Une “décennie tragique” pour l’automobile en France
Aurélien Duthoit ne mâche pas ses mots : “Au cours des dix dernières années, la production automobile n’a cessé de décliner en France. L’industrie automobile est aujourd’hui en décadence dans le pays, au plan de la production, de l’emploi, des exportations… Tous les indicateurs sont dans le rouge. A l’inverse, l’Allemagne est au top niveau, notamment avec des exportations qui ont connu une très forte progression”. Evoquant la perte d’un fleuron industriel pour la France, il met en exergue des chiffres sans appel. En 2001, l’Allemagne était le 3e producteur mondial d’automobiles et la France le 4e. Aujourd’hui, l’Allemagne est 4e, avec une production en hausse de 11 % dans cet intervalle, et la France… 10e, avec une production en repli de… 37 % ! Au niveau du commerce extérieur, l’Allemagne dégageait, en 2001, un excédent automobile de 43,1 milliards d’euros et la France un excédent de 5,5 milliards d’euros. Aujourd’hui, l’Allemagne dégage un excédent de 108,2 milliards d’euros quand la France accuse un déficit de 8,85 milliards d’euros…
Dans l’arène de la guerre des coûts…
Pour expliquer la réussite de l’Allemagne, Aurélien Duthoit avance des choix stratégiques : “Les constructeurs allemands ont investi dans le haut de gamme, sur l’outil industriel et sur la notion de marque. Cela a permis d’éviter la concurrence sur les coûts et de continuer à produire en Allemagne. D’autant que l’Allemagne a su bénéficier d’une bonne intégration avec les pays de l’Europe de l’Est.” A l’inverse, les Français se sont focalisés sur les véhicules de moyenne gamme, se jetant dans l’arène de la guerre des coûts.
Par conséquent, les constructeurs français ont dû délocaliser leur production vers des pays à bas coûts. D’ailleurs, la France affiche un déficit commercial dans l’automobile avec la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Tchéquie ou encore la Turquie. Autant de pays où sont aussi produits des modèles pour le marché… français !
Des choix stratégiques et un soutien politique discutables
Aurélien Duthoit balaie certaines excuses d’un revers de la main. L’ancrage historique des constructeurs allemands dans le Premium n’explique pas tout. Et de citer l’exemple de la mue d’Audi en seulement quelques décennies. Par ailleurs, il est faux d’affirmer que les coûts salariaux sont moins élevés en Allemagne. Dès lors, la faute incombe aux choix stratégiques des constructeurs. Sans doute aussi aux hommes politiques, dans la mesure où cet effondrement n’est pas limité à l’automobile dans notre industrie. Résultat, le tissu industriel automobile français est réduit. Encore deux chiffres : 1/4 des Renault sont produites en France quand 3/4 des Mercedes sont produites en Allemagne. Selon Aurélien Duthoit, il est trop tard pour essayer d’imiter l’Allemagne afin de rétablir l’équilibre. “Il faut désormais jouer le coup d’après et fixer des orientations stratégiques à dix ans.” Si le constat sans concession et faux-fuyant d’Aurélien Duthoit est pertinent, ses propositions de mesures pour tenter de sortir de l’ornière mériteraient cependant d’être plus détaillées.
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