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Constructeurs

Qui pour succéder à Christian Klingler ?

Publié le 14 février 2013

Par Alexandre Guillet
12 min de lecture
Au terme d’une année 2012 marquée par la crise en Europe et les difficultés de nombreux constructeurs généralistes, le jury de l’Homme de l’Année a logiquement pris l’accent allemand, coréen ou encore indien. Les sportifs et les opérateurs de nouveaux services sont aussi en bonne place. Toutefois, le suspense reste entier avant le vote final, aucun dirigeant ne virant vraiment en tête.
Les dix derniers lauréats

Les favoris :

Peter Schreyer - Hyundai-Kia

Déjà cité les précédentes années, Peter Schreyer fait valoir de nombreux atouts. D’une part, sa carrière de designer fait l’unanimité chez Volkswagen, chez Audi – on lui doit notamment la TT – et naturellement chez Kia. D’autre part, comme le souligne un membre du jury, “nous avons désormais la preuve qu’il a parfaitement rempli sa mission en donnant de l’attrait aux modèles de la marque au-delà de la seule Asie”. En effet, arrivé en 2006 à la tête du style de Kia, il a su donner à la marque, quasiment ex nihilo, une identité en Europe comme aux Etats-Unis, deux régions du monde où Kia ne se distinguait guère sur ce critère, pour dire le moins… Si le design ne saurait tout expliquer, naturellement, les résultats commerciaux sont au rendez-vous, Kia affichant une insolente croissance à deux chiffres, même dans une conjoncture défavorable. On ne peut pas vraiment mettre en exergue un modèle emblématique, mais la cohérence et l’homogénéité de la gamme en imposent, au même titre que la juste adéquation avec la demande, la dernière mouture du Sportage en étant une parfaite illustration. Un membre du jury relève d’ailleurs que “le directeur de la qualité de Kia pourrait aussi être élu, tant la marque a fait des pas de géant dans ce domaine. Mais c’est vrai que c’est moins émotionnel que le design”. Enfin, le jury a toujours eu des difficultés à identifier des hommes pour incarner la réussite de Kia, comme de Hyundai d’ailleurs, à l’échelle mondiale. La “famille” Chung apparaît trop lointaine et les grands dirigeants du groupe sont volontiers discrets. Or, avec la récente nomination de Peter Schreyer à la tête du style Hyundai-Kia et à la présidence de Kia Motors Corporation, cet écueil disparaît. Désormais trait d’union, Peter Schreyer permet donc aussi de trouver une incarnation à Hyundai-Kia. De surcroît, l’homme est très agréable, passionné par mille choses, curieux, cultivé et profondément pétri d’humilité.

Ratan Tata - Tata-Jaguar Land Rover

Lui aussi fut déjà cité lors des délibérations des éditions passées, mais 2012 apparaît comme l’année idoine pour consacrer ce grand patron. En effet, Ratan Tata a annoncé à la fin du mois de décembre qu’il quittait la direction du groupe Tata, son remplaçant étant Cyrus Pallonji Mistry. Il conserve cependant des parts importantes dans le groupe. Symbole de la mondialisation en mode BRIC et des “émergents”, Ratan Tata a construit un empire automobile en un temps record, un groupe de surcroît très complet avec Tata, Jaguar, Land Rover, Tata Daewoo Commercial Vehicle et Tata Hispano. “Quelle croissance ! Quel plan produits !”, s’enthousiasme un membre du jury, avant d’ajouter : “Ratan Tata n’est pas qu’un financier hors pair, c’est un grand patron très complet. Il est aussi très accessible et sa simplicité surprend par rapport aux us et coutumes de notre establishment.” Un autre membre du jury tient aussi à mettre en évidence la Nano : “Ce n’est pas le raz-de-marée que certains avaient annoncé et il y a eu quelques problèmes de production, mais ce modèle est bel et bien un succès et une innovation, ce qui a d’ailleurs inspiré d’autres constructeurs.” Mais c’est surtout le sauvetage de Jaguar et de Land Rover qui emporte, voire émeut, le jury. Un sauvetage qui s’est encore confirmé l’an passé, “Jaguar tirant profit de l’essor du Premium à l’échelle mondiale et Land Rover ayant bénéficié du blockbuster Evoque”. A propos de l’Evoque, un membre du jury souligne qu’il n’y a pas de secret : “Un produit à la fois équilibré et légèrement iconoclaste, qui apporte quelque chose de nouveau sur le marché, est presque toujours couronné de succès dans l’automobile.” Dans ce concert de louanges, quelques dissonances peuvent néanmoins se faire jour. “On peut parler d’un renouveau de Jaguar, mais il convient de rester mesuré, car la marque perd encore beaucoup d’argent”, relève un membre du jury, tandis qu’un autre rappelle que “certains produits sont nés sous l’ère Ford, et leur réussite n’est donc pas attribuable à Tata”. A suivre…

