L'Alliance : le jour d'après
"De manière unanime et avec conviction, les conseils d’administration du groupe Renault, de Nissan Motor Co.Ltd et de Mitsubishi Motors Corporation ont réaffirmé, ces derniers jours, leur profond attachement à l’Alliance. Depuis deux décennies, la réussite de l’Alliance est inégalée. Nous restons pleinement engagés pour l’Alliance." Le décor est planté dans un communiqué des parties prenantes de l'Alliance.
Mais, pour conforter ce succès, l'Alliance doit continuer à avancer. Durant cette réunion, aucune question de gouvernance ne sera abordée et aucun vote organisé, selon des sources proches du dossier, mais la mise à l'écart de Carlos Ghosn a révélé des divergences entre Japonais et Français sur l'avenir de cette Alliance, devenue numéro un mondial l'an dernier avec 10,6 millions de véhicules vendus.
Le dernier acte de ce duel à fleurets mouchetés s'est déroulé mardi, quand le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a prévenu qu'il n'était pas question de changer les grands équilibres de cet attelage, jusque-là l'un des rares exemples de mariage réussi dans l'automobile. "Il y a aujourd'hui un partage qui me paraît le bon, il y a un équilibre qui est le bon. Il y a des participations croisées entre Renault et Nissan qui ne doivent pas changer", a-t-il déclaré sur LCI.
Le patron de Nissan Hiroto Saikawa avait, lui, déploré la veille, lors d'une réunion au siège de Nissan, les "inégalités" au sein de l'Alliance. Selon lui, la répartition actuelle des pouvoirs, incarnée par l'omniprésence de Carlos Ghosn, empêche toute discussion stratégique entre Renault et le constructeur nippon. Le groupe français détient à ce jour 43,4 % du capital de Nissan, ce dernier possédant en retour 15 % de Renault. Le poids de la partie française dans les équilibres internes de l'attelage est jugé d'autant plus excessif par ses membres japonais que le chiffre d'affaires de Nissan est nettement supérieur à celui de Renault.
L'Alliance, incarnée juridiquement par la société Renault-Nissan b.v. (RNBV) basée aux Pays-Bas, est détenue à parité par les deux constructeurs. Au sein du directoire, Renault et Nissan désignent le même nombre de membres (cinq), mais le Français nomme le PDG, qui a une voix prépondérante en cas d'égalité parfaite lors des votes. Bruno Le Maire a d'ailleurs plaidé mardi pour que le directeur général de Renault, actuellement Thierry Bolloré, directeur exécutif par intérim, reste président de l'alliance. "Cette règle ne doit pas changer", a insisté le ministre.
L'Alliance, ce sont des usines partagées, qui accueillent des produits de l'une ou l'autre marque, des plateformes communes utilisées par les différents partenaires pour assembler leurs voitures, des achats en commun pour faire baisser les coûts et des équipes d'ingénieurs qui travaillent sur le développement de produits futurs.
Tous ces partenariats sont aujourd'hui assurés et ne sont pas remis en cause, d'après les prises de position répétées du côté français comme du côté japonais. Or, si Carlos Ghosn est toujours PDG de Renault Nissan BV sur le papier, le géant est désormais sans leader et ne peut plus exercer la mission définie dans ses statuts : "Elaborer la stratégie et la planification à moyen et long terme".
C'est dans ce contexte délicat et dans un secteur automobile qui doit décider de lourds investissements stratégiques que se retrouvent donc jeudi, par écrans interposés, MM. Bolloré et Saikawa. Le patron exécutif de Mitsubishi, Osamu Masuko, devrait également participer par visioconférence, selon le quotidien Nikkei. Plusieurs représentants du constructeur au losange devraient aussi prendre part à la réunion, conformément à l'usage en vigueur lors de ces rencontres. (avec AFP)
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