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Constructeurs

"La réalité, ce n'est pas les chiffres de Philippe Varin"

Publié le 17 septembre 2013

Par Axel Abadie
7 min de lecture
Le 2 septembre, le site PSA d'Aulnay a fait sa rentrée, le spectre de la fermeture de l'usine planant sur les employés restants. Si la situation est claire pour 1331 personnes, Tanja Sussest, déléguée du SIA, syndicat majoritaire, entend poursuivre la lutte pour maintenir l'objectif "Zéro salarié à Pôle emploi".
Tanja Sussest, à gauche, en préparation de l'opération coup de poing menée au dernier Mondial de l'Automobile, le 6 octobre 2012.

Journal de l'automobile. A ce jour, combien de salariés de PSA Aulnay ont un avenir sécurisé ?

Tanja Sussest. Au 26 août, en termes de reclassement en interne, nous dénombrions 568 mutations vers tous les sites de PSA, dont la moitié à Poissy. Au départ, il y avait 985 demandes, mais tout n'a pas abouti. Ainsi, 549 ont quitté l'entreprise, et sont partis à la SNCF, la RATP ou encore Safran par exemple. Pour la suite des reclassements internes, nous attendons. Les liens entre Aulnay et les autres sites de PSA sont flous, et nous n'obtenons pas toujours de réponse claire. D'autres sont en congé de reclassement, et d'autres prennent leur mal en patience...

JA. Justement, quelle est la situation actuelle, et quel état d'esprit règne dans l'usine ?

TS. Il y a un peu de tout. Ceux qui ont demandé des mutations internes patientent, donc, sans savoir ce qui bloque. Il y a aussi ceux qui n'ont pas de solution, et le problème, c'est qu'il s'agit souvent des gens les plus fragiles. PSA a mandaté la société Sodie (Cabinet de reclassement et conseil en ressources humaines, NDLR), mais on n'en voit pas les résultats. On ne peut pas dire que grand monde ait trouvé du travail grâce à eux. Il y a bien de l'aide à la réalisation de CV ou de la préparation aux entretiens d'embauche, mais c'est tout. Si ça ne doit servir qu'à cela, autant que l'argent qu'ils touchent nous soit versé !

JA. A quoi se résume l'activité ces jours-ci, à l'approche de la fin de la production, annoncée pour fin octobre ?

TS. Pour tout vous dire, jeudi dernier, nous n'avons assemblé aucune voiture. On ne démarre pas la production de nouveaux véhicules, en fait, il faut vider les lignes. La cadence est ralentie parce que le constructeur a décrété que la dernière voiture serait produite fin octobre. C'est fait exprès, pour ne pas finir avant, parce que cela donnerait une mauvaise image au grand public.

Cela faisait des mois qu'on ne faisait rien. Depuis la rentrée, nous avons des propositions de stages. Certains, qui ne veulent pas rester à rien faire, démontent les kanbans (panneaux lumineux d'indication de la performance, NDLR) par exemple, même si cela sert PSA.

Après la dernière voiture, nous aurons encore quelques mois d'activité, qui tourneront autour de la pièce détachée. Mais cela ne devrait mobiliser que 150 personnes environ.

JA. Quelles solutions concrètes se présentent aux salariés restants ?

TS. Nous avons sollicité la justice, afin que tous les salariés puissent partir dans les mêmes conditions. Seulement, le juge des référés s'est déclaré incompétent. Pour faire en sorte que les droits des salariés soient reconnus, on nous suggère de nous tourner vers le tribunal de grande instance de Paris, dans l'espoir d'une audience avant Noël. PSA veut gagner du temps, et il y arrive.

En attendant, PSA nous offre la possibilité de suivre des stages et des formations, pour ceux qui souhaiteraient apprendre un autre métier. Ces congés de reclassement, où l'employé perçoit 100% de son salaire les trois premiers mois, et 65% du brut en suivant, c'est un aspect que nous avons fait inscrire dans le plan social d'entreprise.

