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Constructeurs

DS : l’apprentie “brand building”

Publié le 28 octobre 2014

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Après quatre années d’existence sous forme de label Premium du groupe PSA, DS doit désormais devenir une marque à part entière. Un défi passionnant, mais qui n’est pas sans embûches, surtout au regard de la santé financière du groupe. Revue d’augures avec Arnaud Ribault, qui maîtrise toutes les données de cette équation à plusieurs inconnues.
Concept DS Divine

“Il faut compter quinze ans pour construire une marque haut de gamme”, répète à l’envi Yves Bonnefont, directeur général de la marque DS. Une nouvelle marque qui doit pouvoir s’appuyer “sur deux jambes, l’Europe et la Chine”, dixit Carlos Tavares, président du directoire de PSA, même s’il se murmure aussi qu’un déploiement de la marque aux Etats-Unis est envisagé à l’horizon 2020. Si le défi est d’envergure et stimulant en diable, nous sommes pour l’heure partagés entre la volonté de ne pas insulter l’avenir et l’obligation de ne pas faire fi du présent. Agissons avec méthode et regardons la radio de la jambe Ouest de DS, ce marché européen qui représente environ 80 % des volumes de la marque. On y voit une petite fracture avec des ventes en net repli (- 21 % au 1er semestre), un décrochage par rapport au segment Premium qui ne déplore qu’un léger recul. Arnaud Ribault, désormais directeur marketing et vente de DS après avoir piloté son implantation en Chine, préfère voir le verre à moitié plein : “Tout d’abord, il convient de relativiser ces données avec la réalité du marché français, sur lequel nous reculons d’environ 20 % sur un segment à – 15. En outre, nous avons remis de l’ordre sur certaines petites choses. Il faut aussi prendre en compte le fait que nous évoluons principalement sur le segment des particuliers. Par ailleurs, au niveau européen, nous avons des satisfactions, avec le succès de DS 3 au Royaume-Uni ou celui de DS 4 en Espagne. Autant d’éléments qui nous permettent de penser que le second semestre sera de meilleure facture”.

Un temps mort dans le plan “produits” européen

L’autre source d’inquiétude concerne le plan “produits” réservé à l’Europe pour les prochaines années. Aucun lancement dans les dix-huit prochains mois et une forte dépendance à la DS 3 qui peut s’avérer dangereuse face à une concurrence de plus en plus foisonnante. Arnaud Ribault tempère cette objection : “Nous disposerons bientôt de six produits en Europe et dans le cadre du développement d’une gamme mondiale, nous serons notamment présents sur le segment des SUV, même s’il ne s’agira pas du DS 6 qui vient d’être présenté en Chine car il a été conçu avec des blocs essence couplés à une BVA. A plus court terme, nous allons aussi tirer parti de la DS 3 restylée en améliorant encore son potentiel de personnalisation et en lançant de nouvelles séries limitées très exclusives, afin de ne pas impacter la VR. Nous devons aussi mieux installer DS 4, qui garde un vrai potentiel. Enfin, nos performances environnementales nous ouvrent des perspectives”. Il insiste aussi sur le fait qu’une marque Premium en construction ne doit pas céder aux sirènes des volumes, car tout se joue sur la rentabilité. Et affirme sa confiance dans la solidité et l’excellence du réseau européen du groupe.

