Jean-Claude Debard, président de Hyundai France
Journal de l'Automobile. Quelle analyse faites vous des six derniers mois de Hyundai ?
Jean-Claude Debard. A la fin de l'année 2009, le marché s'est emballé et l'engouement pour les petits véhicules s'est encore accentué. Cela est dû à une désinformation au sujet de la fin de la prime à la casse, qui n'avait pas d'autre effet que d'attirer les clients en masse dans les concessions. Nous étions à plus 50 % sur la période. Le premier trimestre est, lui, plus compliqué qu'il n'y paraît. Les immatriculations faussent la réalité. L'activité de Hyundai, à l'instar du marché, est revenue à la normale et par conséquent, il y a peu de ventes. Les chiffres annoncés sont le résultat d'une poussée dans les réseaux qui tenaient à immatriculer les voitures avant l'échéance du 31 mars pour éviter d'avoir à compenser financièrement les primes promises aux clients.
JA. Comment aborde-t-on l'ère post prime à la casse dans ce cas ?
J-CD. Hyundai compensera avec des offres promotionnelles et des campagnes de communication accentuées. C'est d'ailleurs la ligne de conduite adoptée par beaucoup de constructeurs. L'ère post-prime se prépare en élaborant aussi de nouveaux produits en phase avec la volonté du législateur, comme nous l'avons déjà fait en commercialisant le ix35.
JA. Au regard de ces nouvelles règles que vous évoquez, quelle est la situation de Hyundai ?
J-CD. Il a fallu s'adapter à un changement rapide. Il n'est plus question de course au rapport puissance/performance mais au rapport puissance/sobriété. Les gros SUV n'ont plus lieu d'être, il faut faire place à l'avenir. D'où notre gamme de SUV et de Cross-over non malussés. Ensuite, il est clair que le temps qu'a nécessité l'évolution nous a porté préjudice en nous faisant perdre des ventes sur ce marché des véhicules de loisir.
JA. De retour d'une visite en Corée du sud, où vous avez pu faire le point sur l'avenir, quels sont les projets de Hyundai que l'on peut annoncer ?
J-CD. Durant les 24 prochains mois, nous sortirons 11 modèles inédits, sur presque autant de segments. ix35 ouvrait la voie, s'en suivra un monospace compact répondant au nom de code JC et qui deviendra ic25 ou ic30. On peut annoncer une berline tricorps, i40, certainement déclinée en break. Il y aura aussi une petite qui se placera en dessous de l'i10. Pour le haut de gamme, notre marque Genesis lancera un coupé V6 de 300 chevaux et une berline.
JA. Pour revenir au marché, après ce premier trimestre, quelles sont vos prévisions pour le marché automobile en 2010 ?
J-CD. 2010 sera inférieur à 2009, il faut que les optimistes se tempèrent. Pour notre part, nous tablons sur un tassement de 10 %. En revanche, il y aura une évolution de la segmentation, qui devrait se rééquilibrer. Les segments automobiles A et B ne vont plus afficher la même progression au profit des MPV et cross-over. Ces derniers reviennent armés de nouvelles motorisations, comme on peut le voir chez Hyundai. De retour en zone neutre, ils pourront séduire cette clientèle qui avait fui pour cause de taxation.
JA. Dans quelle mesure le changement de mix a-t-il porté préjudice aux distributeurs l'an passé ?
J-CD. Ce fait a une répercussion certaine sur les affaires. Les trésoreries ont souffert de la perte de marge, c'est indéniable. Mais si les produits low-cost progressent, c'est que quelque part le modèle peut fonctionner, il nous suffit juste de vendre des produits mieux équipés. La tendance évolue d'ailleurs en ce sens. Nous sommes à + 25 % en budget investis. Notre réseau a le moral, car il a su dégager des profits sur l'activité véhicules d'occasion, où nos SUV et nos 4x4 ont plutôt bien marché. L'année sera meilleure pour le réseau en 2010. C'est peut-être paradoxal, mais nous en sommes convaincus.
JA. Cette situation socio-économique n'engendrera donc aucune mutation dans le réseau ?
J-CD. Il n'y aura pas de vague de départs. Au contraire, Hyundai attire. Nous avons une vingtaine de dossiers en souffrance, tous relatives à des candidatures. Notre ambition de compter parmi les 5 plus grands constructeurs mondiaux et notre plan produits, séduisent assurément. Les investisseurs ne veulent pas regretter a posteriori, d'être passés à côté d'une telle opportunité. Il y a encore des open-point, ne serait-ce qu'à Paris et sa région. Nous négocions actuellement l'entrée d'un nouvel opérateur dans l'ouest parisien, un grand groupe déjà présent sur la place. Une zone où nous venons de fermer un site en propre, dont le bail était arrivé à expiration. Nous n'avons aucune vocation à entretenir un réseau de succursales. Ainsi, de 240 sites, nous souhaitons passer à 250 à fin 2010.
JA. Quelle est votre vision de Hyundai à moyen terme ?
J-CD. Cette année, nous devons immatriculer entre 24 000 et 25 000 véhicules. A l'horizon 2012-2013, ce chiffre doit être doublé. Nous avons conscience que c'est un très gros challenge, néanmoins réalisable grâce aux produits à venir. Hyundai a les moyens d'imaginer son avenir. Il y a plusieurs leviers de croissance, dont les ventes à sociétés. Ce canal ne peut être encore pleinement exploité car sur ce marché précis, il ne suffit pas d'avoir les meilleurs tarifs, les meilleures remises, il faut avant tout les produits. Cette composante essentielle de l'équation, nous sommes en train de l'élaborer, alors nous serons forts et pourrons partir en conquête, d'ici 2011.
JA. On vous compare à Kia, votre partenaire industriel, dont le succès commercial va grandissant, comme vous, comment appréhende-t-on cette rivalité fraternelle ?
J-CD. Plus on avance, plus on s'éloigne de Kia. Pour s'installer, Kia avait besoin de produits mais la machine industrielle ne permettait pas une réelle dissociation. Comme PSA Peugeot Citroën ou Volkswagen-Audi avant nous, nous allons marquer notre différence. Kia prendra un visage de spécialiste, tandis que nous nous positionnerons comme un constructeur généraliste, avec le volume que cela implique. C'est la stratégie du constructeur et les récentes productions en attestent. La période où nous étions en frontal est donc derrière nous. Nous appartenons à un groupe structuré et ambitieux.
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