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Constructeurs

Nicolas Wertans, président de BMW Group France : Le segment du Premium a un potentiel important en France

Publié le 28 septembre 2007

Par Alexandre Guillet
9 min de lecture
Neuf mois après son arrivée à la tête de BMW France, Nicolas Wertans nous livre son analyse des forces du groupe, ses ambitions, ainsi que sa vision de l'avenir de l'automobile.Journal de l'Automobile. Comment...
Neuf mois après son arrivée à la tête de BMW France, Nicolas Wertans nous livre son analyse des forces du groupe, ses ambitions, ainsi que sa vision de l'avenir de l'automobile.Journal de l'Automobile. Comment...

...définiriez-vous l'ADN du groupe BMW en général et la marque BMW en particulier ?
Nicolas Wertans. Si on évoque l'ADN du groupe, cela nous renvoie à une compétence de motoriste aéronautique, point de départ d'une aventure qui fête cette année ses 90 ans. La seconde étape, c'est la moto puis l'automobile qui intervient immédiatement ensuite. Cette tradition de motoriste est donc la racine culturelle du groupe BMW. Si on se concentre aujourd'hui sur la marque BMW, nous avons la chance d'être une marque très clairement définie, comme l'illustre d'ailleurs notre signature de marque, "le plaisir de conduire". Tous nos véhicules sont conçus dans cette optique. A l'échelle du groupe, la stratégie est de concentrer 100 % de nos ressources sur le segment Premium, sans que cela soit une question de taille de véhicules. C'est notamment la genèse du re-lancement de la marque Mini, avec un succès probant à ce jour que nous devrons confirmer. Car il ne faut pas se tromper, ce n'est pas une rente de situation, c'est une étape de la construction pas à pas de la stratégie d'une marque et chaque année nous relevons de nouveaux défis. Enfin, l'activité Motorrad est essentielle : elle fait partie intégrante de l'image du groupe BMW, même pour ceux qui ne sont pas motards.

JA. A propos d'image Premium, les nombreuses BMW tunées, reines des banlieues, vous irritent-elles toujours autant ?
Non, surtout que nous pourrions le prendre sous un angle flatteur. A savoir que les plus grandes marques du monde sont plagiées, copiées ou utilisées par ceux qui veulent accéder à un monde auquel ils aspirent. C'est par exemple aussi le cas de Chanel, Rolex ou Lacoste. Cependant, il ne faut pas exagérer ce phénomène qui reste marginal et tend de surcroît à s'estomper.
C'est une situation contre laquelle nous ne pouvons rien et qui ne nous dérange pas, d'autant que cela n'émeut guère nos véritables clients.

JA. Les objectifs de vente du groupe sont connus : 1,4 million d'unités en 2007 et 1,6 en 2010. Vous répétez à l'envi que les objectifs de BMW France consistent à évoluer à un rythme légèrement supérieur à celui du groupe, n'est-ce pas audacieux alors que vous êtes sur un marché mature et très concurrentiel ?
Nous voulons naturellement participer à la croissance du groupe, qui affiche des objectifs ambitieux. Nous ne sommes pas un village gaulois et nous ne pouvons pas nous soustraire à cette ambition. Mais nous sommes aussi des compétiteurs, donc nous affichons la volonté de faire un peu mieux, un peu plus. C'est un challenge plus motivant. Le marché français est certes mature, mais on ne peut pas forcément en dire autant du segment Premium. Au contraire, ce segment a un potentiel assez important, probablement supérieur à celui du marché global. En effet, regardez la courbe des milieux socio-économiques en France : vous savez que les gens, par leur pouvoir d'achat et leurs aspirations sociales et culturelles, vont tendre soit vers des achats très économiques, soit vers des achats de qualité, de valeur et d'image. C'est aussi valable pour les costumes, les téléphones portables, les montres, bref tous les objets culturels ou artistiques. Nous savons donc tous, depuis un certain temps déjà, que la segmentation du marché français va s'écarteler un peu plus entre les deux extrêmes.

