Jean-Frédéric Piotin, directeur du réseau Renault France
Journal de l'Automobile. Vous allez prochainement déployer un grand plan visant à améliorer la qualité du contact client dans le réseau. Pourquoi ?
Jean-Frédéric Piotin. Nous venons effectivement de lancer l'opération "100 % Vente". Nous sommes partis d'un double constat qui a fait jour au travers de deux enquêtes. D'abord, nous nous sommes aperçus que lorsqu'un client vient dans un showroom, la plupart du temps, il repart sans avoir acheté un véhicule. Une des raisons de cette non-vente est la relation que le visiteur a eue avec l'un des vendeurs. A l'inverse, la seconde enquête a montré que lorsqu'un client achetait un véhicule neuf, les 3/4 du temps, il le faisait justement grâce à cette relation avec le commercial. Cela nous a permis de mettre le doigt sur l'influence fondamentale de la relation vendeur-client dans l'acte de vente. Il nous fallait donc appréhender toute cette réalité car aujourd'hui, les clients ont tellement d'informations par le biais d'Internet, qu'ils viennent chercher autre chose dans nos showrooms. Notamment le contact avec le produit, mais aussi une relation humaine.
JA. Le réseau était-il en décalage avec cette réalité dont vous parlez ?
J-FP. Cette année, nous avons transformé nos indicateurs qualité. Traditionnellement, nous nous assurions de la qualité via des enquêtes clients. C'est-à-dire que nous recontactions les clients après leur passage en concession. L'ambiguïté de ce système, c'est que l'on s'adresse à des clients qui nous ont fait confiance en achetant un VN. Nous n'avions pas le sentiment des gens dont nous étions sortis de la shopping list. Il est ici le décalage.
JA. Comment va donc s'articuler ce plan ?
J-FP. Nous allons lancer des enquêtes mystères dans le réseau sur toute l'année 2010. Dès janvier, un cabinet spécialisé visitera deux fois par mois chaque site du réseau Renault, de manière anonyme. Ce plan comporte deux volets : des enquêtes purement "clients" et d'autres "visiteurs". Pour 600 affaires, cela nous donnera un total de 14 400 enquêtes sur lesquelles nous appuyer. Si besoin, nous prolongerons, mais ce sera déjà très significatif. Nous pourrons alors nous adapter.
JA. Une opération d'une telle ampleur ne peut-elle pas effrayer les distributeurs ?
J-FP. En amont, nous avons déjà mené quelques enquêtes mystères en caméra cachée. Cela nous a permis de sensibiliser patrons, chefs de vente et vendeurs. L'objectif de ce plan n'est pas de jouer au gendarme et de "fliquer" chaque vendeur. Le but est de faire du réseau Renault le meilleur réseau commercial du monde. Chaque client a le droit d'avoir un bon accueil, des informations, de voir le produit, de le tester, de découvrir les options, qu'on lui établisse un diagnostic financier. Et, au-delà de tout ça, il est en outre nécessaire d'avoir une relation chaleureuse et équilibrée avec lui. Dans le cas de note défavorable à ces futures enquêtes, nous allons sans doute mettre les bandes audio de ces enquêtes et nos analyses à la disposition des vendeurs concernés. Je le répète, nous croyons énormément à nos forces de vente. Le rôle du vendeur dans la fidélisation du client est absolument primordial.
JA. Quels résultats entendez-vous obtenir avec ces enquêtes ?
J-FP. De manière générale, quand on prend une étude sur le commerce automobile, on dit que 20 % des visiteurs qui n'achètent pas, décident de quitter le showroom à cause d'une relation avec le vendeur qui n'est pas optimum. Pour ce qui concerne Renault, si on parvient à ramener ce pourcentage à 10 %, on peut imaginer ce que cela représentera en termes de volume.
JA. Votre démarche va cependant plus loin. Elle s'intègre dans un objectif global d'amélioration de la satisfaction clientèle…
J-FP. Effectivement. Il nous faut renforcer l'aspect comportemental des vendeurs et mieux standardiser les processus de vente. Nous avons donc lancé parallèlement un grand plan de formation comportementale des vendeurs. Celui-ci débutera lui aussi en janvier prochain. Les 3 500 vendeurs du réseau vont tous suivre une formation sur une période de 3 ou 4 jours. Puis nous avons édité des process clairs et simplifiés pour accompagner l'acte de vente et gagner du temps. L'objectif étant d'utiliser ce gain de temps pour avoir une relation humaine plus forte avec le client. Le manager pourra quant à lui apporter plus de soutien à ses équipes de vente.
JA. Votre volonté de féminiser les effectifs est-elle à classer dans cette même optique ?
J-FP. Dans le même sens, nous nous sommes effectivement dit qu'il n'était pas inintéressant d'orienter nos forces de vente vers plus de féminisation. Aujourd'hui, la femme intervient dans l'acte d'achat dans plus de 60 % des cas. Et puis, 30 % des véhicules vendus le sont à des femmes. Ce sont des faits. Sur le terrain, ensuite, on s'aperçoit que la qualité d'accueil avec une femme est élevée. Or, aujourd'hui, les femmes ne représentent que 10 % de nos forces de vente.
JA. Quel but vous êtes-vous fixés à ce niveau et comment comptez-vous y parvenir ?
J-FP. L'objectif est de faire croître cette part pour l'ensemble du réseau. Si nous pouvons atteindre 25 % de femmes dans les effectifs, ce serait très bien. Mais cela prend du temps. Nous avons, à ce sujet, monté un site Internet communautaire en partenariat avec l'association "Les Elles de l'Auto". Le but étant pour nous de montrer aux femmes que nous sommes capables de nous engager sur le terrain de l'équité. Il faut donner envie, susciter des vocations. D'ailleurs, nous nous sommes fixés comme objectif de recruter 25 % de femmes dans les écoles de vente d'ici 2011. Le constructeur lui-même montre d'ailleurs l'exemple. Renault a annoncé récemment sa volonté de féminiser 50 % de ses effectifs, hors de la partie production. Quant à la distribution, c'est la même chose. Renault Retail Group s'est lui aussi engagé à féminiser 50 % de ses postes de vendeurs.
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