Vincent Bolloré - Autolib’ Batscap - Groupe Bolloré

Pour les uns, Autolib’ s’est affirmé comme une incontestable réussite en 2012. Pour les autres, on touche ici à la négation du plaisir automobile, sous presque toutes ses formes (conduite, design, liberté…). Gros clivage garanti ! Même césure à l’hémistiche autour de l’homme. Quand certains voient en lui un “entrepreneur capable de prendre des risques et de faire bouger les lignes, chose plutôt rare aujourd’hui dans le business”, d’autres stigmatisent “un homme d’affaires qui n’a pas forcément que des faits de gloire à faire valoir”. Un membre du jury tente de faire la synthèse : “Il est stérile de vouloir opposer l’automobile traditionnelle à ces nouveaux services qui modifient le paysage établi, surtout en cette période de mutation globale. Bref, on ne peut pas enlever à Vincent Bolloré d’avoir été novateur.” Il s’entend répondre derechef : “Objection votre honneur ! Vincent Bolloré n’a pas la paternité du concept et ce n’est pas non plus un pionnier du véhicule électrique.” Du tac au tac : “Oui, mais il l’a fait ! La mise en œuvre, c’est lui et les utilisateurs parisiens sont séduits pas ces services. Et il y a en plus une réussite logistique et un vrai projet industriel.” Bref, de nouveaux débats passionnés sont attendus le jour du vote…

Sébastien Loeb (*) - Citroën Racing, Champion du monde WRC pour la 9e fois

Déjà élu Homme de l’Année en 2005, Sébastien Loeb trouve encore les faveurs de nombreux membres du jury tant ses performances et ses records laissent sans voix ! Du coup, c’est un concours de superlatifs et une surenchère de louanges ! Plusieurs membres du jury tiennent encore à souligner “le côté droit, sympathique et populaire de l’homme” et militent pour qu’il soit cette fois élu avec Daniel Elena. La cohabitation difficile avec Sébastien Ogier n’a pas entamé son aura et un membre du jury rappelle que “Sébastien Loeb a subi une logique similaire en 2003, acceptant alors de s’effacer au profit de Carlos Sainz. Cela aurait pourtant pu faire aujourd’hui un 10e titre, qui sait ?”.

Norbert Reithofer - Groupe BMW

Régulièrement cité ces trois dernières années, le président du directoire de BMW incarne mieux que personne l’irrésistible succès de son groupe. Une réussite immaculée, avec une croissance sur tous les grands marchés mondiaux l’an passé et des résultats financiers à faire pâlir bien des constructeurs automobiles. Par ailleurs, toutes les marques sont au diapason, BMW, Mini et Rolls-Royce, sans oublier BMW Motorrad. Un membre du jury souligne d’ailleurs qu’alors que “beaucoup de monde pensait que Mini serait un feu de paille, on assiste bel et bien au développement d’une marque en tant que telle. Dans le même ordre d’idées, même si le registre diffère, les dirigeants de BMW ont su redimensionner Rolls-Royce pour maintenir ses positions traditionnelles tout en partant à la conquête des marchés dits émergents, avec des records de ventes à la clé”. En outre, BMW a frappé les esprits sur le Mondial par son aptitude à continuer à innover. La révolution Active Tourer et les modèles i ne sont notamment pas passés inaperçus.

