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L’Espagne en pleine dérive

Publié le 16 novembre 2011

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Tandis que la Grèce et l’Italie monopolisent l’attention sur la scène européenne, l’Espagne continue de s’enfoncer dans la crise. Le marché automobile a encore perdu 6,7 % en octobre, pour une baisse de près de 20 % depuis le début de l’année, après un exercice 2010 pourtant stigmatisé “annus horribilis”. Les constructeurs français sont lourdement pénalisés.

Les ventes de véhicules légers se sont ainsi établies à 57 278 unités en octobre, le pire mois d’octobre depuis 1989 ! Et même depuis 1984, si on prend en compte les statistiques alors non pleinement homologuées de Trafico, l’Anfac n’ayant pris officiellement cette charge que depuis 1989. Sur le canal des ventes à particuliers, le recul est de 14,2 %, à 31 195 véhicules, ce qui porte la baisse sur les dix premiers mois de l’année à 37,3 % (318 856 voitures). L’inflexion de ce canal est régulière depuis désormais seize mois. Pour les dirigeants de l’Anfac et du Ganvam, “la baisse du marché des particuliers s’explique par la situation économique du pays, la confiance en berne des consommateurs et les importants problèmes d’accès au crédit”. Ils notent aussi qu’on est revenu aux niveaux de volume des années 80… Les ventes aux entreprises se portent un peu mieux : + 4,8 % en octobre, à 23 656 unités, pour un total de 230 177 immatriculations depuis le début de l’année (+ 7,2 %). Il en va de même pour les loueurs courte durée : 2 427 véhicules en octobre (- 0,2 %), soit 132 172 unités au cumul des dix premiers mois de l’année (+ 5,7 %). Des communautés autonomes comme les Canaries ou les Baléares portent d’ailleurs ce marché, grâce à leur activité touristique.

Récession, remises, “km zéro”…

Tous les segments sont touchés par la récession, à l’exception du premium qui a notamment enregistré une progression de 33,6 % en octobre. Même constat au niveau des marques où Audi, BMW, Mini ou encore Volvo parviennent à contenir la crise. Ce n’est pas le cas chez les généralistes, à l’exception notable de Kia et Hyundai. Sur un marché à - 19,7 %, Seat, pourtant assimilé au constructeur domestique du pays, ne parvient pas à faire mieux que - 20,3 %. Toutefois, avec Fiat en pleine déroute (- 36,4 % !), les constructeurs français sont les plus touchés : Renault à - 25,7 %, Peugeot à - 25,4 % et Citroën à - 29,2 %. Dans une récente publication dans laquelle Fitch Ratings explique pourquoi la note de PSA Peugeot Citroën est légèrement dégradée, les analystes avancent notamment une trop forte dépendance du groupe à des marchés en pente douce, ou en chute libre, comme la France, le Royaume-Uni et l’Espagne. En outre, il convient de souligner que le marché espagnol est pollué par les “km zéro”, qui ont représenté près de 9 000 immatriculations en septembre sur un total de 55 572. Environ 40 % de ces “km zéro” sont concentrés chez Ford, Peugeot et Seat.

44 % d’activité en moins pour les concessionnaires !

Luis Valero, directeur général de l’Anfac, qui passera le flambeau le 31 décembre prochain pour prendre les rênes de Sigrauto, estime que la situation ne va pas s’améliorer et milite pour une réforme fiscale volontaire afin de renouveler le parc automobile. Il souhaite aussi une nouvelle loi pour réguler l’activité des distributeurs et a d’ailleurs confié ce projet à PriceWaterHouse. Mais les concessionnaires ne l’entendent pas de cette oreille et ont manifesté leur opposition via l’organisme Faconauto. En attendant les élections anticipées du 20 novembre, le débat est mis en veille, mais le ton pourrait rapidement dégénérer dans une filière qui n’a pas besoin de cela… Des distributeurs qui ont souvent dû licencier, notamment au sein des forces de vente, et qui font face à une situation “intenable”, selon Juan Antonio Sanchez Torres, président du Ganvam, qui met en avant ces chiffres : “En moyenne, un concessionnaire vend aujourd’hui 7 véhicules par semaine, c’est 44 % de moins qu’avant la crise !”

