Le réseau Honda lance la bataille contre le nouveau contrat de droit britannique

Les tensions s'accentuent entre Honda et son réseau. En France, le groupement des concessionnaires a en effet mandaté Maître Renaud Bertin pour s'opposer au nouveau contrat que la filiale européenne souhaite faire signer à ses distributeurs.
Rappel des faits : au dernier trimestre 2024, Honda envoie un courrier de résiliation à son réseau européen. Il n'est pas ici question de contrat d'agent, le constructeur conservant celui de concessionnaire, mais il a pour ambition de restructurer en profondeur son réseau avec pour objectif de réduire le nombre de points de vente. Une décision qui passe mal d'autant plus que certains acteurs historiques sont touchés par cette restructuration.
Une clause illégale
Selon nos informations, le réseau, qui est actuellement constitué de 84 points de vente détenus par 50 investisseurs, perdrait 18 adresses, pour tomber à 66 sites. Un choix assumé par la filiale lorsque nous l'avions contactée en décembre 2024.
Mais le litige principal porte sur une des dispositions de ce nouveau contrat. Honda Europe, qui est basé au Royaume-Uni, impose à son réseau européen de les signer sous le régime de droit britannique. "Ce contrat, dans sa version actuelle, s’avère purement et simplement inédit au regard de ceux qui les ont précédés et de ceux en vigueur dans les réseaux de marques importées et distribuées en France et en Europe", s'insurge Maître Renaud Bertin.
"En effet, tous ces contrats, que ce soit en France ou dans les autres états membres de l’Union européenne, ont toujours stipulé que les juridictions compétentes pour connaître de leur application étaient celles du lieu de leur exécution, très souvent les juridictions des capitales de ces États, complète-t-il. De même, tous ces contrats ont toujours été régis par le droit du pays du lieu d’exécution de ces contrats, en l’occurrence celui du pays du distributeur."
Des litiges à juger en France
Dans un courrier adressé à Honda France, ce dernier a rappelé à la filiale française que "en cas de contentieux entre un membre d'un réseau de distribution sélective à son fournisseur (rupture de contrat, traitement discriminatoire, abus de position dominante, violation du droit de la concurrence ou brusque rupture d'une relation commerciale établie...), [ces derniers] relèvent de la compétence exclusive des huit tribunaux spécialisés désignés par décrets (Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes) et en appel des décisions rendues par ces tribunaux, de la seule Cour d'appel de Paris."
"Si l'on comprend bien le sens de cette clause éditée par Honda dans le but de simplification d'avoir un seul contrat avec un seul droit et un seul juge, cette mesure soulève plusieurs problèmes, poursuit Maître Renaud Bertin. Le premier est une question de territorialité : le Royaume-Uni, qui dispose d'un droit spécifique, ne fait plus partie de l'Europe". De plus, il soulève le coût exorbitant d'une procédure judiciaire en cas de litige.
"Dans les faits, cette clause de contrat voulu par Honda Europe reviendrait à priver les concessionnaires de s'opposer au constructeur et de faire valoir leurs droits", lâche l'avocat.
Honda se défend
Ce en quoi Honda se défend. Dans un courrier adressé au réseau français fin janvier 2025, Honda France a indiqué que la filiale européenne a mis en place "des mécanismes de règlements des différends accessibles et efficaces".
Le courrier indique "qu'un processus de médiation, accessible à tous les concessionnaires français et permettant aux partie de demander à recourir à un médiateur expérimenter et/ou parlant français a été mis en place". Et d'informer le réseau du coût d'une telle démarche, calculé en fonction du montant de la demande et du temps passé sur le dossier.
Honda France précise que "le taux de médiation commerciale est très élevé, 93 % des affaires étant résolues le jour même ou peu de temps après". Et en cas de contentieux, "toute procédure judiciaire nécessaire sera examinée par des juges anglais dont l'expertise en droit de l'Union européenne est rétablie et reconnue". "Une action au coût monumental pour le réseau en cas de litige ", balaie maître Renaud Bertin.
Pas de décision unilatérale
Le réseau français est-il le seul dans cette situation ? Selon nos informations, le réseau néerlandais regarderait de très près ce nouveau contrat. "Le constructeur japonais ne peut pas imposer unilatéralement la juridiction britannique en cas de litige", résume Maître Renaud Bertin. Or, c'est bien ce qui est demandé aux concessionnaires.
"La solution serait que Honda Europe laisse le choix du tribunal du ressort de l'une ou de l'autre des parties, en l'occurrence en France ou au Royaume-Uni", poursuit-il. Mais pour l'instant, il ne semblerait pas que Honda change de position.
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Suite à notre article, Honda France a souhaité apporter cette précision :
"La succursale française de Honda Motor Europe appartient à l'entité juridique Honda Motor Europe Limited, enregistrée et ayant son siège au Royaume-Uni. C'est sur cette base que le droit anglais a été retenu afin de simplifier et harmoniser la documentation contractuelle au sein de toute l’Europe.
La validité de cette approche, déjà déployée dans l’ensemble des pays européens où Honda distribue ses produits, a été confirmée par nos conseils juridiques. Ces derniers ont attesté de sa conformité avec le droit international (y compris les conventions internationales signées par la France) ainsi qu’avec la jurisprudence française et rejettent fermement l’analyse de Me Bertin concernant une quelconque illégalité.
Honda accorde une importance particulière à son partenariat avec son réseau de concessionnaires, avec lequel il continue de discuter de ce nouveau contrat et, comme convenu avec Me Bertin, prépare une réponse officielle à ses affirmations, détaillant précisément sa position et ses arguments juridiques".
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