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Russie : l’immense promesse

Publié le 27 juin 2008

Par Tanguy Merrien
8 min de lecture
Tandis que les constructeurs français font l'actualité par l'annonce de leurs acquisitions ou de leurs constructions de sites en Russie, ce pays, qui fait 31 fois la France, ouvre les frontières aux investisseurs étrangers dont la vocation trouve tout...

...son sens dans une volonté pérenne d'implantation.

Que connaissons-nous de la Russie, sinon que son président Vladimir Poutine devenu Premier ministre depuis l'élection de Dimitri Medvedev a lancé une grande offensive commerciale pour hisser son pays sur l'échiquier de la mondialisation. Que son territoire est beaucoup plus important qu'on ne l'imagine et sa population en pleine ébullition face aux nouveaux défis qui s'annoncent ? En somme, pratiquement rien. La Russie fait encore partie de ces contrées mythiques auréolées de mystères où l'emporte encore largement l'imagerie sur la réalité, un pays qui serait passé des tsars à l'économie de marché en traversant le communisme en toute simplicité. Il sera donc difficile de donner une photographie de l'industrie automobile en quelques pages, quasi ex nihilo, aussi tenterons-nous de fournir quelques ektas pris au hasard de nos rencontres et des informations officielles.

Une fédération de 142 millions d'habitants

Forte d'une superficie de plus de 17 millions de km2 soit 31 fois la France, la Russie est une fédération dont la constitution observe l'indépendance des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. 88 "sujets" ou entités constituent la fédération, 21 républiques nationales, 6 territoires (krai), 49 régions historiques (oblast), 2 villes d'importance fédérale (Moscou et Saint-Pétersbourg), 9 arrondissements autonomes (okroug) et une région autonome juive. Déjà ce cadre posé montre la diversité d'un immense territoire qui se traverse en camion en huit jours dans le meilleur des cas… Des réflexions sur la logistique s'imposent et montreront une distribution en grandes régions constituant de grands pôles de développement industriel. Ce n'est pas par hasard si 73 % de la population est composée des citadins. Autre élément de complexité et aussi de richesse, la Russie accueille quelque 135 nationalités différentes dont 80 % de russes, 3,8 % de tatars, 2 % d'ukrainiens, 1,15 % de bachkirs ou encore 1,12 % de tchouvaches… Comme nous l'évoquions, les principales villes accueillent le plus gros de la population, Moscou bien sûr avec plus de 10 millions d'habitants, Saint-Pétersbourg dotée de 4,5 millions et une dizaine de villes de plus ou moins un million d'habitants qui sont les endroits "phare" où il faut être : Novosibirsk (1,4), Ekaterinbourg, (1,3), Nijny Novgorod (1,3), Samara (1,15), Omsk (1,14), Kazan (1,11), Tcheliabinsk (1,1) Rostov sur le Don (1,05), Oufa (1,03) Perm' (0,99) ou encore Volgograd (0,99). La densité de la population étant de 8,5 habitants au km2, l'attrait des villes s'énonce clairement.

Une économie en totale mutation

Compte tenu de la hausse des matières premières, de la croissance extraordinaire de la Russie et aussi de son inflation, et bien sûr de l'explosion des coûts énergétiques, les chiffres sont à prendre avec grande précaution. Côté croissance économique, on comptait sur le seul premier semestre 2007 une progression de 7,9 %, qui se traduisait en termes d'investissements par une augmentation de 22,7 % et une croissance de l'industrie de 7,7 %. Une autre source évoque une croissance de 6,5 % en 2007, de 6,7 % en 2006, de 6,4 % en 2004. Revers de la médaille, le taux d'inflation est évalué sur le premier semestre 2007 à + 6,7 %, à 9 % en 2007 (10,9 % en 2005) quand les entreprises sur le terrain l'estiment à plus de 12 % au moins. Une situation qui n'est pas sans inquiéter le gouvernement même s'il se rassure en regardant ses réserves de gaz qui place la Russie en possession du tiers des ressources mondiales et de 6,7 % des réserves pétrolières. La disparité entre les régions s'avère également extrêmement rude et entraîne les gouverneurs à rivaliser d'ingéniosité pour attirer à la fois les investisseurs nationaux et étrangers à s'établir dans leurs régions alors même que les conditions qu'ils peuvent offrir sont très différentes. Par exemple, quand le salaire moyen en 2007 tournait autour de 370 euros, à Moscou, un magasinier pouvait toucher 1 000 euros et dans une région reculée, 200 euros. Un pays qui a des frontières communes avec la Finlande et avec la Chine peut-il harmoniser prix, salaires et conditions de vie ? Autre exemple, les Saab venues de Suède à l'Ouest peuvent-elles être mises sur le même tableau que les Kia ou les Hyundai issues de Corée à l'Est ou, des berlines chinoises alors que les coûts de production et salariaux sont diamétralement opposés ?

