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Constructeurs

“Dans dix ans, la majorité des voitures de collection seront des voitures post-années 60”

Publié le 28 janvier 2014

Par Jean-Marc Felten
6 min de lecture
La Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE) règne depuis bientôt cinquante ans sur les rapports entre collectionneurs et administrations. Son président Claude Delagneau défend bec et ongles la sauvegarde du patrimoine et le droit à la libre circulation des véhicules de plus de 30 ans.
Claude Delagneau, président de la FFVE depuis vingt ans, est présent sur tous les fronts pour défendre les véhicules de collection.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Que représente la FFVE face aux administrations ?
CLAUDE DELAGNEAU.
La Fédération représente le monde de la collection de véhicules de manière générale, que ce soit les voitures, mais aussi les poids lourds et les utilitaires, les motos ou les véhicules militaires et les tracteurs. Elle regroupe, en 2014, 1 250 clubs plus 200 professionnels dont l’activité est consacrée à 75 % minimum aux véhicules anciens, et des musées automobiles. Les clubs représentent environ 180 000 collectionneurs, or il en existe 250 000 en France. C’est-à-dire que 70 000 ne figurent dans aucune structure. Tout ce monde réuni représente environ 1,0 à 1,1 million de véhicules.

JA. Qu’est-ce qu’un véhicule de collection ?
CD.
Les véhicules de collection doivent avoir au moins 30 ans. Ce chiffre ne fera qu’augmenter logiquement. Auparavant, c’était 25 ans. L’accroissement du parc concourait à une difficulté de gestion. Lors de l’arrivée de modèles à la fiabilité augmentée des années 80 (Peugeot 205 par exemple), nous avons demandé un report de 25 à 30 ans. Ces modèles arrivent aujourd’hui en collection et, avec eux, une nouvelle génération de collectionneurs qui représentent la relève de demain. Dans les cinq ans à venir, on pourrait compter statistiquement 300 000 véhicules de collection en plus.

JA. Le volume n’est-il pas au détriment de la qualité ?
CD.
Dans dix ans, la majorité des voitures de collection seront des voitures post-années 60. Mais ce qui fait la justification d’un classement au patrimoine industriel automobile, ce sont les modèles rares et plus anciens. Les véhicules anciens sont classés comme patrimoine culturel. Ils demeurent reconnus comme mémoire industrielle, et pour les véhicules militaires, mémoire historique. Cette reconnaissance nous sert beaucoup et fait qu’en 2009, la FFVE a été reconnue d’utilité publique. C’était très important pour la défense des collectionneurs. Mais la reconnaissance comme patrimoine culturel a été basée sur la conservation de voitures qui ont une histoire riche, comme les Traction, ainsi que sur des modèles qui ont fait la réputation de l’industrie française. On pense évidemment aux Hotchkiss, Delahaye, Salmson, etc.

JA. Quels sont les défis portés au crédit de la FFVE ?
CD.
Lors de la mise en place du nouveau système immatriculation (SIV), la FFVE a fait valoir l’image historique et les particularités des véhicules anciens. Ainsi, la carte grise de collection permet de conserver une plaque noire à chiffres blancs. Mais, plus important, le contrôle technique, qui est devenu obligatoire, n’est soumis qu’à un examen tous les cinq ans, compte tenu du faible kilométrage moyen couvert, moins de 300 km annuellement. Par contre, cette mesure favorise la sécurité, et la limitation du périmètre d’usage du véhicule de collection n’est plus restreinte. Par sécurité, nous avons obtenu que ces véhicules soient soumis à un contrôle technique moins strict en accord avec les règlements techniques de leur époque. Si on le supprime, en cas d’accident avec des dommages corporels, les assurances se retourneront contre l’usager. Cet exemple serait alors le bienvenu pour des autophobes qui veulent interdire leur usage. Nous avons par contre obtenu du ministère des Transports que les véhicules de plus de 3,5 tonnes soient dispensés du CT. Il faut en effet reconnaître que l’application d’un contrôle pour ces véhicules est complexe à appliquer.

