Peugeot brade sa 1007
...Peugeot annonçait vouloir vendre 23 000 unités de sa compacte 1007 dans l'Hexagone, soit 1.12 % de part de marché. Des prévisions un brin ambitieuses et finalement bien irréalistes, puisque le constructeur français aura péniblement réussi à atteindre 13 686 immatriculations l'année dernière. C'est ce que l'on appelle un four. Alors, comme pour se persuader que la 1007 peut encore séduire - quitte à la brader pour y arriver - la marque au Lion s'est affichée sur le Web auprès de la "solderie" Vente-Privée.com. Au terme de la première journée, 61 des 96 véhicules proposés à la vente par Peugeot étaient d'ores et déjà réservés, acompte de 500 euros payé. C'est ce que l'on appelle un succès. Et pour cause. Ces 96 petites 1007 étaient "soldées" à, en moyenne, -31 %. Une affaire en or pour les automobilistes. A titre d'exemple, le modèle Dolce Pack 1.6 2-Tronic, proposé en concession à 20 270 € se vendait sur la Toile 13 990 €… soit une décote de 30 %. Un prix quasi dérisoire à payer pour devenir l'heureux propriétaire d'un véhicule neuf... ou presque. En effet, si les véhicules proposés affichaient un kilométrage proche de 0, ils étaient tous déjà immatriculés et dormaient sur le parking de SVO depuis près d'un an.
Si le constructeur a pu tirer autant les prix, "c'est, explique Jacques-Antoine Granjon, président de Vente-Privée.com, principalement parce que ces véhicules ont été fabriqués en 2004 et qu'à la date où nous sommes, il y a une décote fiscale. C'est également parce que Peugeot contrôle ainsi totalement ses ventes, sans passer par son réseau, donc sans concéder de marges."
"Nous avons été mis devant le fait accompli"
Autant dire qu'au sein du réseau Peugeot, le sujet fâche. D'autant que personne, pas même le GCAP, n'avait été mis au courant préalablement, certains distributeurs ayant même appris la nouvelle par voie de presse. Certes, Paul Sévin, directeur commercial France de Peugeot a fini par s'adresser au réseau… la veille de la mise en vente. "Nous avons été mis devant le fait accompli", s'insurge Eric Neubauer, dirigeant du Groupe du même nom. D'après Jean-Luc Coquelin, cadre du Groupe Bossart, "le courrier se veut rassurant. Paul Sévin y explique qu'il ne s'agit là que d'un test". Mieux : la vente ne serait qu'une "opération promotionnelle exceptionnelle". Pas de quoi s'inquiéter en somme. Mais qui dit test dit suite. Ce que nous confirme Jacques-Antoine Granjon : "Cette vente de 1007 est, pour Peugeot, une sorte de test. Si la vente est concluante, et elle en prend le chemin, il est possible que ce type d'opération se reproduise." Peugeot se mettrait donc à faire de la vente directe. Ce n'est pas une nouveauté, près d'un quart des ventes VN de la marque sont réalisées en direct, mais pas au grand public. "Que reste-t-il alors de notre contrat de distributeur ?", s'interroge Eric Neubauer. Et Bruno Courtois, président Europe du GCAP d'ajouter : "Cette décision remet sérieusement en cause notre légitimité de distributeur."
Peugeot ferait donc de la concurrence déloyale au réseau Peugeot. Une concurrence qui pourrait, dans les hypothèses les plus pessimistes, aller bien au-delà d'une poignée de 1007. "Si notre marque décide de renouveler l'opération, il y a évidemment des chances pour qu'elle ne se limite pas à ce seul véhicule". Renault avait tenté de commercialiser sur un point de vente en propre ses véhicules "préimmatriculés en fin de vie" mais avait dû abandonner le projet sous la pression du réseau.
Le réseau devra-t-il s'aligner ?
Les distributeurs angoissent déjà à l'idée de devoir expliquer à leurs clients qu'ils ne peuvent pas leur faire de rabais aussi importants que sur le site Vente-Privée.com. "Il va y avoir un amalgame, c'est évident. Cela va perturber le réseau", s'inquiète Eric Neubauer. "Allez expliquer à un client qu'on ne peut pas lui faire 30 % alors que c'est possible sur Internet !" Le réseau lui-même utilise ce canal pour déstocker, mais discrètement, pas sur leur site officiel et jamais avec de telles décotes. Sur le site Stockauto par exemple, une 1007 neuve (non immatriculée) est proposée par des concessionnaires avec une remise maximum de 19 %. Devront-ils désormais s'aligner sur les tarifs du constructeur ? "Peugeot décourage clairement ses concessionnaires en faisant cela, estime Bruno Courtois. D'autant qu'il y avait probablement d'autres moyens plus intelligents, en interne, de vendre 96 véhicules."
500 000 clients potentiels en une journée
A toute cette grogne, Peugeot oppose un argument : les véhicules concernés par cette vente auraient été proposés au réseau avant d'être bradés sur le Net. Proposition que les distributeurs de la marque auraient refusée. "C'est vrai, admet Jean-Luc Coquelin. Les 1007 sont des véhicules qui restent très longtemps en stock. Reprendre les mêmes modèles, même en occasion, c'est saturer encore plus nos stocks au détriment d'autres véhicules qui, eux, fonctionnent mieux. Lorsque l'aquarium est plein, on ne peut pas le remplir davantage." Si Peugeot SVO avait proposé ces véhicules au réseau avec des remises de 40 %, les choses auraient peut-être été différentes mais il ne va pa sau-delà de 25 % de décote.
On comprend mieux pourquoi 500 000 clients potentiels ont visité la vente en une seule journée. Même pendant "Les Bonnes Affaires", les distributeurs Peugeot ne peuvent en espérer autant. Quant au site Internet du constructeur au Lion, il rassemble 600 000 visiteurs… par mois. Reste à savoir si les sites Web de ventes de véhicules d'occasion ont, eux, accueilli la nouvelle d'un tel test avec plus de philosophie. Le doute est permis. Quant au réseau il envisage d'ores et déjà, et à plus forte raison si le test se reproduit, d'intenter une action juridique contre Peugeot France.
Ambre Delage
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