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Constructeurs

Entretien avec Gilles Chauveau, président de Speedy : "Nous pouvons atteindre 700 centres"

Publié le 27 février 2004

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
A la tête de Speedy depuis treize ans, Gilles Chauveau a résisté à la valse des actionnaires. Invité de l'émission "Face à la Presse" du magazine Auto K7, il fait le point sur la stratégie et l'avenir de Speedy. Après une mauvaise année 2002, les résultats redeviennent positifs. ...
A la tête de Speedy depuis treize ans, Gilles Chauveau a résisté à la valse des actionnaires. Invité de l'émission "Face à la Presse" du magazine Auto K7, il fait le point sur la stratégie et l'avenir de Speedy. Après une mauvaise année 2002, les résultats redeviennent positifs. ...

...Le Journal de l'Automobile : Speedy a connu beaucoup de transformations. A chaque fois dans de bonnes conditions car les résultats étaient là, sauf en 2002. Est-ce que 2003 a été une année correcte ?
Gilles Chauveau : Contre toute attente, les résultats de 2003 ont été extraordinaires, après une année 2002 catastrophique. La hausse des ventes de 2 % est loin des taux de croissance de 15 à 20 % que nous faisions auparavant, mais le marché a baissé de 1,5 à 3 %. Très rapidement, dès le mois de mars, nous nous sommes rendus compte que les performances seraient au rendez-vous en fin d'année. Et, malgré un mauvais mois de mai, dès juillet nous sommes revenus dans les objectifs. Le plan de restructuration que nous avons mis en place fin 2002 s'est avéré payant. Grâce à la réduction des coûts et à la hausse de la marge, nous générons un résultat qui se situe entre 11,5 à 12 millions d'euros.


J.A. : Vous êtes depuis plus de vingt ans chez Speedy, dont treize à la direction générale. Vous êtes plus inoxydable que vos pots d'échappement ?
G.C. : La difficulté pour moi n'a pas été le changement de nombreux actionnaires dans le passé. Mais lors de la cession à CVC, pour la première fois de notre existence, nous avions de très mauvaises performances. Nous avons alors présenté un plan de redressement qui a porté ses fruits.


J.A. : Si vous étiez dans cette situation, c'est que quelques erreurs avaient été commises ? Faire confiance à celui qui avait fait ces erreurs, c'est beaucoup pour un investisseur ?
G.C. : C'est évident que j'ai ma part de responsabilité. Mais il faut reconnaître que c'était le premier faux pas depuis notre création. Speedy a connu des progressions fantastiques. En 2002, nous n'arrivions pas à la performance attendue. J'ai pris les décisions qu'il fallait rapidement : les résultats sont là en 2003 et je repars tranquille pour 2004.


J.A. : Allez-vous sacrifier à la mode du développement en franchise ? Y a-t-il une motivation différente entre un franchisé et un intégré ?
G.C. : La franchise est née chez Speedy avec l'acquisition de Plein Pot en 1991. Nous avions racheté une chaîne de 82 centres dont 37 étaient en franchise. Je me suis rendu compte que la franchise était une opportunité de développement. Kwik-Fit, notre actionnaire de 1999 à 2002, voulait que nous montions en France 50 centres par an. Pour cela, il fallait aller vite, ce qui excluait le développement en franchise qui prend beaucoup plus de temps. A mon avis, c'était une erreur de vouloir aller trop vite. Certains centres se sont créés dans des emplacements qui ne sont pas au top. Nous avons monté pas loin de 100 centres en l'espace de trois ans, ce qui est énorme. Lorsque CVC est arrivé, nous avons demandé un temps de pose. Pour deux raisons : faire un état des lieux des centres existants, dont certains avaient perdu de leur superbe, et faire un état des lieux des villes dont les axes entrants avaient changé et où certains centres étaient mal positionnés. Nous avons fermé une quinzaine de centres en début d'année dernière. Nous avons pu réinvestir dans les centres existants, entre autres dans l'outillage. Nous venons de passer commande de 130 machines de parallélisme.


J.A. : Est-ce que vous pouvez nous donner une image du groupe et de la répartition entre centres en propres et franchisés ?
G.C. : Au niveau de la France, nous avons 80 % de centres intégrés et 20 % de franchisés. La répartition du chiffre d'affaires est à peu près la même. En 2003, nous avons fait un chiffre d'affaires de 205 millions d'euros pour un résultat entre 11,5 et 12 millions d'euros.