JA. Le rôle de la FFVE est-il limité à la France ?
CD.
Pour ma dernière année de présidence, je veux obtenir la reconnaissance de la carrosserie française des années 20 à 70 au patrimoine mondial de l’Unesco. Pourquoi cette démarche ? Nous nous battons pour faire reconnaître la valeur créatrice de la France dans ce domaine. Nous sommes déjà reconnus “patrimoine culturel” par le ministère des Affaires culturelles, c’est un message officiel aux opposants de toutes sortes. Nous travaillons aussi au classement de collections privées, afin de garantir qu’elles ne sortent pas de France. Ainsi a-t-on obtenu le classement de la collection Lambert, et nous travaillons actuellement pour la collection Albert Grégoire. L’intérêt est qu’elle appartenait à Péchiney, qui a été racheté par Alcan, le géant canadien de l’aluminium. Les voitures et le travail de Grégoire dans l’automobile ne doivent pas partir de France. Fin avril au plus tard, cette collection devrait être classée et sera sauvegardée en France. Elle est actuellement hébergée au musée de Mulhouse.

JA. Que pensez-vous du rôle des musées et des constructeurs ?
CD.
Les musées sont des vitrines et sont donc très importants. Ils sont à la base de la création de la FFVE. Chaque constructeur a un service dédié à son patrimoine, Peugeot ayant pour sa part un musée à Sochaux. Les constructeurs ont désormais une conscience aiguë du capital que représente leur passé.

JA. Comment s’organise la préservation du patrimoine automobile ?
CD.
La FFVE travaille activement à la création de filières professionnelles pour encadrer la maintenance et la restauration. Cela passe par la formation professionnelle. Nous voulons promouvoir des diplômes spécifiques aux métiers des véhicules de collection. Il y a de nombreux débouchés dans ce secteur. Dans vingt ans, s’il n’y a pas de formation, comment nos véhicules seront-ils restaurés et entretenus ? Il y a maintenant une quinzaine de lycées professionnels qui ont souscrit à ces formations. Nous travaillons désormais avec le ministère de l’Education nationale pour que des diplômes soient établis. On y trouvera tôlier formeur, sellier garnisseur, mécanicien et électricien automobile, et enfin menuisier ébéniste.

JA. De quoi vit la FFVE ?
CD.
Outre les cotisations des associations adhérentes et de partenariats, la FFVE est détentrice d’une délégation du ministère des Transports pour délivrer les attestations qui permettent aux préfectures et sous-préfectures d’établir les cartes grises de collection. C’est une délégation qui s’applique pour les véhicules qui sont dépourvus de documents administratifs, ainsi que pour ceux qui doivent faire l’objet d’une rectification. Mais l’établissement d’une carte grise de collection à partir d’une carte grise normale est totalement indépendant de la FFVE. Nous ne touchons des frais que pour des services d’identification et d’authentification que nous pouvons rendre.

JA. Comment s’organisent vos actions de partenariat ?
CD.
Notre premier partenaire a été ICC Assurance (désormais Carene Assurances). Nous avons également Autosur, qui, à notre demande, a développé un réseau spécifique à la voiture de collection avec 180 centres en France spécialistes de la voiture ancienne. Motul, fabricant de lubrifiant, est très impliqué dans le développement de produits pour les “anciennes”. La Société Générale s’est intéressée à nous car, économiquement, la voiture de collection reste quelque chose d’important. Ces entreprises sont très impliquées dans les activités de protection du patrimoine que nous menons, mais qui demandent des moyens logistiques et techniques qu’ils peuvent amener dans le cadre de leur activité.

JA. Quel est l’avenir de la FFVE ?
CD.
De nombreux combats sont encore à mener. Pour ma part, mon rôle de président s’arrêtera cette année, après vingt ans à la tête de la Fédération. Notre assemblée générale se tiendra pendant Rétromobile.
 

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