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Constructeurs

Xavier Martinet, Dacia : "Notre marché de conquête est vraiment le segment C en Europe"

Publié le 12 décembre 2023

Par Christophe Jaussaud
11 min de lecture
À l'occasion de la présentation de la troisième génération du Duster, Xavier Martinet, directeur marketing, ventes et opérations de Dacia, revient sur la trajectoire de la marque et les défis à venir.
Dacia Xavier Martinet
Xavier Martinet, directeur marketing, ventes et opérations de Dacia. ©Julien Fautrat

Le Journal de l'Automobile : Avant d'évoquer le nouveau Duster, les ventes de Dacia progressent de 16,7 % après neuf mois d'activité en 2023, à 493 511 unités. Êtes-vous en ligne avec votre feuille de route ?

Xavier Martinet : Nous progressons plus que le marché mais surtout tous nos produits sont au rendez-vous. Particulièrement sur notre cœur de cible qui demeure les clients particuliers. Nous sommes sur le podium des ventes à particuliers dans huit pays et quatrième dans quatre autres. Nous pouvons aujourd'hui compter sur un portefeuille de commandes de trois mois environ. Cela étant, le niveau du marché des commandes questionne et depuis quelques mois il est plus difficile. Il se tend et nous voyons des concurrents mettre plus de moyens. Nous sommes à la fin d'une ère. Une nouvelle ère s'ouvre mais nous avons déjà vécu dans ce type de contexte.

 

 

J.A. : Face au retour de cette concurrence plus forte, allez-vous ajuster votre politique ?

X. M. : Nous allons nous adapter. La raison d'être de Dacia est de proposer le meilleur rapport prix/prestations du marché et nous n'allons pas changer cela. Toutefois, nous pouvons répondre de deux façons : soit baisser le prix de transaction ou les loyers mensuels, soit augmenter les prestations. Avec le nouveau Duster, je pense que nous sommes clairement dans le deuxième cas.

 

A lire aussi : Nouveau Dacia Duster : succès en vue !

 

J.A. : Dacia est aujourd'hui présente sur 44 marchés. Vous reste-t-il des leviers de croissance géographiques ou passera-t-elle seulement par l'élargissement de votre gamme ?

X. M. : Des importateurs nous ont sollicités. Nous avons regardé certains marchés au grand export mais les coûts logistiques ou parfois ceux d'adaptation des véhicules ne faisaient pas sens. En Europe, nous sommes présents et forts sur le segment B et B+ mais nous ne sommes pas encore assez présents sur le segment C. Le gisement de croissance pour la marque est là. Notre marché de conquête est vraiment le segment C en Europe. Nous avons annoncé l'arrivée du Bigster au premier semestre 2025, puis d'autres véhicules par la suite sur ce segment. Nous sommes vraiment focalisés sur le développement de cette offre en Europe.

 

 

©Dacia

 

J.A. : Renault a récemment annoncé un investissement de trois milliards d'euros et le développement de huit modèles internationaux. Allez-vous bénéficier de ce programme où est-ce finalement l'expérience de Dacia qui aide Renault ?

X. M. : Il faut notamment y voir l'exploitation de la plateforme CMF-B par le groupe. Dacia peut être ce qu'elle est grâce à son appartenance au groupe Renault et logiquement le groupe profite aussi du travail de Dacia. Nous apportons des leviers supplémentaires que Renault peut utiliser sur d'autres territoires ou la marque Dacia n’est pas présente, notamment en Amérique du Sud. La stratégie de maximisation des synergies entre les marques au niveau mondial ne change pas, mais à l'avenir les modèles de chacune des marques seront plus différenciés.

 

Notre offre actuelle, avec beaucoup plus de valeur, nous permet de mieux répondre aux besoins des clients

 

JA. : Vous dévoilez aujourd'hui le nouveau Duster. Il s'agit du premier modèle depuis le plan Renaulution et la redéfinition de la marque Dacia. Justement comment définir Dacia aujourd'hui ?

