GM-Fiat : impair et passe
...chacun résolve ses problèmes de son côté semble avoir été l'axiome qui a présidé à l'accord amiable entre l'américain General Motors et l'italien Fiat, fermement décidés à ne pas entamer une procédure dont l'issue, quelle qu'elle soit, aurait été dramatique. En effet, suite à un accord industriel passé en 2000 et revu en 2003, le premier constructeur américain, propriétaire de 10 % de l'activité automobile de Fiat devait honorer une option de vente des 90 % restants à compter du 2 février 2005, option valide jusqu'en 2010. En clair, General Motors pouvait devenir propriétaire de la division automobile du groupe Fiat si celui-ci l'exigeait ce mois-ci. Cette épée de Damoclès n'était pas tenable pour les deux entreprises plongées l'une et l'autre dans une situation économique de crise. Depuis quelques jours, la détermination de Rick Wagoner, P-dg de GM et de Sergio Marchionne, n°2 du groupe Fiat et administrateur délégué de Fiat Auto, ont eu raison de ce différend contre une indemnisation pour Fiat de 1,55 milliard d'euros. Cet accord prévoit l'abolition de l'option de vente, le retour à Fiat des 10 % que détenait l'américain ainsi que la dissolution des sociétés communes Fiat-GM Powertrain, concernant les moteurs et les boîtes de vitesses, et GM-Fiat Worldwide Purchasing axée sur la réduction des coûts. Pour ces deux dernières entités, des accords partiels ont été conclus de manière à poursuivre d'un côté les approvisionnements et de l'autre certains programmes de réduction des coûts. Parallèlement, GM prend une participation à hauteur de 50 % dans une nouvelle société commune en Pologne chargée de piloter une usine de moteurs Diesel 1,3 l. Cet accord semblait inespéré puisque General Motors avait considéré caduque l'option de vente lors de la recapitalisation de Fiat Auto en 2003 et de la vente de sa filiale de crédit automobile Fidis. Dégagés de leurs obligations, les deux groupes doivent désormais affronter les conséquences de cette nouvelle liberté et leurs propres problèmes.
Le prix fort
Bien que le coût de l'opération soit estimé par les analystes financiers comme élevé, comme en témoigne la notation des dettes passée de stable à négative selon Moody's, le groupe américain devant provisionner quelque 840 millions de dollars après impôts. Cependant, la solution retenue semble avoir été appréciée en ce qu'elle libère le groupe d'un engagement dangereux : la légère hausse des actions de GM dès l'annonce de l'opération en étant un signe flagrant. Reste que le géant américain doit mener de front plusieurs revers de fortune que son "don" à Fiat ne va pas faciliter. En Europe, les petites japonaises lui ravissent des parts de marché suffisamment importantes pour qu'il assainisse la situation par un plan social drastique de 12 000 suppressions d'emplois, dont Opel subit la plus large part. Du côté de l'Amérique du Nord, sa position de leader ne cesse de s'effriter et le groupe est passé en dessous de la barre des 27 % de parts de marché, seuil symbolique pour les marchés financiers qui attendent une reprise en mains forte de GM. Un constructeur, égaré dans une politique désastreuse de prix bas, qu'aggrave un manque certain de dynamisme en termes de lancement de produits. Ces différents facteurs n'entament pas l'optimisme de Rick Wagoner qui précise, dans un communiqué, que l'alliance avec Fiat a plutôt été bénéfique notamment dans le cadre "de l'accélération du développement des moteurs Diesel, de la réduction des coûts et du développement en commun de certains programmes de véhicules". Il ajoute : "Nous pensons être parvenus à un accord juste et équitable pour les deux parties", un jugement partagé par Luca Cordero di Montezemolo, le président de Fiat, qui parle d'accord "de bon augure".
Une bouffée d'oxygène
Pour le groupe Fiat, si l'accord n'est pas providentiel, il n'est pas loin de ressembler à un coup de mains du divin. Engagé dans une succession de déboires, Fiat Auto affichait en 2003 une perte opérationnelle de 979 millions d'euros et de 744 millions sur les trois premiers trimestres de 2004. Rappelons que la division automobile, nullement anodine, représente 40 % du groupe Fiat et 45 700 personnes (dont 29 000 en Italie) sur un effectif global de 162 000 employés. Ce dénouement permet à la fois d'entamer une procédure d'assainissement financière pour le groupe, grevé d'une perte nette d'1,2 milliard d'euros sur les 9 premiers mois de l'année et surtout d'engager de nouvelles mesures pour relancer l'activité automobile. D'autant que le président de Fiat, Luca Cordero di Montezemolo, ne misait pas beaucoup sur la validité de l'option de vente à GM. Déjà des rumeurs de rapprochement avec d'autres constructeurs automobiles commencent à circuler, calmées par l'annonce de Sergio Marchionne de "vouloir travailler avec tous ceux qui peuvent aider Fiat" dans le cadre de partenariats industriels. La situation d'isolement d'un groupe tel que Fiat autorise bien des conjectures. Cependant il apparaît clair que le groupe turinois n'est pas pressé de tomber de Charybde en Scylla. Au sommaire de sa nouvelle liberté, d'une part revoir le positionnement des trois marques Fiat, Lancia et Alfa Romeo, d'autre part créer un nouveau pôle "luxe" grâce à un rapprochement plus marqué avec Maserati. Le contrôle direct de Maserati vient d'ailleurs d'être finalisé par le groupe Fiat, au sein de sa filiale Ferrari, afin de faciliter les relations avec Alfa Romeo. On notera, par ailleurs, la signature d'un nouvel accord entre Iveco, filiale véhicules industriels de Fiat, avec l'indien Hinduya, portant sur leur participation commune sur Aslok Leyland (PL). Nul doute que la résolution du différend avec GM va faire sortir de l'ombre bien des dossiers, poussés par un Sergio Marchionne, nouvel homme fort du groupe dont l'autorité vient d'être accrue sur l'activité automobile. En effet, Herbert Demel, qui présidait aux destinées de Fiat Auto depuis novembre 2003 en tant qu'administrateur délégué de Fiat, vient de démissionner. La réussite de l'arrangement avec GM, dont Sergio Marchionne fut l'un des principaux prescripteurs et acteurs, le propulse à la tête de Fiat Auto tandis qu'il garde sa place en tant que numéro 2 du groupe Fiat. Dernier point : l'Etat italien, sollicité par les syndicats et de nombreux groupes de pression n'aidera pas Fiat Auto. Aux automobilistes italiens de devenir citoyens et d'acheter les véhicules du groupe… ou une Opel !
Hervé DaigueperceSur le même sujet
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