occasion de cette même table ronde en novembre dernier.

Un VO plus générateur de marges que le VN

Si les courbes des ventes VN et VO ont subi des trajectoires opposées en 2009, il en va de même pour les marges, mais dans le sens inverse. Compte tenu du contexte, les distributeurs ont très vite arbitré en faveur des volumes sur la vente de VN pour percevoir la prime de fin d'année, mais ont dû aussi revoir parfois leurs ambitions à la baisse sur les marges. Celles-ci se sont avérées au contraire bien plus généreuses sur la vente de voitures d'occasion malgré une baisse générale des tarifs et des prix de marché parfois un peu hasardeux. Didier Sirgue, gérant de l'enseigne SN Diffusion (81), ne soulignait-il pas déjà dans nos colonnes, il y a un an, qu'il réalisait plus de marges sur le VO récent que sur le neuf. Cette tendance n'a fait que se confirmer tout au long de l'année 2009. "Depuis un an, nous "donnons" les petites voitures neuves. Nous réalisons entre 50 e et 100 e de commission alors que sur la vente d'un VO la marge moyenne est multipliée par dix", illustre Dominique Richard. Même son de cloche pour Jean-Michel Lavaud, distributeur Fiat à Saint Nicolas de Redon (44) : "Quand on est distributeur, il est vrai que les 1 000 e de prime nous ont bien aidés pour faire du volume, mais le seul moyen que j'ai eu pour rectifier le tir en début d'année, était le VO qualitatif avec une recherche de marges pour assurer la rentabilité. Le volume ne m'intéresse pas forcément, ce qui m'importe avant tout est la qualité."

L'achat détermine la marge à la revente

Ensuite, il n'y a pas de sciences exactes, les marges peuvent être tout aussi profitables sur des reprises, des achats chez le constructeur ou chez des marchands, dès lors qu'ils sont en quantité. Les tendances diffèrent selon la stratégie des distributeurs, de leur réseau et de leur historique. "Il n'y a pas de règles générales en termes de zones d'approvisionnement, il y a surtout des conjonctures de marché qui font qu'à un instant T nous nous approvisionnons dans tel ou tel pays", juge Pascal Beaufour qui co-dirige la société VOptimum. "Sur les ventes de VO, les marges générées sur des achats extérieurs sont, en moyenne, entre 25 et 40 % plus importantes que sur les reprises", constate Philippe Assié, responsable de l'enseigne occasion M. Auto à Albi (81) appartenant au groupe Maurel. "En principe, elles sont plus intéressantes sur les reprises. Ensuite, cela dépend des fournisseurs. Ces dernières années, les marges se sont révélées décevantes lorsque nous nous approvisionnions à l'étranger, juge pour sa part Fabrice Collovizza, qui dirige le site Neubauer Distributeur Occasion. Nous avons désormais une politique d'achats assez intense chez le constructeur. Pour nous, ils sont bénéfiques car nous avons la chance de nous appuyer sur la force du groupe Neubauer. Et dès lors que nous faisons du volume, nous réussissons à décrocher des primes intéressantes que nous répercutons sur le prix et qui nous permettent d'être compétitifs".

La bataille des approvisionnements

Selon les commentaires de nombreux professionnels, l'accès aux approvisionnements devrait d'ailleurs constituer l'une des grosses bagarres de cette année 2010. Si certains distributeurs contestent cette problématique, craignant notamment qu'à force de la stigmatiser les constructeurs augmentent leurs tarifs, l'assainissement des stocks ainsi que l'allongement des contrats de location ont eu pour conséquence de réduire le volume de VO dans le circuit. Le VO n'en est pas pour autant devenu une denrée rare mais les conditions d'accès s'en trouvent forcément durcies. "Quand les loueurs rendaient les voitures tous les trois mois, maintenant ils les rendent tous les six, huit mois. Une marque comme Peugeot, par exemple, va mettre entre 20 000 et 30 000 voitures en moins dans le circuit, Renault aura 30 000 voitures de moins à la DVSO en 2010. Nous assistons également à une réduction très forte des fameux "0 km" dans certains pays ; en Espagne ou en Italie les stocks ont chuté terriblement, et cela risque d'avoir une incidence cette année sur les immatriculations de VO. Les approvisionnements seront donc l'un des défis de 2010. Il faudra être actif et réactif sur les marchés où il y aura des produits", explique Xavier Morvan.