Les outsiders :

Wolfgang Ullrich - Audi Motorsport

Avec son interminable palmarès, le Docteur Ullrich, comme on l’appelle communément, est une nouvelle fois placé sous les feux de la rampe par plusieurs membres du jury. “La victoire d’Audi aux 24 Heures du Mans ajoute une nouvelle ligne à un palmarès exceptionnel ! De plus, après avoir relevé le défi du Diesel en 2006, il a cette fois gagné le pari de l’hybride ! Chapeau bas !”, s’exclame un membre du jury. “C’est aussi un manager et un homme très attachant, à la fois accessible, humble et toujours affable”, renchérit un autre.

Winfried Vahland - Skoda

La progression de Skoda ainsi que la qualité de ses produits ont retenu l’attention de plusieurs membres du jury. “Skoda devient une marque qui compte vraiment et c’est aussi un gros employeur et un important contributeur des résultats du groupe Volkswagen. Autant d’éléments que le passé tchèque et la discrétion de la marque ne doivent pas faire oublier”, souligne un membre du jury. Plus de deux ans après sa prise de fonction, l’efficace Winfried Vahland est incontestablement l’incarnation de cette réussite.

Rupert Stadler - Audi AG

Toujours cité, jamais gagnant… Le succès d’Audi ne laisse personne indifférent, et il est tout à fait logique de le retrouver en embuscade. En effet, comme BMW, Audi brille sur tous les plans : résultats commerciaux, indicateurs financiers, produits, innovation, etc. Derrière cette success-story, on trouve bien sûr la force du groupe Volkswagen, mais aussi la marque d’un grand patron, à savoir Rupert Stadler. Un homme réputé pour sa rigueur et son aptitude à déléguer à bon escient. Mais comme le souligne un membre du jury, “c’est aussi quelqu’un d’accessible et d’enthousiaste, ses bonds de joie après la victoire au Mans en témoignent”.

Sebastian Vettel - Red Bull, Champion du monde de F1 pour la 3e fois consécutive

Le jeune pilote allemand marche dans les pas de son illustre modèle, Michael Schumacher, et avec brio de surcroît ! “Trois titres à son âge, cela le place d’ores et déjà à côté de noms figurant au panthéon de la F1. Sa précocité est inouïe, c’est sensationnel !”, souligne un membre du jury avant d’ajouter : “En outre, c’est quelqu’un de très accessible et abordable, loin de la caricature de certaines divas de la F1. C’est un jeune homme de 25 ans, tout à fait normal et très poli.”

Didier Leroy - Toyota Europe

Bien connu des Français, Didier Leroy a su prendre une nouvelle dimension au sein de Toyota. Une réussite qui s’est encore confirmée en 2012. L’usine de Valenciennes est devenue une référence, presque à contre-courant dans le panorama général, et a même obtenu le label “Origine France Garantie”. Dans le même temps, Toyota parvenait à dégager des profits dans une Europe pourtant bien en berne. Comme le dit un membre du jury, “la discrétion de Didier Leroy ne doit pas obérer ses grandes qualités et ses résultats”.

Gérard Detourbet - Dacia

Plusieurs membres du jury veulent consacrer la réussite de Dacia et de son chef d’orchestre, qui a relevé un nouveau défi en 2012, à savoir le développement de Renault en Inde. “C’est le monsieur low cost du groupe et Dacia est un pari gagné avec des produits qui savent, en outre, devenir de plus en plus séduisants. A grande échelle, c’est Dacia qui sauve Renault”, assène un membre du jury. Certains membres du jury sont moins convaincus, rappelant que ce pari a déjà été récompensé en 2004 avec Georges Douin, quand d’autres préféreraient placer les projecteurs sur la gamme Entry de Renault, supervisée par Arnaud Deboeuf.

