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Constructeurs

Renault frappe un grand coup en Russie

Publié le 21 décembre 2007

Par Christophe Jaussaud
6 min de lecture
Alors que Nissan serait en train de discuter avec Chrysler, Renault vient d'annoncer un accord stratégique avec AvtoVaz, le premier constructeur russe. Le groupe Français, qui détiendra 25 % du capital, va aider son homologue russe à redresser sa marque...

...emblématique Lada mais également jouer rapidement un rôle plus important sur un marché russe en pleine croissance.

AvtoVaz aiguisait les appétits de nombreux constructeurs, GM, Fiat, Magna en tête, mais finalement Renault sera le partenaire du premier constructeur russe. "Cela fait deux ans que nous discutons avec AvtoVaz, confie Patrick Pelata, directeur général adjoint Renault, nous avons appris à les connaître, mais surtout connaître en détail ce dont ils avaient besoin pour faire des propositions qui leur correspondent. Dès le départ, nous nous sommes placés sur le terrain de l'intérêt commun." Un intérêt quasi vital pour AvtoVaz : "L'entreprise a pris conscience, explique Patrick Pelata, qu'elle ne passerait sûrement pas la prochaine décennie sans entamer le renouvellement complet de sa gamme." Renault s'est donc positionner en partenaire afin d'aider à cette rénovation en apportant moteurs, plates-formes et autres process de fabrication. Russian Technologies et Renault détiendront, une fois l'accord final signé, via une holding détenue à parts égales, 50 % du capital d'AvtoVaz plus deux voix afin d'avoir une minorité de blocage. Mais Renault, qui devrait débourser une somme proche d'1 milliard d'euros pour détenir 25 % du capital (la capitalisation boursière d'AvtoVaz étant proche de 5,5 milliards de dollars donc environ 3,8 milliards d'euros), ambitionne bien évidemment autre chose qu'apporter une simple aide au constructeur russe. Le marché de la Fédération est en passe de devenir le 3e marché mondial, avec une croissance annuelle proche de 20 %, et Renault veut y être un acteur majeur. Même avec l'usine de Moscou, où la capacité de production va pourtant passer à 160 000 dès 2009, il est difficile de suivre la croissance du marché. Ce pourrait être fait, une fois l'usine AvtoVaz de Togliatti en partie rénovée. Située à 1000 km à l'Est de Moscou, elle est sans doute l'une des plus grandes usines automobile du monde. Elle s'étend sur près de 800 hectares quasiment recouverts de bâtiments. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, les coûts de fabrication y seront très avantageux. Ils devraient être proches, d'ici deux ans, de ceux de l'usine roumaine de Pitesti. "Avec AvtoVaz, plus nous aurons de plates-formes et de composants communs localisés en Russie, plus nous réaliserons des économies d'échelle significatives. Chose qu'aucun constructeur ne peut réaliser aujourd'hui en Russie", explique Patrick Pelata. De plus, les coûts de main-d'œuvre à Togliatti sont même plus bas qu'à Saint-Petersbourg ou Moscou. L'amélioration de la productivité du site russe sera le deuxième élément majeur pour Renault. "Plus de productivité va permettre d'augmenter la capacité de production, explique Patrick Pelata. Lada restera prioritaire dans cette organisation, mais des produits Renault auront plus de place du fait de l'augmentation de la capacité. Selon toute vraisemblance, les premières Renault devraient sortir de l'usine dans moins de deux ans. Dans l'immédiat, ou du moins court terme, des mécaniques essences françaises vont équiper des modèles russes actuels. En effet, durant les discussions, les ingénieurs des deux marques ont déjà planché sur le sujet. A l'avenir, la plate-forme M0, base de la famille Logan, sera l'un des piliers de la future gamme Lada, mais le partage des plates-formes B, C voire D n'est pas exclu selon Patrick Pelata. Rappelons que AvtoVaz va devoir remplacer une douzaine de modèles.

"Nos intérêts s'alignent parfaitement avec ceux d'AvtoVaz"

Renault deviendrait-il un spécialiste du low-cost ? Il faut reconnaître que les derniers gros investissements du groupe Français (usine au Maroc et en Inde avec Nissan) ont pour fruits la Logan ou ses dérivés. Patrick Pelata voit la chose sous un autre angle : "J'espère que nous sommes en passe de devenir un spécialiste de la croissance ! Ces 15 dernières années, la croissance sur les marchés matures a été de 0,7 % contre 6,7 % sur les marchés émergents. A l'horizon 2015, ces chiffres seront respectivement de 0 % et de 7 à 8 %. Nos devons donc mener deux batailles bien différentes. Celle sur les marchés matures se fait tout en finesse, sur le positionnement des produits, le marketing ou l'innovation, alors que sur les marchés émergents nous devons offrir ce que les clients veulent mais aussi peuvent se payer. Les 2/3 de la croissance prévus vont se faire sur les segments M0, B entry, C entry et VUL. Un comble que Renault qui est particulièrement bon sur ces quatre segments ne le soit pas à l'international. Nous voulons profiter pleinement de cette croissance tout en restant raisonnables en investissements et en risques." Dans cette optique, l'accord avec AvtoVaz devrait effectivement faire gagner du temps à Renault pour profiter de la croissance du marché russe. Patrick Pelata le reconnaît mais précise immédiatement que "l'on gagne une base de coût excellente si tout est fait correctement. Nous y croyons car une fois de plus, nos intérêts s'alignent parfaitement avec ceux d'AvtoVaz, à savoir, faire naître des économies d'échelle, rénover les fournisseurs et moderniser une partie de l'usine."

"L'exécution de l'accord en fera un succès ou non"

En plus des plates-formes, des mécaniques ou des process de fabrication, les nouveaux partenaires vont également échanger du personnel afin de remettre AvtoVaz le plus vite possible sur les rails. "Nous étions partis à 35 chez Nissan", rappelle Patrick Pelata, comme pour limiter l'importance de la future migration. L'année 2008 devrait voir naître les premiers achats communs, avant que 2009 mais surtout 2010 nous renseignent davantage sur le potentiel de ce partenariat. En attendant, Renault vient de frapper un grand coup en Russie, mais Patrick Pelata prévient : "L'exécution de l'accord en fera un succès ou non."
Après le Japon avec Nissan, l'Inde avec Mahindra, mais aussi des implantations en Roumanie, en Slovénie, en Iran, au Maroc ou en Amérique Latine, Renault continue de tisser sa toile mondiale avec cet accord lui ouvrant le marché russe. Mais le périmètre de l'Alliance Renault-Nissan ne semblerait pas pour autant stabilisé. En effet, Nissan discuterait avec Chrysler selon la presse nippone.
Carlos Ghosn n'avait d'ailleurs jamais fermé la porte à un partenaire américain, même après l'échec des discussions avec GM. Selon le quotidien économique Nikkei, Nissan et Chrysler envisageraient, dans un premier temps, un échange de produits. Le constructeur japonais serait notamment intéressé par les pick-up et les Vans de l'américain alors que ce dernier verrait d'un bon œil l'arrivée dans sa gamme de véhicules compacts tels la Versa. Le Nikkei évoque même des collaborations à plus long terme avec notamment un partage de sites de production. A suivre.

Photo : Carlos Ghosn, Président de Renault et Nissan, Sergey Chemezov, DG de Russian Technologies et Serguei Skovortsov, Président de Troïka Capital Partners, ont signé le 8 décembre dernier un accord posant les jalons d'un partenariat stratégique entre AvtoVaz et Renault.

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