Entretien avec Arnaud Belloni, directeur de la marque Lancia France : "Notre objectif est clairement d’élargir notre présence sur de nouveaux segments"
...Journal de l'Automobile. 300 000 et 1 voiture avant 2010, qu'est-ce que cela vous inspire ?
Arnaud Belloni. C'est assez révélateur du climat dans lequel se trouve Lancia aujourd'hui. L'objectif mondial 2010 de Lancia étant effectivement celui-là comme l'a annoncé Olivier François, le patron de la marque. Pour la France, cela signifie retrouver en 7 ans (2003-2010) les 18 000 voitures que nous avions il y a 20 ans. La reconstruction est déjà en cours - le fait que nous ayons une direction à part entière ainsi que des équipes dédiées en témoigne. Et surtout les premiers chiffres. En 2005, nous avions déjà gagné 1 000 voitures de plus par rapport aux 3 000 de l'année précédente. Pour le premier semestre 2007, nous sommes sur une progression des immatriculations de 35 % que l'on répartit ainsi : plus de 1,9 % sur Musa, plus 70 % sur Ypsilon, plus 10 % sur Phedra et une reprise spectaculaire des ventes sur Thesis, (+ 350 %). En clair, fin 2007, nous allons nous situer entre 4 600 et 4 800 immatriculations.
JA. Quels sont les moyens que vous allez utiliser pour arriver à 18 000 voitures ?
AB. Le premier levier que nous allons utiliser c'est bien sûr le produit. Aujourd'hui, Lancia n'est présent que sur 19 % des segments du marché, c'est-à-dire sur le segment des citadines mais seulement en trois portes, sur celui des routières qui ne représentent que 1 ou 2 % des immatriculations en France. Et nous sommes à la fois sur les petits monospaces (segment qui réalise à peine 5 % du marché français) et sur les grands monospaces, 2 % du marché français. L'objectif est donc clairement d'élargir notre présence sur de nouveaux segments.
JA. Comment se présente le plan-produits ?
AB. Dès le mois de Juin, nous sortons l'Ypsilon Sport, une nouveauté qui doit à la fois générer du volume et à la fois envoyer un signal fort du renouveau de la marque. En fin d'année 2007, la nouvelle Musa verra le jour, une Musa rallongée, face avant et arrière restylées, intérieur et selleries transformés. Ajoutons à cela une motorisation en 120 ch Diesel très attendue en France (début 2008) et nous aurons une voiture complètement transformée, et dotée de très nombreux équipements. En fait, nous allons investir autant dans cette nouvelle mouture que pour le lancement d'un nouveau modèle. Et séduire une clientèle qui provient principalement de la Classe A (à 40 %) avec un produit "ambiance Premium" 15 % à 20 % moins cher avec 20 % d'équipements en plus.
CURRICULUM VITAE7 ans chez Renault, 5 ans chez Skoda, 2 ans chez Fiat Lancia et depuis 1 an directeur de la marque Lancia pour la France. |
En juin 2008, nous lançons la nouvelle Delta qui porte sur un segment représentant 20 à 25 % du marché français et nous aurons présenté en cours de route la nouvelle Phedra en 7 places, dotée d'une nouvelle motorisation 170 ch Diesel et BVA. Fin 2009, ce sera au tour d'Ypsilon de bénéficier d'un nouveau look et peut-être d'une version en 3 et 5 portes, mais ce n'est pas encore défini. Et le must, le coupé-cabriolet sera présenté en février 2009, un coupé-cabriolet qui renoue avec le caractère sportif de la marque qui a du tempérament et aussi de l'élégance.
JA. Venir sur deux ou trois nouveaux segments nouveaux, c'est aussi se confronter à une concurrence très rude ?
AB. Tous les segments sont très disputés, mais en apportant de nouveaux produits, on crée de nouvelles opportunités et donc des volumes. Par ailleurs, Lancia se positionne véritablement en intermédiaire entre les françaises et les allemandes. Un tout petit peu plus cher que les françaises et nettement moins que les allemandes, mais avec plus d'équipements. C'est une marque qui a tous les gènes d'une marque Premium, mais qui ne l'est pas encore totalement, ce qu'on appelle une marque "access premium". Et c'est ce que vont vendre les équipes dédiées à la marque. Parce que si les produits constituent le premier levier de croissance, ce sont les hommes qui forment le second. Et là, nous avons une belle carte à jouer puisque, jusqu'à aujourd'hui, les vendeurs commercialisaient aussi bien Fiat et Lancia ou Alfa qui ont des positionnements totalement différents. Nos vendeurs auront désormais un argumentaire spécifique qui colle à la marque Lancia, qui entre dans son histoire.
JA. Et quels sont ses atouts ?