PSA le finance en intégralité, à hauteur de 16000€ l'année pour devenir plombier, 13000€ pour boulanger, 40000€ pour cuisinier dans un restaurant chinois… L'inconvénient, c'est qu'avec une moyenne d'âge de 44 ans, il n'est pas facile pour tout le monde de retourner sur les bancs de l'école, sans parler des employés qui ont des difficultés avec la langue française.

JA. La situation est urgente pour vous ?

TS. Il faut savoir qu'au 31 décembre, ce sera la fin de la phase volontaire, où chacun peut émettre le souhait de son choix. S'ensuit, pendant trois mois, la phase contrainte, qui va courir sur le premier trimestre. Ensuite, chacun se verra proposer une offre interne et une offre externe. Entre le 1er avril et le 30 juin, l'employeur sera en droit de licencier. Au 30 juin, il n'y aura plus personne sur le site. Ce que nous contestons encore, c'est que, pour le congé de reclassement, après la phase contrainte, il faut répondre dans les huit jours.

Nous contestons également la différence de traitement entre non-grévistes et grévistes. Le fait est que ces derniers ont obtenu une prime de 19700€, un "privilège" qui devrait être accordé à tous les salariés. Or, certains employés restés au travail ont été pris à partie : on leur reprochait de ne pas avoir fait grève, raison pour laquelle ils ne devraient pas pouvoir prétendre à la prime.

JA. L'entreprise ID Logistics est attendue pour reprendre l'exploitation du site. Qu'en est-il et que pouvez-vous en attendre ?

TS. Cette entreprise veut s'installer suite à la signature de deux contrats, et souhaite y faire la préparation de ses commandes. Donc, il y aura besoin de personnel pour cela, avec des caristes notamment. Il y a énormément d'attente, mais concrètement, nous ne voyons rien, pas même la première pierre du chantier.

Demain, ils seront là pour présenter leur projet. Ils étaient déjà venus en juillet afin de recruter pour leurs autres sites. Cela peut être une solution pour certains, mais nous n'en avons pas encore l'assurance. Il nous faut des réunions et des accords tripartites, entre PSA, ID Logistics et les salariés, pour assurer l'avenir de ces derniers.

JA. Quel autre soutien le SIA apporte-t-il aux salariés ?

TS. Nous essayons d'accompagner au mieux les choix des salariés. Au terme du congé de reclassement, c'est avant tout le suivi du solde de tout compte. Donc, il faut calculer précisément les délais. PSA propose, dans le cas des départs volontaires, neuf mois de salaire. J'essaie juste de prévenir tout le monde, qu'avec le congé de reclassement, ils peuvent obtenir un an de salaire, mais dégressif. Ceux qui ont trente ans d'usine derrière eux ne peuvent pas se contenter de "cacahuètes". Quant à ceux qui sont loin de l'âge de la retraite, je m'inquiète.

C'est ce genre de conseil qu'on attend de nous. Sur l'effectif, 1331 salariés ont trouvé quelque chose, c'est bien, mais je m'inquiète pour les autres. Je voudrais mettre la pression sur PSA, concernant les plus fragiles de l'usine. L'employeur doit mettre les bouchées doubles pour ses salariés les plus mal embarqués dans le processus de reclassement. Nous maintenons l'objectif "Zéro salarié à Pôle emploi".

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes un peu tombés aux oubliettes. Mais s'il faut faire une opération coup de poing pour faire bouger les lignes, nous savons et pouvons le faire, nous l'avons prouvé. Je ne remets pas en cause la presse, qui nous a servi, mais le gouvernement, qui donne l'impression que l'affaire est réglée. La réalité, ce n'est pas les chiffres que Philippe Varin communique à Arnaud Montebourg. On nous avait promis beaucoup, mais rien n'est signé.

JA. Pensez-vous à régler votre propre situation ?

TS. Le SIA a fait 40% aux dernières élections. Je me dois de rester jusqu'à la fin. Je n'ai pas encore fait un seul CV, non. Nous sommes là pour voir venir les pièges, et rassurer les gens. Je prends le temps que la direction ne prend pas. Etre sans travail n'est jamais valorisant, c'est la situation que nous voulons éviter à tout prix. Nous devons trouver une solution avant la phase contrainte, et nous comptons sur le tribunal pour cela.

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