Un parc automobile en révolution

A la fin de 2007, le parc automobile s'élevait à 38,7 millions de véhicules (VL, VUL, motocycles et scooters) soit 273 pour mille habitants. Cela correspond à environ 1,5-1,7 million de véhicules de plus que l'année précédente, soit une augmentation de 25,7 % ! Pour mieux appréhender l'ampleur du phénomène, il faut rappeler qu'en 2004, le parc dépassait tout juste les 24 millions d'unités, et que les prévisions les plus optimistes voyaient en 2010 un parc de 33 millions, un nombre déjà dépassé de 17 % en 2007. Les VUL représentent, en 2007, 5,9 millions d'unités et les deux roues, 3 millions. Il est intéressant de noter que sur les 29,8 millions de VP, 21,5 sont russes et 8,3 millions d'origine étrangère, soit un ratio de deux tiers/un tiers. Un ratio qui s'inverse très rapidement du fait de la recherche de qualité des automobilistes et des accords ou autres implantations des constructeurs étrangers. Pour mémoire, en 2004, le rapport était de 80/20…

Un marché automobile en pleine croissance

Longtemps l'automobile en Russie se traduisait par les limousines officielles ou par la gamme des Lada (nom donné aux véhicules AutoVaz à l'extérieur de la Russie). Images d'Epinal qui sont en train de voler en éclats. En effet, si la production des véhicules russes reste majoritaire, elle est désormais fortement concurrencée par les véhicules étrangers soit fabriqués en Russie soit importés. Le niveau de vie augmentant, les russes se tournent vers des automobiles plus sophistiquées, notamment dans les grandes villes. Et l'on assiste à une véritable dichotomie entre, d'un côté, les centres urbains, plus riches, avec un parc auto étranger s'amplifiant et des spécialistes de ces véhicules se développant, de l'autre, les secteurs ruraux où sont privilégiées les automobiles russes plus facilement réparables. Quoi qu'il en soit, le secteur de l'automobile est porteur, il était en hausse de 22,7 % fin 2007 avec 2,57 millions de véhicules vendus (estimation). La statistique officielle (Avtostat) donnait déjà 1,91 million de véhicules dans les dix premiers mois, soit 30 % de plus qu'en 2006. Dans le seul mois d'octobre 2007, 230 000 ventes étaient comptabilisées dont 155 000 étrangères. En tête des ventes sur les dix premiers mois, arrive, grand vainqueur, Lada (28 %) suivi de Chevrolet (7,9 %), Ford (7,2 %), Toyota (6,4 %), Hyundai (5,9 %), Nissan (4,9 %), Renault (4,2 %), Mitsubishi (4,1 %), Daewoo (3,9 %), Kia (3,3 %) et les chinois (2,5 %). La tendance lourde est favorable aux constructeurs étrangers qui s'installent de plus en plus en Russie, soit en créant des joint-ventures, soit en construisant des usines en propre. Au premier trimestre 2008, la Russie annonçait une hausse des ventes des voitures étrangères de 54 %. AvtoVaz et Gaz, les deux premiers producteurs russes n'hésitent pas à sceller des accords avec les marques étrangères pour sauver leurs parts de marchés. Très récemment, on a assisté à la prise de participation de 25 % (plus une action) de Renault-Nissan dans AvtoVaz, ce qui a abouti à une alliance des trois, alliance qui annonce déjà souhaiter acquérir le constructeur russe Ijavto. Une opération qui est loin d'être neutre puisque ce dernier qui, selon Interfax cité par l'AFP, assemble des Kia et des Vaz 2104, aurait produit 79 000 véhicules l'an dernier pour une capacité de 200 000 que l'alliance monterait à 350 000 dans un avenir proche. Parallèlement, on apprenait l'accord PSA Peugeot-Citroën avec Mitsubishi afin de créer une usine commune à Kalouga destinée à produire des modèles des trois marques (SUV et gamme moyenne, capacité annuelle de 160 000 véhicules). Mitsubishi cherchait du côté de Kalouga, alors que PSA avait déjà entamé des travaux à Kalouga, les synergies se sont, alors, avérées intéressantes. La plupart des constructeurs étrangers sont déjà présents en Russie sous différentes formes (en green field ou en brown field), reste à harmoniser les diverses collaborations pour optimiser les productions locales et les sites existants tout en faisant venir les partenaires industriels (systémiers, équipementiers de premier ou second rang) pour accompagner le mouvement d'ensemble et accroître la qualité. C'est d'ailleurs pour aller dans ce sens que les autorités russes ont récemment diminué les taxes d'importation sur les composants.

Photo : Dans les grandes villes, les véhicules étrangers gagnent du terrain sur les automobiles russes mais toutes bénéficient d'embouteillages géants, les infrastructures n'arrivant pas à suivre la croissance.

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