X. M. : Dacia veut être la marque avec le meilleur rapport prix/prestations sur le marché et nous voulons y parvenir en redéfinissant constamment ce que sont les essentiels de l'automobile. Le marché évolue, ce qui était vrai en 2004 ne l'était plus en 2014 et le sera encore moins en 2024. Nous voulons moderniser Dacia tout en conservant ce qui a fait son succès. Avec l'ensemble des normes et des nouvelles contraintes qui s'imposent à nous, nous ne pourrions plus, techniquement, faire une voiture à 8 000 euros. Les tarifs des voitures ont connu une inflation importante mais Dacia conserve sa raison d'être. Il y a quelques années, nous étions peut-être, par exemple, 25 % moins cher que le marché et aujourd'hui nous sommes peut-être à 10 à 15 % de moins mais avec beaucoup plus de valeurs dans nos voitures.

 

 

J.A. : Justement cette réduction de l'écart avec les généralistes ne risque-t-elle pas de laisser de la place pour un nouvel entrant moins cher ?

X. M. : Notre offre actuelle, avec beaucoup plus de valeur, nous permet de mieux répondre aux besoins des clients. Bien mieux qu'avec une offre seulement basée sur le prix. Nous considérons que nous sommes plus pertinents et d'ailleurs cela se voit dans la diversité des clients qui achètent des Dacia aujourd'hui. Le prix n'est plus, comme par le passé, le principal critère. Le premier critère d'achat d'une Dacia est le design, comme c'est le cas pour toutes les marques. Le succès de Dacia est un mélange des aspects émotionnels et rationnels. Idéalement, le client doit vouloir une Dacia car elle lui plaît, et il doit décider de l’acheter car elle est au bon prix. Dans l'éventualité où nous monterions trop haut, nous nous retrouverions en concurrence avec d'autres marques, y compris à l'intérieur du groupe. Or, il y a une vraie complémentarité aujourd'hui et je pense que c'est la meilleure solution pour maximiser la performance du groupe Renault. Notre positionnement actuel, incarné par le nouveau Duster, illustre parfaitement celui des années qui viennent.

 

 

J.A. : Les clients Dacia ont largement évolué. Les anciens clients, qui privilégiaient le prix, trouvent-ils encore une réponse dans votre offre ?

X. M. : En partie. Je vais illustrer cela en chiffres. En 2010, au moment du lancement du premier Duster, 55 % de nos clients venaient du véhicule d'occasion. Aujourd'hui, nous sommes à 30 % et ce taux est de 20 % pour l'ensemble du marché. Cela veut dire que nous arrivons toujours à convaincre plus d'acheteurs de VO que le marché, tout en ayant plus de clients qui viennent du neuf. Nous arrivons à séduire des deux côtés. Certes, le prix des voitures a augmenté à cause de l'objet automobile toujours plus complexe mais aussi en partie à cause du coût de l'argent. Entre 2018 et 2022, le loyer mensuel d'une Sandero a augmenté de 60 euros, pour moitié à cause du contenu de la voiture et pour moitié à cause du coût de l'argent.

 

Une Dacia électrique fait-elle sens pour nos clients ? Nous avons considéré que oui sur le segment A avec la Spring

 

J.A. :  Dacia va jouer la carte du moteur thermique jusqu'au dernier jour. Mais vous avez prouvé que l'accessibilité électrique était possible avec la Spring. Comment imaginez-vous la suite de la nécessaire électrification de votre gamme ?

X. M. : Nous pouvons nous permettre d'avoir une stratégie un peu différente car le groupe Renault répond aux enjeux de l'évolution de l'industrie automobile dans toute sa diversité. Par exemple, la plateforme CMF-B que nous utilisons peut accueillir de l'hybride et de l'hybride rechargeable. La question n'est donc pas technique mais seulement économique. La question est : quand une Dacia hybride ou PHEV devient un choix raisonnable et raisonné pour nos clients ? Même chose pour l'électrique. Une Dacia électrique fait-elle sens pour nos clients ? Nous avons considéré que oui sur le segment A avec la Spring. Nous voulons apporter des réponses aux besoins des clients.

 

 

J.A. : Ampere a annoncé vouloir fabriquer en Europe une voiture électrique à moins de 20 000 euros. La gamme Dacia pourra-t-elle accueillir un fruit de ce programme ?

