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Constructeurs

"Porsche a pris un virage salutaire sans toutefois renier ses racines et son héritage"

Publié le 30 octobre 2012

Par Christophe Jaussaud
10 min de lecture
Marc Ouayoun, directeur général de Porsche France - Porté par un riche plan produits, Porsche ne connaît pas la crise mais ne se repose pas sur ses lauriers pour autant. Le concept Panamera Sport Tourismo hybride plug-in en témoigne comme l’arrivée future du Macan. Porsche évolue, son réseau également, pour demeurer une référence.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Malgré le contexte actuel, vous ne semblez pas touchés, avec une croissance de 17,7 % à fin septembre. Comment expliquez-vous ces bons résultats ?
MARC OUAYOUN.
Nous restons conscients du contexte difficile actuel, notamment dans les pays du sud de l’Europe, où même les marques de luxe connaissent des difficultés. Maintenant, en France, nous avons réalisé un très bon début d’année, principalement grâce à notre dynamique produits qui nous permet de proposer une gamme dont l’âge moyen est inférieur à 2 ans. Nous avons lancé coup sur coup la nouvelle génération de 911, qui reste aujourd’hui la référence sur le segment des sportives, puis le Boxster, qui s’est également imposé très rapidement. De plus, nous avons également profité du lancement récent des versions Diesel et hybride de la Panamera, qui nous ont permis d’augmenter notre pénétration auprès des entreprises avec des offres spécifiques de leasing.

D’une manière plus générale, au-delà de notre exceptionnel plan produits, il faut surtout noter l’évolution positive de Porsche. En effet, le constructeur a su appréhender cette problématique européenne, voire française, où les marques de luxe sont souvent stigmatisées au sujet de leur consommation, en répondant de manière exemplaire. Cela se vérifie avec la 911, dont la consommation moyenne est inférieure à 9 litres aux 100 km sur quasiment toutes les versions tout en offrant des puissances de 350 à 400 ch, ou encore avec la Panamera Hybride qui se limite à 159 g de CO2/km. Nous avons fait d’énormes efforts pour concilier sportivité et réduction des émissions. Et nous poursuivons ce travail puisque chaque nouvelle génération de produit affiche des émissions inférieures de 15 %, sans perdre une once de sportivité. Bien au contraire. Le concept que l’on présente ici symbolise cette volonté et marque clairement l’étape suivante, avec l’arrivée de produits hybrides plug-in encore plus efficients. On ne pourra plus dire qu’une voiture de sport est une voiture qui pollue.

JA. Un concept n’étant jamais gratuit, que peut-on attendre, en plus de la chaîne cinématique hybride plug-in, de cette Panamera Sport Tourismo ?
MO.
Ce concept présente l’avenir de Porsche au travers de trois éléments clés. Cette Panamera livre nos futurs codes stylistiques, réinterprétant quelque part le design de la voiture de sport dans des traits encore plus fluides et dans de nouvelles proportions. La fonctionnalité est la deuxième force de ce concept avec sa silhouette de shooting brake. Porsche montre ici qu’il n’est pas antinomique de concilier sportivité et fonctionnalité. Nos produits actuels peuvent d’ailleurs en témoigner, mais là, nous allons encore plus loin. Nous explorons de nouveaux territoires et les premières réactions de nos clients sont prometteuses. Enfin, le troisième point essentiel est la chaîne cinématique hybride plug-in. Une révolution chez Porsche, qui ne se limitera pas à la 918 Spyder. Cette technologie nous permet d’offrir le meilleur des deux mondes avec une autonomie électrique pouvant permettre de parcourir 30 km en milieu urbain sans aucune émission, tout en pouvant envisager de longues distances grâce au moteur thermique. Nous répondons ainsi parfaitement aux attentes de clients sans perdre de vue les fondamentaux que sont l’autonomie et le plaisir de conduire. De plus, cette technologie nous permet également d’anticiper sur la restriction éventuelle des accès aux centres-villes.

