Le scandale Volkswagen révèle un polyèdre complexe
Alors qu’on pensait la forteresse de Wolfsburg imprenable, elle s’est brutalement fissurée le 18 septembre dernier sous l’effet d’une annonce de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) dénonçant une fraude du groupe Volkswagen sur les émissions polluantes. Rapidement, l’onde de choc devient mondiale et rapidement, on apprend que 11 millions de véhicules sont concernés (5 millions de Volkswagen, 2,1 millions d’Audi, 1,2 million de Skoda, 700 000 Seat et 1,8 million de véhicules utilitaires). La réputation de rigueur du site industriel Allemagne et son image de qualité étant écornées, Angela Merkel et la classe politique allemande s’en émeuvent. Il apparaît assez vite que Francisco Posada Sanchez, ingénieur travaillant pour l’organisation indépendante International Council on Clean Transportation, a informé l’EPA, mais aussi la direction de Volkswagen, de ces résultats alarmants, mettant au jour des dépassements de seuils d’émissions polluantes parfois très élevés, au fil de ses travaux.
La double peine du “pollueur-tricheur”
Dès lors, pourquoi le groupe Volkswagen n’a-t-il pas réagi ? Vraisemblablement parce que la guerre des chefs qui mine l’état-major du groupe depuis de longs mois a créé de l’inertie. En clair, celui qui prenait ses responsabilités en tentant de désamorcer la bombe s’excluait de la lutte du pouvoir. Toujours est-il que la double peine, “pollueur” mais aussi “pollueur-tricheur”, la thèse de la couche logicielle fraudeuse étant promptement dévoilée et reconnue, s’abattait sur le groupe Volkswagen. Situation intenable et Martin Winterkorn, président du directoire du groupe, présentait sa démission. Inéluctablement acceptée. Et entraînant la chute de nombreux autres dirigeants, notamment dans les plus hautes fonctions de l’ingénierie et de la R&D. Matthias Müller, pur produit du groupe ayant su ménager les susceptibilités des familles Porsche et Piëch et des différents clans du board, succède à Martin Winterkorn et annonce derechef un vaste plan de réorganisation du groupe : moins de centralisation pour un renforcement des marques et des régions, élargissement du périmètre de Porsche à Bentley et Bugatti, nominations à des postes clés (Winfried Wahland à la tête de la nouvelle région Amérique du Nord, Luca de Meo à la direction de Seat…), etc. Ironie de l’histoire, cette réorganisation épouse la volonté de changement affichée par… Martin Winterkorn au début de l’été, quand il avait notamment déclaré : “Volkswagen doit devenir plus flexible, plus rapide et plus agile. Notre entreprise est bien plus que la somme de ses parties et cela exige un juste équilibre entre une direction centralisée et une plus grande indépendance de chacune”.
Dangereux ricochets…
Pour Volkswagen, le coup est rude et le groupe a d’ores et déjà provisionné 6,5 milliards d’euros pour orchestrer sa campagne de rappel et faire face à de probables amendes. Les objectifs du Plan 2018, jusqu’ici exécuté avec une précision d’orfèvre, prennent aussi un temps de retard. Mais inutile d’extrapoler outre mesure, car comme l’indique Maxime Alimi, du groupe Axa, “l’impact du choc est incertain dans sa magnitude comme dans sa durée”. Au-delà du groupe en tant que tel, l’affaire Volkswagen met aussi en lumière des nœuds de tension dans les coulisses de l’industrie automobile. Tout d’abord, le rôle des autorités américaines pose des questions de partialité. En effet, l’hypothèse d’une amende de 18 milliards de dollars semble bien disproportionnée par rapport aux 900 millions de dollars d’amende que payera GM pour avoir dissimulé des informations concernant un défaut mécanique lié à la mort de 124 personnes et à une centaine de blessés. Pour un français, les épisodes Alstom ou BNP Paribas sont encore dans les têtes…
Guerre de lobbying
En outre, en toile de fond, on trouve aussi l’épineux dossier des négociations sur le TTIP, sachant que pour l’automobile, l’accord aurait été très favorable aux Européens, constructeurs allemands en tête. Par ailleurs, cette affaire redonne une nouvelle chambre d’écho aux adeptes du Diesel-bashing et du “tous pourris”. Pourtant, tous les constructeurs affirment, par la voix de l’ACEA et de son président Carlos Ghosn, qu’ils ne satisferont pas aux futures normes européennes d’anti-pollution sans les dernières générations de Diesel. A l’heure où les négociations sur les seuils de pollution à l’horizon 2020 s’invitent dans les agendas, cela promet de sévères combats entre lobbyistes, rôle dont l’affaire Volkswagen permet de (re)prendre toute la mesure. Surtout quand on fait mine de redécouvrir que le groupe Volkswagen a bénéficié, ces dernières années, de 4 milliards d’euros d’aides pour développer des moteurs propres de la part de la… Banque d’investissement européenne. Quand on vous dit que ce que le début…
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