 X. M. : Le groupe Renault conçoit des moteurs thermiques depuis plus d’un siècle. La mission d'Ampere est d'arriver à concevoir des véhicules électriques d'une autre façon, plus efficace, plus rapide. Finalement mettre en place des ruptures dans la conception et la production pour arriver à proposer des véhicules électriques moins chers. L’ensemble du groupe Renault, dont Dacia, bénéficiera de ce travail.

 

Nos valeurs résiduelles sont 7 à 10 points supérieures à celles de nos concurrents

 

J.A. : Vos clients gardent leur Dacia huit ans en moyenne. Les VO dans le réseau sont donc rares et la vente de financements n'est sans doute pas très élevée. Pensez-vous pouvoir faire évoluer ces deux points à l'avenir ?

X. M. : Effectivement, nos clients gardent en moyenne leur Dacia huit ans, contre six ans pour la moyenne du marché. Certes, cela fait moins de VO mais cela veut surtout dire que nos clients sont satisfaits. Ils renouvellent d'ailleurs leur Dacia par une autre Dacia dans 60 % des cas. Et 15 % vont vers Renault. Ce n'est donc pas du tout un point négatif, au contraire. Évidemment, d'un point de vue business, nous aimerions proposer davantage de VO dans notre réseau. Depuis 2020 et l'augmentation des prix, il y a encore plus besoin de Dacia d'occasion. Notre taux de leasing depuis cette date a quasiment doublé, passant de 15 à 27 % en Europe, donc ces voitures vont revenir sur le marché dans trois à quatre ans et trouveront toute leur place. Plus généralement, on note aussi une évolution dans les habitudes d'achat et de plus en plus de clients cherchent à maîtriser leur budget automobile, ce que des loyers mensuels permettent. Notre objectif est qu'une Dacia soit facile à choisir, facile à acheter, facile à entretenir et facile à vendre.

 

 

©Dacia

 

J.A. : Le business model de Dacia est centré sur les ventes à particuliers. La montée en puissance sur le segment C et de l'électrification pourrait-elle donner plus de place au BtoB ?

X. M. : Notre activité est effectivement à 80-85 % en BtoC et c'est ce qui fait le succès de Dacia. Mais notre business model n'est pas pour autant antiBtoB. Il est antiremises qui viennent, entre autres, casser les valeurs résiduelles. Aujourd'hui, nos valeurs résiduelles sont sept à dix points supérieures à celles de nos concurrents. Certains de nos produits, comme le Duster 4x4 sans alternative sur le marché, séduisent des flottes. Mais sans remises. Ce fut aussi le cas avec le Spring pour des acteurs de l'autopartage. Le Jogger a aussi une carte à jouer avec une offre sept places sans concurrence. Avec Duster et Bigster, nous pourrions toucher d'autres clients professionnels comme ceux qui choisissent leur voiture.

 

 

J.A. : La Spring pourrait ne plus être éligible au bonus en France. Cela change-t-il quelque chose pour vous ?

X. M. : Dans tous les cas, nous nous adapterons aux conditions de marché en France. Mais il n'y a pas que la France. Plus largement, cette situation fait naître un débat sur l'équité des règles du jeu sur les marchés comme l'a souligné l'ACEA. Il y a une deuxième dimension, plus produit, qui n'a rien de politique. La Spring est la voiture la plus efficace sur le marché avec une emprunte carbone au meilleur niveau et elle a été récompensée pour cela. La Spring, avec ses 970 kg, est plus légère que les autres et consomme moins d'énergie. Et cette efficacité énergétique, bonus ou pas bonus, on ne nous l'enlèvera pas. De plus, depuis le lancement en 2021, nous avons continué à investir sur ce modèle et nous continuerons à le faire dans les années qui viennent. Nous croyons toujours en la Spring. D'ailleurs, les annonces de nombreux constructeurs prouvent qu'il y a un marché pour ces voitures électriques en dessous de 25 000 euros et même à moins de 20 000 euros. La Spring est l'une des meilleures réponses actuelles sur le marché et ce sera encore le cas dans le futur.

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