J.A. : Parmi vos actionnaires, il y a eu le groupe Ford avec sa stratégie de Consummer compagny. Qu'est-ce que cela vous a apporté et dans quel sens allaient les synergies ?
G.C. : Nous avons ouvert un franchisé à Lannion avec un concessionnaire Ford. Et voilà. Sinon, nous avons acheté quelques Ford et nos relations sont excellentes.


J.A. : Quel souvenir avez-vous de votre passage chez Ford ?
G.C. : Je roule en Volvo, c'est une bonne marque. Nous n'avons jamais réellement travaillé ensemble. La seule chose qui aurait pu se faire est que nous déménagions à Saint-Germain-en-Laye. Heureusement que cela ne s'est pas fait.


J.A. : C'était donc une stratégie qui n'avait pas de sens ?
G.C. : Je crois que l'on ne peut pas dire cela. Lorsque Jack Nasser avait pris la décision de diversifier, à mon avis c'était une bonne décision, car à l'époque tout allait bien. Malgré tout, la difficulté rencontrée a été l'affaire du pneu Firestone avec plus de 200 morts aux Etats-Unis. Il est évident qu'une entreprise a beaucoup de difficultés à se relever d'un tel problème.


J.A. : Vous avez eu un problème de pneu vous aussi ?
G.C. : Oui. Avec le groupe Continental et un pneu Speedy. Pour ceux qui s'en souviennent, nous avons été très malmenés pendant une semaine. Deux mois après, nous avons appris que le pneumatique était hors de cause. A l'époque, le procureur de la République de Strasbourg aurait dû convoquer à nouveau la presse après avoir eu les conclusions sur le pneumatique, puisqu'il l'avait fait initialement pour dire qu'il y avait des problèmes avec un pneumatique. Il ne l'a jamais fait. Il nous avait pourtant garanti qu'il le ferait.


J.A. : Quelles sont les perspectives d'activités de vos centres ? Et vos activités phares ? Est-ce le pneumatique ?
G.C. : Le pneumatique est un produit qui est arrivé chez Speedy en 1999 avec Kwik-Fit. Avant, nos actionnaires nous disaient que le pneumatique ne rapportait pas de marge. C'était une hérésie. En 2003, nous venons de passer le cap du million de pneus vendus. On peut penser que c'est un produit qui va continuer à se développer. C'est le seul produit automobile qui augmente en coût et qui vit moins longtemps. Le pneu, à cause du système de taille basse, vit plus près des 40 000 km, voire moins, qu'au-delà. En parallèle, on sait que tous les autres produits sont en dérive. L'échappement, qui était un marché de 17 millions d'unités il y a une vingtaine d'années, est à peu près à 4 millions d'unités aujourd'hui.


J.A. : La récupération du pneu usagé qui vous coûtait un peu d'argent jusque-là ne va plus vous en coûter et même vous permettre de récupérer "trois francs six sous" ?
G.C. : Exactement 2,20 euros HT. Le prix payé par le consommateur sera de 2,62 euros TTC.


J.A. : Vous devriez récupérer un euro par pneu. Multiplié par un million de pneus, cela va-t-il améliorer vos résultats ?
G.C. : Oui, cela peut améliorer les résultats. Je crois réellement qu'il était souhaitable qu'il y ait une réglementation correcte sur la récupération des pneus usagers. J'ai toujours été contre la deuxième ligne sur la facture. Je trouve que c'est anticommerçant. A priori, le fabricant de pneus inclura le coût dans le pneumatique et tout le monde le reportera automatiquement.


J.A. : Est-ce qu'une partie de vos marges provient de l'amélioration de vos achats et ceci à quelle hauteur ?
G.C. : Je dirais qu'entre 20 et 25 % de notre marge provient de l'amélioration des achats. Nous avons globalisé nos achats en Europe puisque le groupe Kwik-Fit vend en Europe (nous inclus) 7,7 millions de pneumatiques par an. Nous sommes le premier vendeur de pneus en Europe. Mais depuis le début de cette année, nous renégocions pays par pays.


J.A. : Quelle est aujourd'hui la répartition de vos activités ? Vos activités d'origine sont-elles devenues marginales ?
G.C. : Si on regarde le chiffre 2003, le pneu représente 35 % de l'activité, le frein 25 %, l'amortisseur 15 %, l'échappement 15 %, l'huile 10 %. Si nous n'avions pas diversifié, nous ne serions plus là.


J.A. : Comment vendez-vous Speedy ?
G.C. : L'image de Speedy est très forte avec une communication puissante. Nous avons un bon rapport qualité/prix avec, depuis le début, que des produits de marques. Jamais Speedy n'a vendu des produits qui arrivent de pays exotiques. Heureusement pour nous car, au moment de l'affaire du pneu, je préférais qu'il soit fabriqué par le groupe Continental en Allemagne plutôt qu'en Corée ou à Taiwan.


