Vincent Salimon, BMW Group : "L'Europe décide toujours d’une approche plus punitive qu’incitative"
Journal de l'Automobile. Le conseil de l’Union européenne a voté, ce 29 juin 2022, le texte sur le zéro émission pour les véhicules neufs en 2035, issu du paquet Climat de la Commission européenne. BMW Group avait été notamment pointé du doigt par l’ONG Transport & Environment pour s’engager en faveur de ce texte. Quelle est votre réaction aujourd’hui ?
Vincent Salimon : La position du groupe est très claire et reste cohérente depuis ces 15 dernières années. Nous avons été parmi les premiers constructeurs à commercialiser un véhicule électrique. Souvenez-vous de la BMW i3 sortie en octobre 2013. Toute notre stratégie est basée sur le long terme. Et aujourd’hui, en France, 10 % des volumes du groupe se font en électrique pur et l’on atteint 30 % si l’on ajoute les motorisations hybrides rechargeables. Mini enregistre même une part plus importante puisque je peux vous annoncer que 30 % des commandes de la marque se feront en 100 % électrique en 2022. En 2030, ce sont 50 % de nos ventes qui seront exclusivement électriques. Le sujet ne se situe donc pas à ce niveau. L’objectif est-il d’avoir tous les européens qui roulent en électrique ou d’assurer une mobilité qui préserve la planète ? Nous pensons que c’est ce second point qui est essentiel.
JA. Quelle position soutenez-vous ?
VS : Nous avons toujours été clairs dans les messages apportés. Tous nos deux-roues urbains seront électriques dès 2025, et la gamme Mini sera également 100 % électrique en 2030, tout comme Rolls Royce, même si bien sûr la clientèle est spécifique. Mais chez BMW, nous avons encore beaucoup de clients qui ont besoin d’autonomie. Il faut bien comprendre que notre clientèle est composée à 60 % d'entreprises, avec des commerciaux qui roulent beaucoup et ne peuvent connaître des problèmes de recharge. Il est essentiel d’avoir une approche globale et de bien tenir compte également de toute la chaîne de valeur. Les émissions à l’usage sont une notion importante mais elles ne sont pas les seules. Ce sont les émissions de toute la chaîne qui doivent être comptabilisées : l’extraction des ressources, la production, l’usage et le recyclage. Chez BMW, déjà 30 % de notre production est issue de l’économie circulaire. Ce taux montera à 50 % d’ici 10 ans et l’année dernière, nous avons présenté notre concept BMW i Vision Circular issu à 100 % de matières recyclées et 100 % recyclables.
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JA. Le règlement batterie, toujours en cours de discussion à la commission européenne, prévoit justement un calcul des émissions de l’extraction des matières jusqu’à son recyclage. Est-ce une réponse satisfaisante ?
VS : Le règlement batterie n’est pas encore décidé et pour l’instant insuffisant. Une approche circulaire signifie qu’il faut prendre la mesure du CO2 sur toute la chaîne de valeur. Faire de l’électricité avec du charbon ne répond pas à l’objectif. Depuis 2021, notre objectif est de baisser les émissions de CO2 de 40 % en 10 ans. Et dans notre chaîne d’approvisionnement en amont, nos partenariats nous permettent de disposer de cellules de batteries produites à 100% avec de l’énergie renouvelable. De même, notre nouvelle usine en Hongrie, qui accueillera la nouvelle plateforme électrique du groupe "Neue Klasse" sera opérationnelle en 2025 et émettra 0 émission de CO2.
JA. Quel sera l’impact de cette décision ?
VS : Cette décision aura un impact positif sur l’usage mais elle ne va pas plus loin. Et personne ne parle des conséquences sur l’emploi et notamment qu’entre 60 000 et 70 000 postes vont partir en Asie. C’est important de le dire et de le savoir. Ensuite, autre élément important : un seul segment de client se porte bien sur le marché, c’est celui des entreprises. Le segment des particuliers, lui est en souffrance, car les clients sont perdus. Ils ne parlent plus de marque mais de motorisation. Enfin, qu’en est-il du vieillissement du parc, dont l’âge atteint 11 ans en France mais aussi en Europe et vieillit de 6 mois tous les ans ? Et le particulier a l’impression que 2035, c’est demain. Il est important de pouvoir affiner le message et d’aller vers une transition progressive. L’hybride rechargeable permet cette transition.
JA. Le Conseil de l’Union européenne a voté pour une clause de revoyure en 2026 pour vérifier les technologies disponibles à cette date et les résultats des émissions sur les hybrides rechargeables. Est-ce suffisant ?
VS : Nous sommes toujours très forts pour voir le verre à moitié vide et l’on décide toujours d’une approche plus punitive qu’incitative. L’hybride rechargeable peut avoir un avantage car il s’agit de deux voitures en une. Quand on adopte une approche punitive, on s’aperçoit que des biais sont toujours trouvés. Chez BMW, nous avons plutôt une approche incitative, notamment avec notre eDrive zone, une technologie disponible depuis deux ans qui fait basculer en mode électrique, de manière automatique un véhicule qui entre notamment dans une Zone à Faible Émission (ZFE). De même, nous avons instauré un système de points de fidélité pour les conducteurs d’hybrides rechargeables. Chaque kilomètre parcouru en électrique pur apporte des points qui se transforment en économie lors des recharges. Ce service a permis de gagner près de 10 points dans la pratique de la recharge des PHEV. Près de 75 % de ces clients rechargent régulièrement leur véhicule depuis la mise en place de ce programme contre 66 % précédemment.
JA. Que vous inspire la clause de revoyure adoptée pour 2026 ?
VS : Au moins, nous pourrons avoir un peu plus de visibilité sur le développement des infrastructures de recharge ainsi que sur nos capacités énergétiques dans les années à venir. Peut-être serons-nous également capables d’une approche sur le cycle de vie, de façon à véritablement s’assurer de la préservation de notre planète. Beaucoup de questions restent encore en suspens mais une chose est sûre : BMW Group sera prêt.
JA. Le conseil de l'Union européenne a ouvert la porte aux carburants de synthèse. Cette possibilité est-elle satisfaisante ?
VS : Le groupe fait partie des précurseurs sur le sujet des carburants de synthèse. Cependant, nous avons jugé que cette piste n'était pas prioritaire compte tenu des coûts très élevés au niveau de la fabrication, du développement et de la commercialisation. Mais nous restons ouverts à cette technologie si elle se développe. Il faudra évaluer l'impact CO2 de ces carburants non seulement à l'usage mais aussi tout au long de la chaîne de fabrication. Mais nous restons ouverts.
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