L’équation chinoise

Attardons-nous désormais sur la jambe Est de DS, à savoir la Chine. Sur ce marché, la marque enregistre une croissance naturelle en lien avec le développement de sa couverture géographique et de son portefeuille de produits. Pas de quoi affoler les compteurs cependant… En effet, au 1er semestre, DS a vendu quelque 10 000 véhicules en Chine, un chiffre que l’on peut rapprocher, pas si arbitrairement que cela, aux 51 000 livraisons d’Audi sur le seul mois de septembre. On peut aussi ajouter que DS vend ses véhicules à des tarifs inférieurs aux autres acteurs du Premium, avec l’effet mécanique que cela a sur les marges. Carlos Tavares s’est d’ailleurs récemment dit déterminé à combler ce décalage. En parfait connaisseur du dossier, Arnaud Ribault demande un peu de temps, estimant que les pièces du puzzle chinois sont d’ores et déjà bien en place : “Il ne faut pas perdre de vue que le projet était double, à la fois industriel et commercial. Aujourd’hui, nous avons une capacité de production de 200 000 unités par an, avec de surcroît, une grande flexibilité pour gérer notre mix. Par ailleurs, nous avons les bons produits, notamment DS 5 LS et DS 6. Le segment des SUV progressant à grande vitesse sur ce marché, pour peser 33 % des ventes au 1er semestre, nous devrions d’ailleurs finalement vendre plus de DS 6 que de DS 5 LS. Notre réseau est aussi en plein essor et nous couvrons déjà 40 grandes villes avec 66 DS Store. Nous parviendrons rapidement à 100 DS Store et nous ne négligeons pas les villes de rang 3 ou 4 où nous misons sur des franchisés haut de gamme. Enfin, au plan de l’image, nous incarnons le luxe français et notre ambassadrice Sophie Marceau va pleinement dans ce sens. En somme, tout est réuni pour que nous réussissions”.

Le luxe français et la griffe Paris sont-ils applicables à l’automobile ?

Il n’en demeure pas moins que si le luxe est parfaitement assimilé à la France dans certains secteurs (parfumerie, gastronomie, haute couture, etc.), le groupe LVMH en étant l’emblème, l’opération est plus délicate à dupliquer au secteur automobile, car nos constructeurs ont avant tout une image populaire. Entre l’ancienne C-Elysée, Koleos et Vuitton, il y a comme un hiatus… S’il en convient aisément, Arnaud Ribault insiste aussi sur le fait que la culture automobile des consommateurs chinois n’est pas de la même nature que celle des clients des pays dits matures : “Nous avons aussi la belle opportunité de pouvoir exploiter la signature “Paris” et il faut savoir que c’est la destination de rêve mise en avant par 43 % des clients chinois Premium, loin devant New York, San Francisco et l’Australie. Ce doit donc être notre positionnement pour les produits, les concessions, la communication”. A cette signature “Paris” peut s’ajouter l’audace technologique et stylistique. “Une audace qui doit être plus clinquante en Chine que sous nos latitudes, car c’est le goût actuel des clients”, précise Arnaud Ribault.

DS aura-t-elle les moyens de ses ambitions ?

En somme, il appert que la construction de la marque DS ne sera pas sans écueil. Surtout que deux autres éléments posent question. Primo, à l’échelle mondiale, le marché Premium est dominé sans partage par BMW, Audi et Mercedes-Benz, qui trustent plus de 70 % de PDM. Acura, Lexus ou encore Infiniti, pourtant bien armées, ont du mal à faire bouger les lignes, ce qui est aussi le cas de Volvo et JLR dont la croissance est pourtant avérée. Et dans un registre différent, celui de la montée en gamme, on peut se rappeler de la Volkswagen Phaeton, majesté refoulée pour cause de badge non conforme. Secundo, la capacité financière du groupe PSA laisse aussi la place au doute. Si l’exemple d’Audi est souvent cité en référence pour l’accession aux happy few Premium, il ne faut pas oublier les moyens qui ont été attribués à la marque et la détermination de Ferdinand Piëch en l’espèce. Toujours est-il que DS a dépassé les 500 000 ventes depuis son lancement, “dont 300 000 nouveaux clients pour le groupe” dixit Arnaud Ribault, ce qui en fait un label réussi. Devenir une marque Premium à part entière et influente sera une autre histoire que nous suivrons lors des années futures. Mais, loin de toute tentation cocardière, à voir l’enthousiasme et la force de conviction des équipes de DS, on a envie d’y croire. “Impossible n’est pas français”, n’est-ce pas ?

 

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