JA. Nous venons d’évoquer la 918 Spyder, comment allez-vous utiliser ce produit en France ?
MO.
Déjà, elle sera produite, pour l’ensemble des marchés mondiaux, à 918 exemplaires. Pas un de plus. Comparativement, la Carrera GT avait été produite à 1 270 exemplaires, mais à l’époque, certains pays, comme la Chine par exemple, n’étaient pas réellement concernés. Elle sera donc rare. Cela étant, la 918 sera un formidable ambassadeur, montrant et sublimant la voie choisie par Porsche, qui reste fidèle à ses racines tout en étant capable de répondre aux contraintes et défis du moment. Nos ingénieurs ont offert à cette 918 le meilleur de Porsche. Ils ont travaillé d’arrache-pied, ont défriché de nouveaux territoires pour arriver à des solutions technologiques innovantes qui seront utilisées sur nos véhicules de plus grande série comme la Panamera ou le Cayenne. L’hybridation, bien sûr, fait partie de ces travaux, au même titre que la gestion électronique du freinage, l’optimisation des frottements ou encore la réduction du poids symbolisée ici par l’utilisation d’une pompe à huile en matériaux polymères.

JA. A l’opposé de la 918, votre petit SUV, le Macan, se profile et sera un élément déterminant dans la croissance annoncée par Porsche, qui veut atteindre 200 000 ventes mondiales à l’horizon 2018. Comment cela va-t-il se traduire en France ?
MO.
Le Macan est une vraie chance pour notre marché. Ce crossover, typiquement Porsche, va nous permettre d’augmenter nos volumes de manière significative à partir de 2014. Toutefois, nous restons une marque exclusive. Certes, nous allons dépasser nos 3 000 unités actuelles, sans doute atteindre 4 000 unités, mais au-delà, cela va dépendre du contexte économique et de facteurs liés à la conjoncture en France. Je suis très confiant pour le Macan, notamment auprès des chefs d’entreprise, des PME, mais aussi des top managers de grands groupes pour lesquels nous aurons une offre adéquate, notamment en termes de CO2.

JA. Faudra-t-il faire évoluer votre réseau pour accueillir le Macan ?
MO.
Nous n’allons pas changer la physionomie de notre réseau. Aujourd’hui, un centre Porsche français réalise, en moyenne, 90 à 100 ventes de VN par an. Demain, avec le Macan, notre objectif n’est pas de multiplier les points de vente, mais au contraire de faire que les centres existants augmentent leurs ventes afin d’atteindre une taille suffisante pour, notamment, pouvoir investir dans la qualité de nos services. Quant à notre maillage, nous avons aujourd’hui quasiment couvert l’ensemble des zones souhaitées. En effet, Tours, Caen, La Rochelle et Avignon comptent aujourd’hui un centre Porsche. L’un de nos derniers points à couvrir est Nancy et ce sera chose faite lors du lancement du Macan. Notre réseau est aujourd’hui cohérent et chaque centre Porsche est capable d’accueillir 30 à 40 % de volume supplémentaire.

JA. Le réseau Porsche est connu pour être l’un des plus rentables. Avec l’arrivée du Macan, le restera-t-il ?
MO.
Nous allons tout faire pour rester le constructeur, et donc le réseau, le plus rentable. Nous voulons que notre réseau investisse pour tirer le meilleur des produits qu’offre le constructeur. Maintenant, il est clair que notre réseau doit encore faire des efforts pour se professionnaliser d’avantage. Nous avons engagé cette démarche depuis plusieurs années, mais nous devons encore intensifier nos efforts, même si certains indicateurs de qualité sont en forte hausse. Notre réseau ne doit plus seulement être un réseau de ventes, mais un réseau qui distille une expérience client exclusive, conforme à l’image de la marque, quelle que soit l’étape que le client vit dans nos concessions. Pour cela, nous investissons beaucoup dans la formation.

JA. Quelle est la nature des investissements directs de Porsche France ?
MO.
Nous avons doublé nos équipes terrain afin d’avoir une vision globale, mais très précise, sur les problématiques de notre réseau, aussi bien au sujet des ventes que de l’après-vente. Ce changement s’accompagne aussi d’un dédoublement du nombre d’heures de formation par collaborateur. C’est un processus très lourd, mais indispensable.