“Nous naviguons à vue…”

Luis Valero demande aussi au gouvernement d’intervenir en brandissant la menace du vieillissement du parc espagnol. Un argument que réfute Juan Lopez, éditorialiste à El Pais : “Tout d’abord, les transports publics gagnent du terrain. Cela s’explique par le prix compétitif des trajets intérieurs en avion et en train, et par la qualité de nos infrastructures ferroviaires, supérieure à celle de pays comme la France ou l’Allemagne. Par ailleurs, il ne faut pas raisonner en âge du véhicule, mais en kilométrage. En effet, avec une berline de 10 ans, mais de seulement 90 000 km, en parfait état de marche, quel intérêt à changer de voiture alors que sa valeur est de 2 500 euros sur le marché de l’occasion, surtout en temps de crise ?” Au final, tous les spécialistes s’accordent pour dire que l’objectif, déjà révisé, de 820 000 immatriculations sur 2011 sera très compliqué à atteindre. Sur les dix premiers mois de l’année, le compteur affiche 681 205 unités. Ce sera la troisième année consécutive que le marché espagnol clôturera sous le seuil du million d’immatriculations en VP, alors que le potentiel du marché est estimé à 1,2 million, voire plus. Au vu des incertitudes qui pèsent sur l’ensemble de l’Europe, cette situation met sous pression les sites de production. Opel vient par exemple d’annoncer qu’il allait mettre au chômage partiel 6 700 salariés, notamment sur l’usine de Saragosse. “Nous naviguons à vue”, reconnaît non sans inquiétude le porte-parole du groupe. Ce n’est pas le seul…

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FOCUS - Top 10 des marques sur le marché espagnol (10 mois 2011 VP)

1/ Seat : 62 401
2/ Volkswagen : 61 609
3/ Ford : 54 888
4/ Peugeot : 54 118
5/ Renault : 53 009
6/ Opel : 50 206
7/ Citroën : 50 037
8/ Nissan : 33 736
9/ Toyota : 32 350
10/ Audi : 32 342

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FOCUS - Top 10 des modèles sur le marché espagnol (10 mois 2011)

1/ Megane : 29 445
2/ Ibiza : 26 603
3/ C4 : 23 511
4/ Qashqai : 20 836
5/ Golf : 19 226
6/ Leon : 19 206
7/ Polo : 18 600
8/ Focus : 17 835
9/ 207 : 17 793
10/ Corsa : 17 492

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ZOOM - A qui profitent les aides de l’Etat espagnol ?

Seat, Renault et PSA Peugeot Citroën ont été les principaux bénéficiaires du Plan de Compétitivité Automobile du gouvernement espagnol en 2011. PSA a reçu des aides à hauteur de 35 millions d’euros pour faciliter le financement de ses projets dans le pays : 18,1 millions pour le projet de mobilité électrique du site de Vigo, 8,5 millions pour un programme d’efficacité énergétique, toujours à Vigo, et 8,5 millions dans le cadre du plan de compétitivité à Madrid (un dossier sensible). De son côté, Renault pourra profiter de facilités de crédit à hauteur de 25,04 millions : 10,9 millions pour Valladolid, 7 millions pour l’usine moteurs de Valladolid, 3,5 millions pour le site de Séville et 3,4 millions pour celui de Palencia. Seat décroche une enveloppe de près de 24 millions d’euros : 14,7 millions pour l’usine de Martorell et 9,2 millions pour son centre technique. Enfin, on peut compléter la liste avec Ford (7,9 millions pour Almussafes), Nissan (15 millions pour Barcelone), Volkswagen (5,9 millions pour Landaben), Mercedes-Benz (4,9 millions pour Vitoria) et Iveco (4,9 millions pour Madrid et Valladolid). GM n’a bénéficié que de 1,9 million d’euros pour le site de Saragosse. Une usine où les dirigeants d’Opel viennent d’annoncer un plan de chômage partiel massif…

 

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