Stella Li, BYD : "Nous sommes une entreprise très locale dans notre approche"

Le Journal de l'Automobile : Pourriez-vous nous partager vos perspectives pour 2025 en Chine ? Pensez-vous que la concurrence deviendra un peu plus facile ? Et envisagez-vous de participer à la consolidation de l’industrie des véhicules électriques dans le pays ?
Stella Li : Je pense qu’en Chine, la concurrence va devenir de plus en plus intense, ce qui pousse à réfléchir sérieusement : quels sont les véritables besoins du marché ? Quelle technologie est vraiment pertinente ? Où se trouve l’innovation ? Toutes ces réflexions permettent de stimuler le développement de nouvelles technologies, d'améliorer les produits et assurent des économies. Cela rend toute l’industrie plus efficace.
Il y a encore trop de marques sur le marché, certaines seront contraintes de disparaître.
J. A. : Ne pensez-vous pas que la concurrence va s’atténuer un peu, dès lors que certains acteurs quittent le marché ?
S. L. : Non, je ne pense pas. Les deux prochaines années seront encore plus difficiles. Il y a encore trop de marques sur le marché, certaines seront contraintes de disparaître.
J. A. : À votre avis, combien ?
S. L. : Regardez ce qui s’est passé avec les smartphones. Il y avait des centaines de marques au début. Aujourd’hui, seules trois à cinq dominent le marché. Les autres ont quasiment disparu. Il est impossible pour un seul pays de maintenir autant de marques, ce n’est pas viable à long terme.
J. A. : BYD va s'installer en Hongrie. Cela fait-il partie de votre stratégie de devenir une marque européenne, ou tout du moins made in Europe ?
S. L. : BYD est une entreprise très locale dans son approche. Nous recrutons des talents locaux pour occuper des postes clés dans l’entreprise. Prochainement, nous allons ouvrir un centre de recherche et développement en Europe et embaucher de nombreux ingénieurs européens. Leur contribution va influencer la conception des produits pour les adapter aux attentes locales. Nous menons aussi de nombreuses activités sur place. En France, par exemple, nous nous associons aux meilleurs groupes de distribution. Tout ce que nous faisons est localisé. D’ici cinq ans, les gens verront peut-être BYD comme une entreprise mondiale, mais aussi comme une véritable marque européenne, car nous produirons sur le continent.
J. A. : Vous restez pour l’instant un acteur de taille modeste en Europe, et votre croissance semble un peu plus lente que prévue. Quel est votre plan pour augmenter vos ventes ?
S. L. : En réalité, notre croissance est très rapide, notamment au premier trimestre. Nos immatriculations totales au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne, par exemple, sont déjà impressionnantes. Je suis très satisfait des résultats.
Notre priorité est de développer un réseau de distribution solide en partenariat avec les meilleurs groupes.
J. A. : Et quels sont vos objectifs pour 2025 en Europe, en termes de parts de marché ou de volumes de vente ?
S. L. : Notre priorité est de développer un réseau de distribution solide en partenariat avec les meilleurs groupes. Ensuite, nous travaillons à mettre en place un service après-vente de qualité, et à bien former nos distributeurs. Notre objectif est d’offrir un service cinq étoiles à nos clients. Avec des produits compétitifs, une technologie de pointe, un excellent service et un réseau de concessionnaires de qualité, les ventes suivront naturellement.
J. A. : Est-il difficile aujourd’hui de gagner des parts de marché en Europe ?
S. L. : Ce n’est pas difficile, mais cela prend du temps. Il faut une vision à long terme et être prêt à investir.
J. A. : En Europe, il y a un débat entre véhicules 100 % électriques et hybrides rechargeables (PHEV). Qu’en pensez-vous ? L’avenir est-il à l’électrique ou à l’hybride ?
S. L. : Je pense que les deux auront leur place. Une partie du marché sera totalement électrique (BEV), environ 50 %, selon les pays. Et l’autre segment important sera occupé par les hybrides rechargeables nouvelle génération. Je ne parle pas des PHEV traditionnels, mais de modèles avec une autonomie électrique de 80 à 120 km par charge. Ce type d’hybride avec une grande autonomie et une consommation de carburant très faible est très pertinent. Par exemple, en France, avec une charge complète et un plein d’essence, un véhicule comme le nôtre peut parcourir jusqu’à 1 080 km. C’est une consommation réduite, très compétitive par rapport au marché chinois.
Les entreprises chinoises sont très ouvertes : elles travaillent avec des fournisseurs du monde entier.
J. A. : Vous avez mentionné une concurrence accrue dans les années à venir. Envisagez-vous de participer à la consolidation du marché en rachetant de petits constructeurs (OEM) en difficulté ? Cela fait-il partie de votre stratégie ?
S. L. : Ce n’est pas prévu pour l’instant, mais on ne peut jamais dire jamais.
J. A. : Parlons des batteries. Vous êtes leader dans ce domaine. Que pensez-vous des tentatives européennes dans ce secteur ? Ont-elles échoué ? Quelle est votre opinion sur la technologie et les efforts européens en matière de batteries ?
S. L. : Que ce soit pour les puces électroniques ou autres composants, elles viennent soit des États-Unis, soit de Chine. Nous les utilisons toutes. Aujourd’hui, l’innovation est globale. Les entreprises chinoises sont très ouvertes : elles travaillent avec des fournisseurs du monde entier. Par exemple, nous avons même vendu notre division dédiée aux sièges automobiles à une entreprise étrangère. Si les batteries chinoises sont les meilleures, pourquoi ne pas les utiliser pour rendre les véhicules européens plus performants et compétitifs ? C’est une question de bon sens économique. Refuser les meilleures technologies sous prétexte qu’elles viennent de Chine, ce serait… disons-le franchement, stupide.
Ce que beaucoup n’ont pas compris en Chine, c’est que pour réussir, il faut s’adapter au marché local.
J. A. : Les constructeurs allemands sont très présents cette année au Salon de Shanghai. Volkswagen, par exemple, a annoncé le lancement d'une trentaine de modèles d'ici 2027. Comment comptez-vous faire face cette concurrence ?
S. L. : C’est comme les Jeux Olympiques : il faut participer pour espérer gagner. Vous pouvez perdre une année, mais revenir plus fort la suivante. Si vous n'entrez même pas dans l’arène, vous perdez d’office. Ce que beaucoup n’ont pas compris en Chine, c’est que pour réussir, il faut s’adapter au marché local. Être compétitif, c’est aussi comprendre ce que veut le consommateur. Si vous ne jouez pas le jeu, vous ne pouvez pas gagner. Les constructeurs allemands ont une base industrielle très solide. S’ils parviennent à gagner en efficacité et à être plus innovants et fiables, ils peuvent revenir en force. C’est comme un athlète : avec une bonne préparation et une stratégie claire, il peut redevenir champion.
J. A. : Une dernière question : êtes-vous inquiet pour l’économie chinoise ? Avec les tarifs douaniers, certains parlent d’un ralentissement du PIB à 4 %, voire 2 %.
S. L. : Non, pas du tout. Il n’y a pas de raison de s’inquiéter. La Chine, c’est 1,5 milliard d’habitants, le marché est donc gigantesque. La Chine, c’est comme plusieurs pays en un seul : certains très développés, d’autres en développement ou encore sous-développés. Cela crée un équilibre interne très solide.
(avec Christophe Bourgeois)
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