Citroën : Un conservatoire fort en gammes
...Situé sur l'immense parking de l'usine PSA d'Aulnay sous Bois, le Conservatoire Citroën reste discret. Fermé au grand public, ce lieu concentre pourtant toute l'histoire de la firme au double chevron. Il suffit de pousser une large porte pour découvrir des centaines de véhicules parfaitement alignés. Tous ont traversé le temps et bien des aventures avant de trouver la paix dans ce sanctuaire. "Avant l'ouverture du conservatoire en 2001, les voitures étaient dispersées entre le centre d'essai de La Ferté-Vidame, l'usine de Rennes, celle d'Aulnay sous Bois et dans un sous-sol de la rue Vasco de Gama, dans le 15e arrondissement de Paris", explique Denis Huille, responsable du patrimoine Citroën. Si des véhicules ont été conservés dès l'époque d'André Citroën, il faudra attendre plusieurs décennies avant que Jacques Wolgensinger, directeur des relations publiques de la marque pendant trente ans ne se préoccupe à nouveau de ce riche passé. Une deuxième étape importante est franchie avec l'arrivée de Jean-Martin Folz à la tête du groupe PSA. "M. Folz a demandé à voir la collection qui était stockée dans le 15e arrondissement et, avec le soutien de Pierre Peugeot, la décision de construire le Conservatoire fut prise", raconte Denis Huille. Le responsable du patrimoine veille donc aujourd'hui sur 370 voitures et plusieurs kilomètres d'archives commerciales et publicitaires. "Nous avons même la chance de posséder la main courante de l'usine depuis mai 1919, ce qui permet de donner aux collectionneurs qui en font la demande une attestation de date de sortie de leur véhicule".
Faire vivre la collection
Sur 6 500 m2, le conservatoire Citroën rassemble toute l'histoire de la marque. Les voitures de série côtoient ainsi des concept-cars, des véhicules restés à l'état de prototypes et des voitures de course. Au hasard de quelques allées, l'aventure resurgit avec les modèles qui ont vaincu les déserts, depuis la traversée du Sahara en 1922 au raid Berlingo de 1997. Sur ces 370 véhicules, tous ne sont pas en état de prendre la route mais "nous essayons de les faire tourner le plus souvent possible. Nous prêtons des modèles à nos importateurs ou nous les utilisons lors d'expositions que nous organisons, comme l'année dernière pour les 50 ans de la DS à la Cité des Sciences ou à la FIAC" précise Denis Huille. Malgré son inaccessibilité au grand public, le Conservatoire accueille chaque année au moins 1 200 visiteurs car "ce lieu est vivant, il est ouvert aux collectionneurs, aux membres des clubs Citroën, au personnel du groupe PSA, aux journalistes et à des partenaires comme Michelin ou Total", précise le responsable. Le patrimoine de Citroën reste donc accessible aux passionnés qui peuvent constater la croissance de cette collection.
Un patrimoine qui ne cesse de croître
Si la partie la plus visible reste celle constituée par les véhicules, les archives du constructeur n'en restent pas moins importantes. "Il s'agit d'un gros chantier, confie Denis Huille, un nouveau système documentaire informatique nous permet d'indexer les documents. Tout est répertorié grâce à un système de codes barres mais c'est un travail de longue haleine". Presque sans fin, puisque certaines parties importantes comme les affiches publicitaires et les dessins de style ne sont pas triées. Sans compter les documents qui arrivent régulièrement et les questions soulevées par les archives électroniques.
"Pour les véhicules, poursuit le responsable du patrimoine, nous gardons systématiquement au moins deux exemplaires de chaque modèle ; un au début de la gamme et un autre à la fin. Dernièrement, on a rentré l'un des derniers C15 et deux des derniers breaks et berlines Xsara". Le Conservatoire suit également l'évolution des modèles et garde un exemplaire de chaque génération. "Nous venons par exemple de recevoir une C3 phase 1 puisque la phase 2 vient de sortir". Parallèlement à ces nouvelles venues, les voitures plus anciennes réclament une attention plus particulière, même lorsque leur état ne nécessite pas une restauration totale.
Restaurer pour rouler
Grâce à ses deux techniciens, le Conservatoire assure l'entretien des voitures et de petits travaux de restauration. "Tout ce qui touche à la carrosserie est sous-traité chez des professionnels extérieurs plutôt spécialisés dans les véhicules anciens. Pour des véhicules plus récents, nous faisons parfois appel au réseau Citroën", explique Denis Huille. Les restaurations totales sont confiées à des spécialistes mais "nous n'en faisons qu'une à deux par an car les devis peuvent être très élevés et parfois supérieurs à la cote de la voiture. Cependant, les véhicules méritent d'être restaurés". L'année prochaine, le Conservatoire devrait envoyer en restauration une très rare type A sport. "Il s'agit d'une opération importante qui s'étalera sur plusieurs mois mais il est intéressant d'avoir ce type de voiture pour l'exposer ou la faire rouler au cours des événements auxquels nous participons", souligne le responsable.