JA. Quels sont les freins que vous identifiez à un développement plus significatif du Premium en France ? Les constructeurs nationaux en sont-ils un ?
Non, les constructeurs nationaux représentent plutôt une opportunité pour le segment Premium. S'ils souhaitent y participer, ils vont le rendre plus dynamique, en augmentant sa résonance et en facilitant son acceptation sociale. Ce dernier point est sans doute le vrai frein au développement du Premium. De toutes les façons, et le sort réservé à notre nouveau Président de la République le prouve, en France, on a du mal à accepter le succès. Notre société est réfractaire à ceux qui acceptent de montrer qu'ils ont réussi, et au bonheur dans cette réussite, sans ostentation. Ce frein va se lever par l'évolution de la société, et encore plus vite si les constructeurs français se positionnent sur le Premium.

JA. Au-delà du Premium, le groupe est aussi bercé par une tradition d'innovations : sur quelles technologies misez-vous pour l'avenir ?
Nous n'allons pas renier nos gènes historiques : nous sommes une marque sportive, ce qui ne rime pas avec irresponsabilité ou agressivité comme on veut parfois le faire croire. Chacun aspire à être plus sportif, plus jeune, à progresser dans la société. Ces aspirations, nous y répondons avec nos véhicules, certes Premium mais pas inaccessibles, avec un cœur sportif et une âme responsable. Notre programme Efficient Dynamics en témoigne et il a pris de court la concurrence, Premium comme généraliste. Nous avons anticipé le changement de la société vis-à-vis de l'environnement. Nous répondons déjà à cet enjeu, pas avec des vœux pieux ou un modèle représentant 1 % de notre mix de ventes, mais avec l'ensemble de notre gamme et notamment notre cœur de gamme.

JA. Vous qui avez une formation d'ingénieur, quel regard portez-vous sur les solutions qui s'annoncent avec l'hydrogène ?
Je trouve cela extraordinaire de voir que les constructeurs ont une vision à 10 ou 15 ans pour développer dès aujourd'hui des solutions de demain. Surtout à une époque où des pans de l'industrie automobile se revendent à des fonds qui ont une vision financière à 3 ou 5 ans. C'est courageux, ambitieux et responsable, car on prépare l'opinion, et peut-être plus encore les hommes politiques, à comprendre les solutions d'avenir. Avec l'hydrogène, on lève un voile sur l'avenir. Avec un engagement à moyen ou long terme. Chez nous, ce sera un véhicule haut de gamme destiné à la série dans 10 ou 15 ans.

JA. D'ici 20 ans, pensez-vous que la voiture aura toujours droit de cité dans nos villes ?
Est-ce que vous croyez que le téléphone portable, les montres seront interdits de cité dans 20 ans ? Est-ce qu'on achètera tous les mêmes objets ? Serons-nous comme des pingouins sur la banquise allant simplement d'un point A à un point B… Ce n'est pas raisonnable. En fait, la voiture sert actuellement de bouc émissaire face à l'absence de vision stratégique des hommes politiques… C'est un faux débat, une catastrophe en terme de responsabilité politique ! La voiture est un élément de liberté indiscutable. Et en plus, c'est un élément de plaisir et de personnalité. Peut-on décider que dans 20 ans on aura moins de liberté et moins le droit d'avoir du plaisir ? Peut-on ainsi castrer la société ?

JA. Revenons à l'organisation du groupe, vous vous appuyez sur de nombreux partenariats avec des équipementiers, comme Bosch par exemple, et des constructeurs : que vous apportent-ils ?
Si vous prenez le cas précis de Bosch, vous pouvez notamment stigmatiser l'innovation du Stop&Start. Elle a été possible grâce à un partenariat qui va au-delà de l'achat de composants et crée de l'échange de savoir-faire et une réelle proximité. Dans ce cadre, tous les problèmes sont réglés bien en amont et vous implémentez une innovation parfaitement assumée. Par ailleurs, les partenariats avec d'autres constructeurs sont utiles et nécessaires. Si les constructeurs se comprennent bien, c'est une source de valeur ajoutée avec un intérêt économique évident.

