VO Renault : La disgrâce des ventes flottes
...2002 et 2004, Renault est le constructeur à avoir augmenté le plus intensément ses ventes aux sociétés. Alors que sur la même période, la marque au losange voyait l'ensemble de ses immatriculations baisser de 5 %, ses ventes aux entreprises augmentaient parallèlement de 42 %. Un témoignage des plus explicites quant à la nature de la politique commerciale du constructeur : faire du volume en nourrissant les parcs des grandes entreprises. "Aujourd'hui, la page est clairement tournée", constate Frédérick Bordelanne, en charge du suivi des valeurs résiduelles chez R.L Polk. En annonçant son intention de limiter les ventes flottes et 0 km, Carlos Ghosn vient donc d'enterrer cet ancien parti pris commercial du constructeur français. Pourquoi un tel revirement ? Tout simplement parce que Renault commençait à voir les valeurs résiduelles (valeurs futures) de certains de ses modèles se décalcifier dangereusement. Signe que le marché du véhicule d'occasion est saturé par ces modèles. L'exemple le plus criant à ce sujet est peut-être la piètre destinée de Laguna sur ce marché du VO. Aujourd'hui, Laguna, perd 40 % de sa valeur après 36 mois et 100 000 km d'utilisation. "Ce qui la situe au niveau de la Ford Mondeo ou de l'Opel Vectra, qui sont les mauvais élèves du marché français", témoigne ainsi Frédérick Bordelanne. Le risque est d'entrer dans un véritable cercle vicieux : le modèle d'occasion se vend mal du fait de la saturation du marché ; sa côte et sa valeur résiduelle chutent ; le loyer en LLD augmente et les entreprises ne veulent plus du modèle neuf. Il faut alors brader les véhicules auprès des particuliers et l'image du produit baisse. Trop de ventes aux flottes font des volumes à court terme, mais nuisent à l'image et à la rentabilité à long terme. On comprend donc aisément la volonté de Carlos Ghosn de limiter ce type de transactions.
Une baisse des stocks entamée en 2003
En voyant les "buy-backs" s'éloigner de leurs showrooms VO, les distributeurs Renault ne peuvent que se réjouir. "Il n'était pas cohérent d'accorder de telles remises aux sociétés. C'est notre intérêt de voir diminuer ces pratiques", réagit ainsi Alain Manuel, distributeur Renault dans l'Isère. "Cette orientation était indispensable à notre survie", ajoute même Daniel Molina, distributeur à Toulon. Les retours en concession des véhicules de flottes étaient-ils un poids imposé aux distributeurs ? En tous cas, assez pénibles pour que le réseau approuve la mesure.
Mais à regarder les chiffres de plus près, Renault ne semble pas avoir attendu l'annonce du 9 février dernier pour tempérer ses ardeurs commerciales auprès des entreprises. "Depuis un certain temps, les conditions commerciales des constructeurs envers les loueurs se sont durcies au point de voir les remises à particulier devenir parfois plus intéressantes", témoigne par exemple Jérôme Martin, P-dg de Parcours, loueur longue durée. Le plan Ghosn avait donc bel et bien commencé avant son annonce officielle. Nous serions même tentés de croire qu'il avait commencé avant l'arrivée de Carlos Ghosn à la tête de Renault en avril 2005. L'effort du constructeur français, à ce niveau, semble en effet avoir débuté dès 2003 avec une baisse du stock VO du réseau européen de près de 20 % par rapport à 2002, passant de 56 530 unités à 45 232. Les immatriculations garages, adoubant de vrais VN en faux VO avaient donc commencé à s'étioler il y a déjà bien longtemps. Un constat que renforcent les chiffres de ventes de VO récents de la marque au losange. L'année dernière, sur un marché du VO de moins d'un an décroissant de 6,2 %, le constructeur affichait déjà une baisse de ses ventes de 27,36 % (cf. tableau). Alors où est la réforme ? Renault semble donc davantage poursuivre un changement de cap que brutaliser sa ligne commerciale. Mais peut-être fallait-il des mots pour guérir d'autres maux...
David Paques
"Retrouvez ce n° en kiosque jusqu'au 27 avril"
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