Vers un marché stable en 2010

Malgré ces interrogations sur le "sourcing", "la situation du véhicule d'occasion devrait s'améliorer cette année, déclarait dans notre précédent numéro (JA n° 1103) Patrice Chiron, directeur adjoint des études et du Conseil chez Eurostaf. Notamment parce qu'il a déjà beaucoup souffert depuis 2008 et que la baisse des incitations à l'achat sur le VN pourrait lui bénéficier. La part du VO dans la profitabilité des distributeurs n'est pas encore importante. Il reste du potentiel sur cette activité car c'est un métier qui demande à être optimisé chez beaucoup de concessionnaires. Le problème, c'est qu'il est souvent conditionné par les reprises. Ce qui explique, d'ailleurs, son rôle central dans la dégradation de la trésorerie des concessions en 2009." AutoScout24 France table sur une stabilité du marché en 2010 qui devrait de nouveau se situer autour des 5,2 millions d'immatriculations. "Même si la conjoncture économique n'est pas favorable, les Français devraient malgré tout changer leurs véhicules. La baisse de la prime à la casse et du bonus devrait permettre de redonner de l'intérêt aux voitures d'occasion récentes et débloquer ainsi le marché en 2010", juge Eric Bataille, directeur général d'AutoScout24 France avant de rappeler que "le stock d'un concessionnaire est constitué en grande partie de voitures d'occasion récentes et que sans écoulement de ce stock, le commerce est bloqué. La clé va résider dans le marché entre particuliers, qui représente désormais près de 60 % des échanges. Ce marché est directement lié au moral des ménages et à leur pouvoir d'achat", explique-t-il. "Si on a une capacité d'achats, que l'on arrive à maintenir une politique commerciale intelligente et que l'on fait ce qu'il faut pour que nos clients gagnent leur vie, je pense que 2010 sera une bonne année", entrevoit de son côté Xavier Morvan.

QUESTIONS À

Bérislav Kovacevic, fondateur de la société de conseil SolutionsVO

"Je préconise à un professionnel d'acheter au moins 30 % de ses VO à l'extérieur"

Journal de l'Automobile. La dynamique relevée au second semestre 2009 va-t-elle se maintenir en ce début d'année ?
Bérislav Kovacevic. Lorsque nous regardons les statistiques de fin d'année, nous constatons, en effet, qu'elles sont moins mauvaises qu'au premier semestre mais elles ne sont pas non plus géniales. Il faut donc relativiser ces chiffres et ne pas perdre de vue que le marché a perdu 350 000 unités en 2007 et 2009. Par conséquent, je doute que ce phénomène d'accélération se poursuive en ce début d'année. Les professionnels ont mené une grosse politique de déstockage et ont relancé la machine en réduisant fortement leurs prix en fin d'année dernière. Cette politique de volume s'est faite au détriment des marges, certains y ont sans doute perdu de l'argent. De plus, nous voyons des professionnels qui déstockent en oubliant de reconstituer un parc avec de bons produits. Et je crains qu'en ce début d'année, compte tenu du fait qu'il est plus difficile de trouver des véhicules, les acteurs du VO manquent de matériels et soient un peu courts en stock.

J.A. Actuellement, le sourcing semble être le nerf de la guerre du marché de l'occasion. Quelle est la règle qui prédomine actuellement à ce niveau ?
B.K. L'an passé, les constructeurs ont réduit leur production de 15 à 25 % dans toutes leurs usines. Et si on y ajoute la baisse des ventes aux loueurs longue durée et courte durée, les distributeurs qui avaient pour habitude de s'approvisionner en VO chez le constructeur vont, non seulement, trouver moins de produits mais aussi très peu de modèles différents. Et le sourcing sera une problématique importante pour les acteurs qui n'ont pas su diversifier leurs canaux. Généralement, je préconise à un professionnel d'acheter au moins 30 % de ses VO à l'extérieur, afin de compenser les mauvaises reprises et les mauvais buy-back. Et ces achats, sur lesquels les professionnels gagnaient de l'argent il y a deux ans, permettent seulement aujourd'hui d'atteindre l'équilibre.

J.A. Les professionnels ne réalisent que 40 % des transactions de VO. Quels sont les acteurs qui semblent le mieux placés pour saisir ce potentiel de croissance ?
B.K. Ce potentiel est ouvert à tout le monde. On ne peut pas affirmer qu'un profil d'acteur monte en puissance sur cette activité au détriment d'un autre. Tous ceux qui se donnent les moyens d'y aller, qui ont compris les enjeux de la rotation des stocks, d'Internet… ont un retour. Mais beaucoup, aujourd'hui, ne veulent pas investir dans cette activité. Il y a des gros groupes et des petits faiseurs qui sont et resteront passifs sur le VO. Or, pour que l'activité soit bénéfique, il ne faut pas se laisser faire et savoir saisir les opportunités.

Photo  :  Xavier Morvan, dirigeant de Saint Herblain Automobiles

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle