“La compétition va devenir encore plus forte”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Avant d’évoquer l’avenir, cette année, avec jusqu’ici des ventes en recul de 2,5 % à fin août, correspond-elle à vos attentes ?
ALAIN VISSER. Avec près de 270 000 véhicules vendus dans le monde, soit effectivement une baisse de 2,5 %, nous sommes en ligne avec nos objectifs. Nous savions que notre premier semestre serait moins bon car nous devions écouler nos millésimes 2013. Depuis juillet et le lancement de nos nouveaux modèles, qui représentent 80 % de nos volumes, la tendance est inversée. Ainsi, nous avons progressé de 14 % en juillet, de 5 % en août, et le mois de septembre devrait être nettement au-delà des volumes de l’année passée. La montée en puissance de ces modèles devrait nous permettre d’atteindre, au minimum, un volume annuel semblable à celui de l’année dernière.
JA. La Chine semble être votre locomotive avec 40,2 % de plus depuis janvier. Qu’en est-il des autres régions du monde ?
AV. Depuis deux mois, nous constatons une progression de nos ventes dans toutes les régions du monde. Nous sommes effectivement satisfaits de l’évolution en Chine, mais aussi en Europe où, malgré un marché en baisse, nous arrivons à gagner des parts de marché. Aux Etats-Unis, en revanche, où Volvo vend environ 60 000 unités par an, nous devons encore améliorer notre performance. Nous sommes d’ailleurs en train d’établir un plan spécifique pour ce marché.
JA. Le meilleur plan pour les Etats-Unis, n’est-ce finalement pas votre futur XC90 ?
AV. Absolument. Ce XC90 sera un modèle essentiel pour le marché américain, mais aussi chinois. Il sera un instrument de notre développement et nous permettra également de renouveler l’image de Volvo. Enfin, pour conclure sur les Etats-Unis, sachez que la V40, qui a bien débuté en Europe, n’y est pas commercialisée.
JA. Vous devriez donc cette année dépasser votre volume 2012, mais quels sont vos objectifs à moyen terme ?
AV. Nous comptons atteindre 425 000 unités cette année contre 423 000 l’an dernier. L’année 2013 peut être considérée comme une année de transition, avec le renouvellement de nombreux modèles, mais aussi celle d’un nouveau départ avec notre nouvelle plate-forme SPA ainsi que les nouveaux moteurs Drive-E. Quant à nos ambitions à moyen terme, nous n’avons pas communiqué de chiffres précis. Nous avons seulement affiché, sans donner de date butoir, notre volonté d’atteindre 800 000 véhicules par an.
JA. Pour atteindre ce volume, une Volvo compacte fera-t-elle son retour ? Pourrait-elle être issue d’une coopération ?
AV. Bien que nous soyons attachés à une certaine indépendance – et la plate-forme SPA va nous y aider puisqu’elle sera utilisée du XC90 à la famille 60 –, il est évident que nous ne pouvons pas exclure des coopérations compte tenu de notre taille. Nous travaillons avec de nombreuses sociétés automobiles, comme par exemple Siemens, mais aussi avec des entreprises non liées à cet univers. Quant à notre future compacte, nous sommes en train de développer une nouvelle plate-forme avec Geely. Il s’agit de la première coopération technique entre Volvo et Geely, et soyez sûr que cette nouvelle architecture respectera l’ADN de Volvo, notamment en termes de qualité.
JA. Puisque nous évoquons votre compacte, son absence du catalogue n’est-elle pas un handicap pour les ventes européennes ?
AV. Le fait de pouvoir compter sur la V40 est plus important. D’autant qu’il faut reconnaître que la C30 n’affichait pas des volumes très importants. Puis notre plan de croissance s’appuie sur une gamme débutant avec la V40, tout ce qui viendra sous ce segment sera donc du bonus.
JA. Envisagez-vous un modèle en dessous du segment C ?
AV. Rien n’est exclu, mais pour l’heure nous n’avons pas de plan concret pour un tel véhicule. D’une manière générale, nous étudions les segments en forte croissance sur lesquels Volvo peut avoir une vraie crédibilité car nous n’avons pas la possibilité d’être présents partout.