Parmi ces rendez-vous traditionnels, "nous sommes présents sur le salon Rétromobile en partenariat avec les clubs Citroën. Nous sommes également partenaires du Grand Prix de l'Âge d'Or à Dijon, pour lequel nous amenons des voitures anciennes et des modèles de la gamme actuelle qui seront à la disposition de l'organisation. Ceci permet de mettre en avant la marque, car il ne faut pas oublier que notre but est de vendre des voitures et le patrimoine est aussi un outil de communication. Depuis l'année dernière, nous répondons à l'appel de l'UTAC pour la journée du patrimoine sur le circuit de Montlhéry, toujours en liaison avec les clubs, et enfin, nous avons organisé une grande exposition avec Citroën Angleterre au musée de Beaulieu, qui accueille près de 400 000 visiteurs par an". Malgré ce programme déjà intéressant, Denis Huille compte encore aider les filiales de la marque pour qu'elles assurent la présence de Citroën dans des salons étrangers comme l'immense Techno Classica d'Essen, en Allemagne. L'autre grand axe de développement concerne les nombreux clubs de la firme aux chevrons puisque "Citroën est l'une des marques les plus collectionnées, avec 364 clubs dans le monde", souligne le responsable.
Répondre à l'engouement suscité par Citroën
"J'étais dernièrement au rassemblement 2 CV à Salbry où étaient présentes 2 000 voitures et j'ai réellement pris conscience à cette occasion de ce que représentait la 2 CV", évoque-t-il d'un air songeur. A l'image de la 2 CV, des modèles mythiques comme la Traction Avant et la DS ont apporté une notoriété internationale à Citroën, bien au-delà des frontières de l'Europe. Nombreux sont les pays où la marque est absente commercialement mais bénéficie d'une bonne image. Le responsable du patrimoine veut conforter cette cote d'amour en renforçant la présence de la firme lors des rassemblements organisés par les clubs, notamment "la prochaine édition de l'ICCCR, qui est le grand rassemblement international des clubs Citroën et qui aura lieu en 2008 sur le circuit de Vallelunga, près de Rome". Une façon pour le Conservatoire de "jouer le rôle d'outil de communication souhaité par Messieurs Folz et Satinet". En aidant les collectionneurs, la marque entretient ainsi son patrimoine mais aussi son image. "Nous répondons aux questions et sollicitations des collectionneurs et sommes encore l'un des rares constructeurs à ne pas faire payer les attestations de date de sortie des véhicules. Cependant, le fait de s'aligner sur les pratiques de Peugeot et Renault apporterait un peu plus de moyens, au moment où le Conservatoire atteint ses limites". Appelé à accueillir toujours plus de voitures et d'archives, le bâtiment d'Aulnay-sous-Bois s'avère déjà trop petit et "nous réfléchissons à différentes solutions", précise Denis Huille.
A quand un musée ouvert au public ?
Plusieurs possibilités s'offrent à Citroën pour régler ce problème de place. "Nous envisageons d'agrandir le bâtiment ou de stocker quelques véhicules qui ne sortent pas souvent à un autre endroit", explique le responsable. L'idée d'un éventuel musée paraît plus éloignée. "Le grand chantier actuel de la marque se trouve sur les Champs Elysées où j'espère bien pouvoir exposer à tour de rôle les véhicules qui ont jalonné l'histoire de la marque". Cependant, plusieurs constructeurs bâtissent actuellement des musées dans leur pays d'origine voire dans les marchés les plus importants pour eux. Ce mouvement n'a pas échappé à Denis Huille. "Ce serait une étape sympathique pour le patrimoine Citroën mais un tel projet réclame un budget important. Actuellement parmi les constructeurs français, seul Peugeot a son musée. Renault n'en a pas. Le constructeur stocke ses véhicules dans l'une de ses usines qui n'est pas ouverte au public alors que nous parvenons à accueillir certains visiteurs privilégiés. Nous sommes à un niveau intermédiaire. Un grand pas a été franchi et nous essaierons d'en franchir un autre mais cela demandera sans doute un peu de temps", confie le responsable.
Le cinquantenaire de la DS comme un révélateur
Si Citroën n'envisage pas la construction d'un musée, l'état d'esprit de la marque en matière de patrimoine a évolué depuis quelques années. "Je pense que le grand déclic a eu lieu l'année dernière avec les cinquante ans de la DS qui ont eu un retentissement important. Peut-être plus important qu'on ne le pensait", souligne Denis Huille. De plus, la gamme actuelle du constructeur correspond mieux à ce que représentaient des véhicules comme la DS, la Traction ou la 2 CV. "A l'image des victoires en sport automobile, le patrimoine est un outil de communication efficace". Après un travail de sauvegarde mené dans l'ombre par quelques hommes, Citroën se réapproprie aujourd'hui officiellement son histoire, en même temps que son identité.
Frédéric Marty
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