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Constructeurs

Fusion Fiat-Chrysler : le début des travaux d’Hercule

Publié le 23 juillet 2014

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
La reprise des actions de Chrysler par le groupe Fiat marque l’aboutissement du pari relevé par Sergio Marchionne en pleine crise. Cependant, la construction d’un nouveau géant de l’automobile est encore loin d’être actée, tant le travail restant à accomplir est pharaonique.
Avec la fusion de Fiat et Chrysler, Sergio Marchionne a gagné une bataille, mais pas la guerre…

Entre le tour du “put” avec GM et la prise de contrôle effective de Chrysler, l’histoire américaine de la Fiat de l’ère Sergio Marchionne aura été bien remplie. Fiat va en effet racheter les dernières 41,46 % de parts qu’il ne possédait pas dans Chrysler au fonds d’assurance santé Veba, contrôlé par le syndicat UAW (United Auto Workers). Au terme d’âpres négociations, la transaction a été fixée à 2,7 milliards d’euros, 1,9 milliard déboursé par Chrysler et 1,75 milliard par Fiat. Près de 515 millions d’euros supplémentaires seront en outre versés à l’UAW au cours des trois prochaines années. “J’attends ce moment depuis le premier jour où nous nous sommes lancés dans la reconstruction de Chrysler, en 2009”, s’est enthousiasmé John Elkann, président du groupe Fiat, tandis que le charismatique administrateur délégué Sergio Marchionne, intimement lié au dossier, a lancé : “Dans la vie des grands groupes, il y a des moments très importants qui terminent dans les livres d’histoire et cet accord en fait indubitablement partie pour Fiat et Chrysler”. En réaffirmant derechef son ambition de mettre en place “un constructeur global, réunissant une expérience, des compétences et des visions uniques”.

Les synergies industrielles prennent du temps

Mais avant de pouvoir parler de constructeur global, la route sera longue, tant les chantiers qui attendent la direction du nouveau groupe unifié sont d’envergure. Au premier chef, il convient de se méfier de ceux qui confèrent à la notion de synergies la vertu d’une baguette magique. Tirer des profits significatifs de synergies industrielles prend forcément du temps, l’Alliance Renault-Nissan, pourtant un exemple flatteur en l’espèce, en est une parfaite illustration. En outre, l’histoire récente de Fiat et Chrysler a démontré que cette stratégie n’était pas sans écueils. On pense naturellement à la dernière Dodge Dart, sur une base de plate-forme Fiat, dont les résultats commerciaux sont bien en deçà des objectifs, ou au lancement désastreux du Jeep Cherokee qui a inspiré à Sergio Marchionne ce commentaire : “Nous avons fait de grosses erreurs que nous ne commettrons plus à l’avenir”.

De nombreux défauts dans les cuirasses

Par ailleurs, l’attelage n’est pas celui de deux des chevaux les plus fringants du grand manège automobile mondial. Tout d’abord, hormis son pôle de luxe composé de Ferrari et de Maserati, dont la relance semble bien partie, le groupe Fiat présente bien des faiblesses. Au plan industriel par exemple, les usines italiennes du groupe n’ont tourné qu’à 41 % de leurs capacités en 2013, selon les experts d’IHS. Un bilan catastrophique qui explique d’ailleurs pour partie les pertes financières importantes du groupe. Au niveau des marques et des produits, beaucoup de choses doivent aussi être reconstruites. Alfa Romeo et Lancia sont des marques moribondes et si Sergio Marchionne mise beaucoup sur la première nommée, le plan de relance a été une nouvelle fois décalé et n’interviendra pas avant mi-2014. De son côté, Fiat, après avoir manqué de nombreux trains à succès (low-cost, SUV, etc.), doit retrouver de l’allant autour de la gamme 500 et de l’entrée de gamme. Un état des lieux qui explique la rapide fonte des parts de marchés du groupe en Europe, repli uniquement compensé par une solide position de Fiat en Amérique du Sud. Par ailleurs, si le groupe Chrysler (Chrysler, Jeep, Dodge, Ram) a su bénéficier du rebond du marché américain pour repartir de l’avant, l’équilibre demeure fragile et ses produits ne sont guère souverains en termes d’image, de qualité et d’innovation. Les futures règles d’efficacité énergétique de l’administration américaine pourraient d’ailleurs nuire aux ventes du groupe Chrysler sur son marché.

Une pénalisante absence en Asie

Enfin, ce duo ne contrôle pas encore le monde, comme le fait remarquer Michael Robinet, analyste d’IHS : “A deux, ils couvrent trois des quatre principaux marchés mondiaux, à savoir les Etats-Unis, l’Amérique du Sud et l’Europe. Mais il leur manque cependant la pièce clé de l’Asie et notamment la Chine où tous les concurrents ont désormais pris une nette avance”. Là encore, malgré les efforts de Sergio Marchionne, le processus nécessitera du temps et des investissements. En somme, il appert que la fusion entre Fiat et Chrysler n’est pas garante d’un succès assuré. Il s’agit en fait de l’ouverture d’un chantier titanesque. Toutefois, on sait que Sergio Marchionne, qui devrait prolonger encore sa présence à la tête du groupe, maîtrise ce type d’équation industrielle. Il l’a récemment démontré avec la fusion de Fiat Industrial et CNH sous l’entité CNH Industrial, avec une cotation principale à New York, un enregistrement aux Pays-Bas et une domiciliation fiscale en Angleterre. Un exemple qui ne laisse pas d’inquiéter les pouvoirs publics et les salariés italiens…
 

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