Luc Marchetti - Exagon

C’est un peu une surprise, dans la mesure où cette nouvelle marque est aussi élitiste que confidentielle, mais comme le soulignent quelques membres du jury, “c’est surtout une belle histoire, avec un entrepreneur français qui investit sur le haut de gamme automobile, en relevant le défi de l’électrique. Il ose, il a créé quelque 60 emplois à Nevers et les premières exportations de la Furtive, objet de passion, ont été enregistrées en 2012”. Dans un registre similaire, à défaut d’être vraiment comparable, d’autres membres du jury préféreraient alors distinguer Elon Musk, le président de Tesla Motors.

Ils sont cités au moins une fois :

Torsten Müller-Otvös, pour les records de Rolls-Royce
Akio Toyoda, pour le retour de Toyota au premier plan dans le monde
Martin Winterkorn (*), pour le succès en mode rouleau compresseur du groupe Volkswagen
Toni Fernandes, pour la renaissance du mythe Alpine via Caterham
Patrick Gourvennec, pour les résultats de Hyundai en France
Stéphane Peterhansel, pour son nouveau succès au Dakar
Li Shufu, pour avoir replacé Volvo sur de bons rails
Jacques Aschenbroich, pour avoir fait de Valeo un solide géant mondial
Adrian Newey, pour ses énièmes titres en F1 avec Red Bull
Laurent Burelle, pour son charisme et les résultats de Plastic Omnium
Jean-Claude Debard, pour sa passion automobile qui ne doit pas finir en queue de poisson
Dan Akerson, pour le succès mondial de Chevrolet
Frédéric Mazzella, pour les excellents résultats enregistrés par le site covoiturage.fr
Robin Chase, véritable incarnation de l’autopartage
Jürgen Stackmann, pour l’excellent marketing de toutes les marques du groupe Volkswagen
Laurens Van Den Acker, pour avoir redonné un allant certain au design de Renault
Sergio Marchionne (*), pour les résultats de Chrysler et sa stratégie à long terme
Filippo Perini, pour le design de la Lamborghini Aventador
Flavio Manzoni (Ferrari) et Fabio Filippini (Pininfarina) pour le design de la F12 et la passion automobile.

(*) Ils ont déjà été élus Homme de l’Année par le passé.

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FOCUS - Les membres du jury

- Astagneau Denis, France Inter
- Barbe Stéphane, L’Equipe
- Bazizin Luc, France 2
- Bellu Serge, Automobiles Classiques
- Bolle Héloïse, Challenges
- Botella Jean, Capital
- Boulanger Pascal, TF1/LCI
- Bourroux Christophe, RTL
- Calvez Laurent, France 3
- Chapatte Dominique, M6
- Chevalier Jacques, Auto-Addict
- David Christian, L’Expansion
- David Marc, free lance
- Etienne Thierry, Le Figaro
- Feuerstein Ingrid, Les Echos
- Fillon Laure, AFP
- Fréour Cédric, Les Echos
- Frost Laurence, Thomson Reuters
- Gallard Philippe, free lance
- Gay Bertrand, AutostratInternational
- Genet Jean-Pierre, L’Argus
- Genet Philippe, La Revue du Vin de France
- Grenapin Stanislas, Europe 1 / M6
- Jagu-Roche Jean-Pierre, Auto Infos
- Jouany Félicien, free lance
- Lagarde Jean-Pierre, free lance
- Macchia Jean-Rémy, France Info
- Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
- Normand Jean-Michel, Le Monde/Le Monde 2
- Pennec Pascal, Auto Plus
- Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
- Robert Lionel, free lance
- Roubaudi Renaud, free lance
- Roy Frédéric, CB News
- Roy Jean-Luc, Motors TV
- Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune
- Zambaux Guillaume, Le Parisien

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