JA. Rencontrez-vous, et votre réseau également, des difficultés de recrutement ?
MO.
Il s’agit effectivement d’un thème difficile. Trouver la bonne personne reste toujours difficile, d’autant que nous avons de vraies exigences. Nous devons vraiment intégrer le bon profil, capable d’assimiler cette vision définie avec la maison mère, touchant aussi bien aux standards de distribution, aux outils informatiques qu’à la CRM. Vous comprenez donc mieux pourquoi nous avons doublé nos heures de formation et nous appuyons aussi, à l’échelle européenne, sur des “assessments” pour les managers et les responsables de site. Ces mises en situation seront bientôt étendues aux vendeurs car, aujourd’hui, vendre des Porsche n’est pas un bâton de maréchal. Il faut être bien formé, avoir une bonne approche, être performant sur la relance, sur le travail des fichiers, le suivi des leads, etc. Porsche évolue et nous devons aller chercher de nouvelles clientèles, parler aux entreprises, aux professions libérales, mieux faire connaître nos offres. Cette professionnalisation est indispensable, comme le fait de définir un potentiel et de l’exploiter au maximum dans cette optique d’équilibrer l’offre et la demande afin de préserver nos valeurs résiduelles.

JA. Nous avons souvent évoqué les entreprises dans notre discussion. Justement, quelle part représentent-elles dans vos ventes ?
MO.
Même si cela peut paraître surprenant, Porsche a été, en 2011, la première marque en pénétration aux entreprises. En effet, elles ont représenté près de 38 % de nos ventes et cela touche aussi bien la 911 que le Cayenne ou la Panamera. Notre offre est de plus en plus adaptée, mais nous nous sommes structurés avec la nomination chez Porsche France d’un responsable dédié à ces ventes. De plus, nous sommes également très actifs aux côtés du réseau, en organisant de nombreux événements locaux, avec notamment l’intervention de fiscalistes, spécialistes de la fiscalité automobile, démontrant qu’il est possible pour une entreprise de proposer une Porsche à un coût très compétitif. Le Macan sera un atout supplémentaire sur ce marché et nous estimons que 30 à 40 % de ses ventes pourraient être réalisées auprès des entreprises.

JA. Depuis le mois d’août dernier, Porsche a officiellement rejoint le groupe Volkswagen. Si les synergies produits n’ont pas attendu cette intégration, pour vous, filiale française, quels peuvent être les changements au quotidien ?
MO.
Les synergies vont être nombreuses au niveau industriel, dans la R&D et les achats. Au regard d’une industrie automobile qui doit relever d’immenses défis dans les dix années à venir, le fait que Porsche rejoigne le groupe Volkswagen est une chance énorme.

Quant au quotidien, en France, nous n’avons pas attendu le mois d’août dernier pour développer des synergies avec le groupe Volkswagen. Pour l’heure, elles portent sur les offres d’emplois et les achats. Vous imaginez bien que la puissance du groupe est très utile dans de nombreuses situations comme les appels d’offres pour un salon ou pour l’achat d’un logiciel. Cela fonctionne très bien et nous allons encore élargir les domaines sur lesquels nous allons pouvoir travailler ensemble.

JA. Je vous laisse le mot de la fin…
MO.
Nous évoluons aujourd’hui dans un environnement où le rêve automobile est attaqué et cela oblige presque à sa redéfinition. Nous sommes de plus dans un pays qui a une relation difficile et paradoxale avec l’automobile car à la stigmatisation, répond une réelle passion. Le Mondial de Paris demeure d’ailleurs le salon le plus fréquenté au monde. Nous le voyons également chez Porsche avec un nombre important de revues dédiées à notre marque. Dans ce contexte, Porsche a pris un virage salutaire sans toutefois renier ses racines et son héritage. Notre retour aux 24 Heures du Mans avec une technologie hybride en témoigne. J’espère que nous pourrons poursuivre notre travail dans ce sens. Que l’on arrête de stigmatiser l’automobile haut de gamme qui génère une valeur ajoutée nécessaire à cette industrie européenne. La réaction de la France est d’autant plus incompréhensible qu’elle s’illustre mondialement dans cet univers grâce à la joaillerie, la maroquinerie ou la parfumerie. La montée en gamme de la production automobile européenne, où de nombreux fournisseurs français sont d’ailleurs en bonne place devrait au contraire être une fierté, être soutenue. Tout le monde serait gagnant.
 

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