JA. Le réseau a récemment accueilli des nouveaux venus, quels sont vos critères d'entrée ?
Je tiens à préciser que les mouvements du réseau sur les 6 ou 8 derniers mois ont été mûris et entérinés de longue date. Il n'y a pas d'initiative personnelle de qui que ce soit dans ce dossier, c'est la stratégie du groupe. En ce qui concerne notre cahier des charges, je vais utiliser l'analogie du sport, de la voile puisque le groupe est très présent dans cette discipline. Quand vous préparez une régate, vous réunissez la meilleure équipe, qui comprend la stratégie globale, les objectifs intermédiaires, et connaît les moyens pour y parvenir. L'équipe doit être plus forte que la somme des individus. Et une fois la régate lancée, on ne peut pas s'arrêter ou sauter en disant "je ne savais pas".

JA. Quel regard portez-vous sur le phénomène de concentration dans la distribution ? Est-ce une opportunité pour BMW ?
Au sein de notre réseau, nous avons une grande diversité qui va jusqu'aux extrémités du spectre : de grands groupes très structurés et des concessionnaires locaux et régionaux très performants. La taille de nos partenaires importe peu et ils sont tous traités sur un pied d'égalité. L'idée étant naturellement de pouvoir s'appuyer sur le profil le plus approprié selon la zone de chalandise donnée. Bref, ce mix de distribution nous convient et nous avons créé les conditions économiques pour que chacun puisse trouver son intérêt en nous représentant.

JA. En avril dernier, vous affirmiez dans nos colonnes que le réseau n'était pas suffisamment rentable: qu'entendez-vous par là ?
Tout le monde partage cette vision. La rentabilité a baissé ces dernières années et ce n'est pas satisfaisant. Si vous voulez demander à un réseau d'investir pour être toujours plus performant dans la représentation qualitative d'un groupe, il doit en avoir les moyens. Il faut donc gagner aujourd'hui l'argent qu'on devra investir demain. En outre, ce sont des investisseurs privés qui doivent rentabiliser leurs investissements. Et si c'est le cas, le constructeur en profite aussi.

JA. Que répondez-vous à certains distributeurs qui vous reprochent de faire une course aux volumes ?
Je ne sais pas de quoi vous parlez. D'autant que s'il y a bien une chose qu'on ne peut pas me reprocher, c'est la course au volume. Je viens d'un constructeur généraliste et que je connais les écueils de ce type de course. Mais j'insiste bien sûr sur les objectifs et les performances, car dans notre domaine hyper concurrentiel, seuls ceux qui gagnent seront vivants demain.

JA. Que répondez-vous aux distributeurs qui trouvent que l'investissement sur Mini est trop important par rapport au volume ?
Le distributeur a le droit de se poser la question de son investissement. Pour Mini, nous faisons une préconisation très claire à chacun de nos distributeurs selon leur profil et leur zone de chalandise. Nous n'emmenons personne à l'abattoir et beaucoup de gens ont tout de même profité du succès de Mini ! Et ce sera encore le cas en 2007. Chacun reste donc libre de son choix.
JA. Quelles sont vos priorités en matière d'après-vente ?
La qualité et l'accessibilité. L'après-vente fait partie du Premium. Nous devons proposer une prestation irréprochable et différenciée. Mais à des tarifs accessibles, notamment pour les primo-accédants, qui sont d'ailleurs souvent surpris de découvrir nos tarifs raisonnables en entretien. Grâce à une politique élaborée de forfaitisation, notamment. Au final, sous l'angle des tarifs, nous ne sommes pas éloignés des généralistes.

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