J.A. : Au moment où les véhicules deviennent complexes à réparer, vous restez très légers d'un point de vue mécanique et électronique. Vous avez signé un accord avec le Garac. Allez-vous amorcer un virage technologique de vos centres ?
G.C. : Je crois que nous resterons dans une mécanique dite non lourde. Il faut absolument que les interventions se fassent sous moins d'une heure. Le Garac est un complément de la capacité de notre école de formation qui reçoit 40 personnes par semaine. Cet accord a aussi été signé pour retrouver de la main-d'œuvre qualifiée à l'intérieur de nos centres et signer des partenariats avec les jeunes qui sont au Garac.


J.A. : Qu'est-ce qui vous différencie de Midas ?
G.C. : Je pense que c'est le succès local qui fait la différence. Il y a de très bons chefs de centre chez Speedy, et de très bons chez les autres. Après, nous avons une constance de nos clients, avec un taux de fidélité très fort à 86 %. Lorsque l'on s'est habitué à un centre et à une chaîne, tant que l'on est satisfait du rapport qualité/prix, on ne va pas voir ailleurs. C'est un avantage et un inconvénient car il est difficile d'aller chercher des clients à la concurrence.


J.A. : Un des objectifs de la nouvelle réglementation est d'accroître la concurrence sur le marché de la réparation. Est-ce que cela changera quelque chose pour vous ?
G.C. : Depuis le début je le dis, cela ne changera rien. Strictement rien pour nous. Nous avons des clients concessionnaires avec lesquels nous développons un chiffre d'affaires très important. Nous avons quelques franchisés qui sont concessionnaires. Mais ce n'est pas un axe prioritaire.


J.A. : Comment percevez-vous la concurrence Eurorepar et Motrio ? A la création de Renault Minute, étiez-vous inquiets ?
G.C. : Il faut regarder sa concurrence de près et quand un groupe puissant comme Renault lance un nouveau programme, on peut toujours se dire qu'il va marquer des points.


J.A. : Avec votre maillage, n'avez-vous pas une chance unique de vous rallier à un réseau pour leur apporter des garagistes de proximité ?
G.C. : Nous sommes prêts à en discuter, mais je ne crois pas que nous le ferons. La pièce détachée automobile est une partie très rentable dans l'activité des constructeurs et des concessionnaires, je les vois donc mal la supprimer ou la déléguer.


J.A. : Quels sont vos taux de progression prévisionnels pour les années qui viennent ? Pouvez-vous encore croître ?
G.C. : Nous consoliderons et nous allons continuer à croître. Nous avons une volonté de développement, surtout en franchise internationale. Nous serons en Belgique, nous sommes en Suisse, au Maroc et en Turquie. Nous allons signer la Tunisie et Dubaï.


J.A. : Quelles sont les perspectives en France ?
G.C. : Aujourd'hui, nous avons 430 centres en France, je pense que nous pouvons atteindre 600 à 700 centres, voire 800. La notoriété de la marque, l'élargissement de nos activités nous permettent de descendre dans des villes de plus en plus petites. Nous avons une notoriété assistée de 99 % et de 60 % en notoriété spontanée. Un centre Speedy est rentable dès la première année.


J.A. : Quelle est la valeur du patrimoine immobilier ?
G.C. : Nous avons 135 centres qui nous appartiennent avec des localisations précieuses. Un centre vaut autour de 50 % de son chiffre d'affaires.


J.A. : Combien vaut Speedy ?
G.C. : Avec la valorisation des biens et des stocks, si vous voulez une estimation, je pense que Speedy vaut entre 150 et 200 millions d'euros.


Propos recueillis par Florence Lagarde





Curriculum vitae

Nom Chauveau
Prénom Gilles
Age 53 ans, 2 enfants

Gilles Chauveau commence sa carrière en 1972 chez un grossiste en pièces détachées automobiles, l'Agic. D'abord responsable des ventes, il devient par la suite directeur des achats et, enfin, directeur commercial. Il quitte le groupe en 1982 pour rejoindre Speedy en tant que directeur d'exploitation. Il occupera ce poste jusqu'en 1990, date à laquelle il est nommé président de Speedy France, une fonction qui implique également le contrôle de l'Espagne, de la Suisse, du Portugal, du Maroc, de la Tunisie ainsi que des Dom-Tom : Nouvelle-Calédonie, Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane.

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