AB. Lancia a toujours été une marque d'élégance et de tempérament et pendant 20 ans une marque très réputée dans la compétition. Ne serait-ce qu'en évoquant l'historique de la marque en présentant les produits nouveaux, les vendeurs ont déjà un argumentaire. Ce qu'il ne faut pas oublier non plus, c'est que Lancia présente de très fortes spécificités. Par exemple, 50 % des Ypsilon sont vendues en bi-colore, 20 % des Lancia sont achetées en boîte automatique robotisée, et quand les modèles le proposent, entre 50 % et 70 % sont vendus avec toit ouvrant panoramique. Ce n'est pas véritablement à l'image du marché français. Les clients Lancia veulent donc un produit différent. Il faut alors que la force de vente soit spécifique. C'est pourquoi, nous recrutons 50 vendeurs spécialisés qui vendront des Lancia à l'intérieur du réseau actuel. Fin 2008, nous compterons ainsi 50 vendeurs dédiés et 150 vendeurs partagés en concession.
JA. Comment se présente le réseau ?
AB. Nous travaillons sur la capillarité du réseau pour disposer de 170 concessions fin 2008. Nous en avons aujourd'hui 140, mais nous étions à moins de 80 en 2004 ! En priorité, nous cherchons du côté du réseau Fiat, Alfa, Lancia et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que la culture du groupe nous sert, les technologies sont connues du fait des plates-formes communes, et l'après-vente opérationnel tout de suite. Et surtout, parce que nous avons confiance dans notre réseau qui a surmonté les périodes difficiles et nous a suivis. Par ailleurs, nous allons privilégier les couples Lancia et Alfa qui présentent des similitudes en termes de clientèle, Alfa, c'est le sport haut de gamme, et Lancia, l'élégance haut de gamme pour schématiser. En outre, elles sont relativement complémentaires, nous avons un monospace et une petite citadine qu'ils n'ont pas et ils ont une compacte que nous n'avons pas encore. Il nous reste encore 20 à 30 implantations à trouver d'ici à 2008 pour couvrir le territoire à 90 %.
JA. Est-ce que la marque Lancia permet au distributeur de bien gagner sa vie ?
AB. Lancia joue bien son rôle de ce côté. Cependant, pour le distributeur, il faut aussi du volume, c'est le sens du plan produits et de l'extension de gammes sur de nouveaux segments. Lancia ne se développera pas sur le très haut de gamme, mais Lancia se développera sur le "haut" des segments. Nous vendons, en effet, plutôt la version la plus chère quand nous proposons trois versions. C'est pourquoi j'ai préféré supprimer les entrées de gammes sur Ypsilon et Musa et j'ai développé les gammes françaises plutôt vers l'exclusivité que vers les entrées de gammes. Nous nous retrouvons ainsi avec des positionnements de prix pas très éloignés des allemands au point de vue facial mais au contenu incontestablement plus riche. Quand vous achetez un véhicule premium traditionnel, vous êtes obligé d'ajouter toute une panoplie d'options, ce qui n'est pas le cas avec Lancia.
JA. Qu'attendez-vous des distributeurs en termes de showrooms ?
AB. C'est effectivement un autre levier de croissance. Il n'est pas nécessaire d'élever des cathédrales mais de dessiner des écrins. Nous n'avons pas l'intention de cloisonner les marques mais de réserver des espaces dédiés et identifiables. Et nous allons créer une ambiance Lancia plus glamour avec des matériaux d'exception, bois, marbre… Environ 30 % du réseau est actuellement en travaux. Dans le prolongement, le service devra être aussi impeccable. Nous envisageons même des produits sophistiqués (VIP Service) comme aller chercher le véhicule chez le client pour l'entretien à domicile etc. Tout devra être prêt pour janvier 2008.
JA. Comment allez-vous faire pour avoir un service après-vente à l'image de Lancia ?
AB. La qualité du service est un axe prioritaire du groupe. Toutes les marques y travaillent conjointement et aussi rapidement. Nous avons bien sûr quelques différences entre les marques, mais ce qui nous anime tous est identique, c'est l'amélioration de la qualité du service et de la relation - client quelle que soit la marque.
JA. Envisagez-vous une politique de filialisation à terme ?
AB. C'est clairement impossible pour le moment, peut-être qu'après 2010 il faudra disposer d'un showroom autonome sur des villes stratégiques mais ce n'est absolument pas une priorité. En ce moment, nous sommes en train de reconstruire la marque Lancia sur des bases saines et dimensionnées par rapport aux possibilités actuelles jusqu'à 2009-2010. Je ne pousse pas les distributeurs à construire des grands espaces de 400 m2 aujourd'hui, je les encourage à personnaliser des espaces de vente Lancia allant de 80 à 250 m2 par exemple. La qualité de la représentation est plus importante que le nombre de m2. Je pense - et c'est très personnel - que le futur ne s'écrira pas dans des showrooms gigantesques mais sur Internet qui donnera toute la vision de la voiture et incitera la personne intéressée à prendre rendez-vous. Les gens exigeront de conduire les voitures et les différentes configurations de boîte de vitesses systématiquement à l'avenir. Le showroom du futur, cela sera pour moi, tout ce qui est l'avant et l'après-vente. Autant, je n'incite pas les distributeurs à prendre des m2 qui grèvent souvent la rentabilité, autant je les incite à développer les essais : quand un client veut essayer, il doit pouvoir le faire, quand il veut voir un toit ouvrant panoramique il faut qu'il puisse le sentir, quand un client veut voir une voiture bi-colore il faut qu'il puisse le faire. La croissance de Lancia passe par "l'expérience automobile".
Propos recueillis par
Hervé Daigueperce
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