JA. La Chine prend une place de plus en plus importante dans vos réflexions. Ce pays si différent vous oblige-t-il à revoir des notions comme la satisfaction clients ?
AV. Je pourrais écrire un livre sur la question ! Il est évident que ce marché est très différent, mais des similitudes avec d’autres existent. Par exemple, l’univers Premium chinois est assez proche de celui de la Russie avec une approche assez directe, à l’inverse de l’Europe, où c’est plutôt la discrétion qui prime. Donc, le challenge pour nous, marque assez discrète, est d’apporter les bonnes réponses à ces clients. Cela nous oblige à une certaine adaptation, sans jamais pourtant perdre de vue nos racines. C’est très tentant de faire différemment en Chine, mais il n’en est pas question.
JA. Ces adaptations chinoises peuvent-elles influencer le reste du monde ?
AV. Non, nous essayons d’être le même Volvo partout. En Chine, la qualité de l’air dans l’habitacle est un argument de vente extrêmement important alors que ce n’est pas du tout le cas en Europe. Mais cela ne veut pas dire que notre publicité, notre marketing, notre identité, notre signalétique de concessions doivent être différents. La grande erreur serait de singer ce qui est considéré comme Premium en Chine. Nous devons au contraire nous servir de notre ADN, voir quel gène peut être important pour ce marché et être mis en avant. Je pense même que nous devrions utiliser nos racines suédoises plus que nous le faisons actuellement aussi bien en Chine qu’aux Etats-Unis.
JA. Le fait d’être propriété de Geely est-il un avantage en Chine vis-à-vis des clients ? A l’inverse, ce lien peut-il être un handicap sur les marchés occidentaux ?
AV. Sur les marchés occidentaux, je pense et j’espère que nous sommes toujours perçus comme une marque suédoise. En Chine, il faut reconnaître que ce lien peut être utile dans les relations avec les autorités, mais pas forcément avec la clientèle, et ce n’est pas ce que nous recherchons. Nous sommes suédois et nous le resterons. D’ailleurs, même notre président, Li Chu Fu, vous dirait qu’il faut à tout prix rester suédois.
JA. Revenons au commerce. Quel que soit le marché, les ventes aux entreprises sont incontournables. Que représentent-elles pour vous et quel seuil voudriez-vous atteindre ?
AV. Pour atteindre 800 000 unités, nous aurons besoin de tous les canaux. Aujourd’hui, ce type de ventes représente 40 % de notre volume. Cette répartition globale nous convient, mais il y a naturellement des ajustements à faire selon les pays.
JA. Plus généralement, nous assistons à une bipolarisation du marché entre le low cost et le Premium. Comment imaginez-vous l’évolution de cette tendance et ses conséquences pour vous ?
AV. Effectivement, il y a vraiment une grande différenciation entre les marques de volume et les Premium. Cependant, ces deux univers sont devenus extrêmement agressifs alors que ce n’était pas le cas dans le Premium il y a encore cinq ans. Dans ce contexte, nous voulons jouer notre propre partition pour progresser encore. Le produit sera essentiel dans cette compétition, le marketing aura également un rôle, mais il ne s’entend que comme une accélération ou une confirmation du produit. Dans cette optique, le nouveau XC90 va démontrer que nous pouvons réellement être une marque différenciée dans l’univers Premium.
JA. La volonté de nombreux constructeurs de venir jouer un rôle sur ce marché Premium va-t-elle permettre, selon vous, d’élargir encore le marché ou simplement intensifier la bagarre ?
AV. Je pense que la compétition va devenir encore plus forte. Cependant, nous avons vu dans le passé que réussir dans cet univers n’est pas chose aisée, notamment en Europe. Mais, aujourd’hui, la Chine est devenue le plus gros marché Premium de la planète et cela peut changer les choses. En effet, certains constructeurs peuvent s’y construire une crédibilité. Cela peut évoluer.
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